Ni les médias spécialisés ni les parlementaires eux-mêmes ne comprennent pourquoi le gouvernement a exclu l’hydro-électricité du projet de la loi d’accélération des énergies renouvelables. Ni pourquoi il tente en ce moment même de dissuader d’intégrer l’énergie hydraulique dans les échanges parlementaires. La raison ? Le poids d'une faction radicale et favorable à la démolition des ouvrages hydrauliques au sein de l’appareil administratif en charge de l’écologie.
29/10/2022
Pourquoi le gouvernement bloque sur l’hydro-électricité ?
19/10/2022
Ne commettons sur les retenues d'eau les mêmes erreurs que sur la continuité écologique
L'Office français de la biodiversité a organisé avec des syndicats de rivière une analyse de l'effet cumulé des retenues d'eau. Un colloque de restitution vient d'en rapporter les principales conclusions. Si des données intéressantes ont été récoltées, le colloque nous a aussi permis de constater le fossé béant entre la représentation de la nature de certains gestionnaires publics et la diversité des réalités de l'eau dans la société. Il existe en France 300 000 plans d'eau de plus de 100 m2 et probablement près d'un million au total. Envisager ce fait massif sous le seul angle d'une "dégradation de la nature" à corriger nous mène dans le mur. Ne commettons pas l'erreur déjà faite sur les ouvrages en lit mineur à l'occasion de la réforme ratée de continuité écologique.
17/10/2022
Les ministères de l'écologie et de l'énergie sont-ils toujours prisonniers des lobbies qui bloquent la transition bas-carbone?
Agnès Pannier-Runacher (ministre de la transition énergétique) a donné un mauvais signal lors d'un échange à l'Assemblée nationale sur la petite hydro-électricité. La ministre semble ignorer que la loi a déjà demandé au gouvernement de mobiliser cette énergie face à l'urgence climatique en 2019, que la loi a aussi déjà demandé au gouvernement de cesser toute destruction de l'usage d'un ouvrage en 2021, que son administration est déjà en carence fautive pour ne pas exécuter ces lois votées par les représentants élus des citoyens. Cela fait beaucoup d'oublis. Si Mme Pannier-Runacher et M. Béchu devaient continuer à donner la prime aux lobbies sur les lois, nous serions contraints d'assigner leur gouvernement en justice. La France souffre de pénurie d'eau et d'énergie, elle est engagée dans une crise dont on comprend chaque jour davantage l'ampleur: les destructions d'ouvrages de retenue et les entraves à la production d'hydro-életricité n'ont plus aucune place dans les politiques publiques du pays.
15/10/2022
La recherche scientifique va-t-elle enfin étudier les ouvrages hydrauliques autrement que comme "impact"?
A la conférence Integrative Science Rivers tenue à Lyon l’été dernier, neuf chercheurs français ont appelé à une démarche scientifique pluridisciplinaire pour éclairer tous les effets de la restauration de continuité écologique. Ces chercheurs emploient le terme juste de «socio-écosystème» pour désigner la rivière. Nous commentons ici leur point de vue, et nous les invitons à constater que la recherche dont ils sont représentants a surtout été intéressée ces 20 dernières années par la compréhension des ouvrages hydrauliques comme «impact» à faire disparaître. Alors, quand commence-t-on à les étudier autrement?
«La réglementation environnementale, à l’échelle européenne comme à l’échelle nationale, détermine des objectifs écologiques pour la gestion des rivières. Elle incite les acteurs publics en France à mettre en place une politique ambitieuse de restauration des cours d’eau. Or, les rivières ne peuvent aujourd’hui être dissociées des nombreux usages anthropiques dont elles font l’objet. Cela rend nécessaire de les envisager dans des perspectives multiples et d’intégrer les connaissances de plusieurs disciplines pour comprendre et éventuellement prédire les effets d’un projet de restauration sur les différents compartiments de ces socio-écosystèmes. Nous nous sommes focalisés sur la restauration de la continuité écologique, enjeu d’un débat public très animé en France, et avons réalisé une analyse interdisciplinaire d’un corpus bibliographique large. L’étude poursuit deux objectifs principaux : 1) identifier les limites des connaissances scientifiques actuelles sur les effets de la restauration de la continuité écologique des rivières; 2) identifier les points de vigilance qui pourraient être déterminants pour la trajectoire prise par le socio-écosystème fluvial suite à un projet de restauration. Sans viser une synthèse exhaustive, ce travail propose une perspective interdisciplinaire sur le sujet et encourage les chercheurs et les praticiens travaillant sur la restauration des cours d’eau à s’approprier la complexité des socio-écosystèmes que forment les rivières, de façon à gagner en assurance face aux inévitables incertitudes associées au choix de restaurer, ou de ne pas restaurer. »
- Si nous devons partager une «culture de la rivière», il faut encore que cette culture soit correctement informée, et non biaisée au départ par une avalanche d’études sur certains aspects et une négligence quasi-complète sur d’autres.
- Si la rivière est un socio-écosystème, il nous faut comprendre comment le «socio» et l’«éco» se déploient et interagissent, non seulement dans la société actuelle, mais aussi dans la construction historique des rivières et de leurs bassins versants, qui co-détermine leur dynamique présente et future.
- Si les praticiens de la restauration doivent intégrer le «contexte local», il leur faut pour cela des grilles d’analyse et des méthodologies, donc un travail scientifique antérieur de compréhension des réalités (et non de réduction des réalités à un seul angle en vue d’un seul objectif).
- Si la restauration écologique veut être acceptable et acceptée, elle peut difficilement se présenter sur un territoire en disant du moulin (comme de bien d’autres) «c'est juste un impact», c’est-à-dire en avançant (même sous la sophistication de concepts savants) une idéologie assez brutale de la nature «normale» sans humain et de l’humain comme présence «anormale» dans un milieu, en négligeant aussi l’évidence matérielle des habitats d’origine anthropique en place autour des ouvrages.
13/10/2022
Une nouvelle estimation du productible des moulins à eau en France
La fédération de moulins FFAM vient de produire une très intéressante analyse du potentiel de production des moulins à eau en France. L'avantage de sa méthodologie est qu'elle part des données du référentiel des obstacles à l'écoulement (ROE) de l'Office français de la biodiversité. Les moulins à eau représentent plus de 800 MW de potentiel hydro-électrique à équiper, soit un gisement très appréciable pour la plus populaire des énergies renouvelables – surtout quand elle s'installe sur un site traditionnel de moulin déjà en place depuis des siècles! La politique publique d'encouragement et d'accompagnement de la remise en service des moulins à eau est une urgence face à la crise climatique et à la pénurie énergétique.
11/10/2022
Observations à Florence Habets sur les retenues si mal aimées (par certains...)
L'hydrogéologue Florence Habets, par ailleurs conseillère scientifique de l'agence de l'eau Seine Normandie, donne un portrait fort négatif des retenues d'eau dans un entretien au journal Le Monde. Quelques réponses.
«Quant à la problématique des retenues destinées à l’irrigation agricole, elle revient à considérer que la ressource qui y est stockée appartient aux exploitants. Qu’en est-il de la préservation du milieu dans ces conditions ? Certes les dispositions réglementaires imposent de conserver une part du débit des rivières pour les écosystèmes, mais il s’agit seulement d’un pourcentage fixé à 10 % précisément. Or ces retenues sont souvent situées les unes derrière les autres dans le bassin versant. Ainsi on réserve 10 % de l’une, puis de l’autre, puis de la troisième, et à la fin, il ne reste plus rien en aval.»
«La polémique sur la nécessaire continuité écologique hydrologique montre qu’il y a des progrès à faire sur la compréhension du cycle de l’eau : les gens ont l’impression qu’en l’arrêtant entre deux seuils où elle stagne et se réchauffe, ils la sauvent, mais c’est faux. La rivière peut apparaître à sec quand elle s’infiltre alors qu’elle s’écoule sous la surface, puis ressort plus loin. Laisser l’eau s’écouler est le meilleur moyen de sauver l’environnement. Sinon les poissons ont le choix entre la prison et la mort.»
« D’autre part, les retenues et les plans d’eau génèrent une forte évaporation et une augmentation des températures qui favorise des proliférations de cyanobactéries et de toxines. Un printemps peu nuageux favorise la présence d’algues, l’eau devient plus turbide, elle stocke alors encore plus la chaleur. Ces phénomènes appelés « blooms » se multiplient, on les observe notamment au Canada. C’est inquiétant, il en va de l’avenir de nos plans d’eau. »
- la diversité climatique, géologique, hydrologique, écologique des bassins versants,
- la diversité des retenues et ouvrages dont on parle,
- la diversité des services écosystémiques attendus par la société (jusqu’à un quarantaine de services rendus pour les plans d’eau, cf Janssen et al 2020).
06/10/2022
Les seuils contribuent à dépolluer les rivières, leur suppression élimine cet effet bénéfique (Teran-Velasquez et al 2022)
Des chercheurs ont utilisé un modèle à haute résolution spatiale pour vérifier le bilan nitrate d’une rivière avec retenues d’eau créées par des seuils. Leur travail confirme que les ouvrages hydrauliques tendent à améliorer la qualité de l’eau à l’aval de manière significative, en comparaison d'un tronçon sans seuil ou à seuil supprimé. Ils soulignent que la politique de destruction des ouvrages devrait exiger de meilleures informations sur leurs avantages et inconvénients, au lieu de l’actuel procès à charge par nombre de gestionnaires publics.
02/10/2022
Le projet de règlement Restore Nature montre que nous sommes loin d'une démocratie de la nature
La coordination Eaux & rivières humaines débat en ce moment avec les parlementaires européens du projet de règlementation Restore Nature, qui doit être discuté et voté en début d'année prochaine. Le texte proposé par la commission européenne est très problématique en l'état, avec la destruction d'obstacle comme seule ambition pour les rivières. Mais plus problématique encore, le processus de décision est vicié : des technocraties choisissent les expertises et les intérêts qu'elles ont envie d'entendre pour fabriquer des normes conçues en haut et imposées en bas. Cela n'a pas marché au niveau français, cela ne sera pas mieux au niveau européen. Avant de restaurer la nature, démocratisons-la pour savoir ce que les citoyens en attendent. Et partons du terrain, pas des bureaux lointains.