Si les années 1980 et suivantes ont vu se développer la lutte contre les nitrates et phosphates, encore inachevée dans plusieurs régions, on commence seulement à mesurer les volumes de micropolluants circulant dans les eaux en France. Dans la première étude de ce genre pour quantifier les contaminants à échelle du pays, les chercheurs ont identifié en sortie de station d'épuration 94 molécules organiques pouvant avoir des effets toxiques sur la santé humaine (88 écotoxiques), 15 molécules inorganiques pouvant avoir une toxicité humaine (19 écotoxiques), pour un total de près de 147 tonnes. Les stations d'épuration ne sont pas prévues pour traiter ces contaminants d'origines très diverses : pesticides, médicaments humains et vétérinaires, hormones, hydrocarbures, métaux lourds, composés de synthèse. L'effet de cette charge toxique sur les milieux aquatiques est très mal documenté à ce jour, malgré leur hausse constante depuis l'après-guerre. Il serait temps que les gestionnaires français de l'eau, au lieu de détruire maladivement des moulins et étangs d'Ancien Régime comme soi-disant pinacle écologique de la rivière "sauvage", s'intéressent sérieusement au dossier de la pollution ainsi qu'à la santé des humains comme à celle des milieux.
"Les micropolluants émis par les activités humaines représentent une menace potentielle pour notre santé et notre environnement aquatique. Des milliers de substances actives sont utilisées et vont à la STEP via les eaux usées. Pendant le traitement de l'eau, une élimination incomplète se produit. Les effluents rejetés dans l'environnement contiennent encore une partie des micropolluants présents dans les effluents. Ici, nous avons étudié les impacts potentiels sur la santé humaine et le milieu aquatique du rejet de 261 micropolluants organiques et de 25 micropolluants inorganiques à l'échelle de la France. Les données ont été recueillies à partir d'enquêtes nationales, de rapports, d'articles et de travaux de doctorat. Le modèle USE-tox ® a été utilisé pour évaluer les impacts potentiels. Les impacts sur la santé humaine ont été estimés pour 94 micropolluants organiques et 15 inorganiques et sur le milieu aquatique pour 88 micropolluants organiques et 19 inorganiques, soulignant le manque de concentration et de données toxicologiques dans la littérature. Certains hydrocarbures aromatiques polycycliques et pesticides ainsi que l'As et le Zn ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur la santé humaine. Certains pesticides, le PCB 101, la βE2, l'Al, le Fe et le Cu ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur l'environnement aquatique."
"Les impacts potentiels totaux sur la santé humaine ont varié entre 3 et 14 et 761 à 904 DALY [Disability Adjusted Life Year = cumul année de vie perdue] pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques. Les impacts potentiels totaux sur l'environnement aquatique ont varié entre 18 et 22 et 2 408 à 3 407 milliards de PDF.m3.j [Potentially Disappeared Fraction potentielle d'espèces disparues d'un volume) pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques.Pour la toxicité et l'écotoxicité, les impacts potentiels ont été calculés avec un petit nombre de molécules par rapport à celles qui avaient été sélectionnées. Cela a mis en évidence le manque de données de concentration et de facteurs de caractérisation. La connaissance réelle des effets des micropolluants sur la santé humaine et l'environnement aquatique est limitée.Nos études ont soulevé la question de la solution pour réduire les impacts des micropolluants organiques sur la santé humaine et l'environnement aquatique. La réduction ou l'interdiction d'utilisation est préférée en France; ici, nous avons mis en évidence que les micropolluants omniprésents (HAP), interdits (PCB) ou naturels (hormone) sont toujours présents dans les effluents et ont contribué à l'impact calculé signifiant que cette solution n'est pas appropriée pour tous les micropolluants. Les traitements tertiaires sont un autre moyen de réduire les rejets dans l'environnement, mais nous devons savoir s'ils sont suffisants pour réduire les micropolluants ayant les impacts les plus élevés et des études pour prouver que les produits de dégradation, le cas échéant, ne sont pas plus toxiques que les composés d'origine. De plus, on peut également s'interroger sur le coût impliqué par l'ajout de traitements tertiaires: il faut savoir si les options de traitement tertiaire disponibles sont efficaces pour éliminer les micropolluants et si elles sont rentables compte tenu de leur coût et de la diminution de l'impact. Nos résultats ont soulevé des questions sur les impacts des micropolluants inorganiques; en effet, ils sont naturellement présents dans l'eau, la plupart des concentrations dans les effluents des stations d'épuration sont proches des concentrations en rivière mais les impacts estimés montraient un risque élevé en raison de ces substances.USETox® est basé uniquement sur des données de toxicité chronique et ne tient pas compte des perturbations endocriniennes. De plus, les effets des nanomatériaux, des microplastiques, des gènes de résistance, etc. n'ont pas été pris en compte par cette méthode mais peuvent représenter un impact important sur la santé humaine et l'environnement aquatique. Cependant, cette méthode pourrait être utilisée pour comparer différents scénarii: ajout de traitement tertiaire, réduction des émissions à la source, etc. Ici, comme première étape d'estimation des impacts potentiels, nous nous concentrons sur les valeurs de masse moyennes à l'échelle de la France. On sait qu'il existe une variation spatiale et temporelle des émissions de micropolluants (Lindim et al., 2019); une perspective est d'utiliser ce type de méthode à l'échelle du bassin versant, en considérant d'autres émissions provenant de l'agriculture ou des industries."
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