26/12/2023
Impact des barrages sur les poissons migrateurs des Etats-Unis (Dean et al 2023)
11/12/2023
Les biais des hauts fonctionnaires de l’eau et de la biodiversité
Responsable ressources en eau, milieux aquatiques et pêche en eau douce au ministère de l’écologie, Claire-Cécile Garnier est depuis 15 ans une des pilotes de la politique de continuité écologique en France. Cette politique s’est focalisée sur la volonté de détruire des ouvrages hydrauliques (barrages, seuils, digues) et leurs milieux (retenues, étangs, biefs et canaux). Dans une vidéo récente, la haute fonctionnaire expose les raisons justifiant ces choix. Une bonne occasion d’explorer les biais cognitifs à l’œuvre même dans les têtes de la technocratie publique. Et de comprendre pourquoi la continuité écologique est devenue l’une des politiques environnementales les plus contestées sur le terrain.
Ce qui n'est pas dit dans la vidéo (et cette omission est le premier problème)
Citation : « Les altérations physiques à cette continuité, obstacles à l'écoulement seuil, barrage endiguement les rectifications sont avec les pollutions diffuses, la pression principale responsable du mauvais état des cours d'eau. »
Citation: « Il est vrai que de nombreux ouvrages en rivière, comme les seuils de moulins à eau, ont été construits il y a plusieurs centaines d'années. En revanche, il est faux de dire qu'ils n'ont jamais eu d'impact sur la biodiversité. Selon une étude scientifique de 2016, la généralisation à partir du 11e siècle des Moulins à roues verticales en Europe a causé un premier effondrement des populations de saumon. »
Citation : « [La continuité] C'est aussi ce qui permet des inondations dans le lit majeur qui vont recharger les zones humides, les sols et les nappes souterraines, qui vont éroder les terres et amener des matériaux à la rivière. » / « Au contraire, les seuils aggravent plutôt localement les inondations parce qu'ils rehaussent la ligne d'eau en permanence et facilitent ainsi les débordements en amont. »
Nous pourrions reprendre chaque phrase ou presque de la vidéo pour la nuancer, préciser ou parfois contredire. La lecture de notre rubrique idées reçues ou de notre rubrique science permettra aux lecteurs intéressés de comprendre pourquoi. Ce n'est probablement pas très utile : le personnel public qui s'est engagé dans la mise en oeuvre de la continuité écologique sous sa dimension destructrice des ouvrages et milieux anthropisés connaît ces arguments, mais préfère les ignorer ou les nier. Pour que cette politique change vraiment, il faudra probablement attendre le poids des réalités (besoins de la transition énergétique, nécessités de l'adaptation climatique, réponses aux événements extrêmes sécheresses, feux de forêt et crues) ainsi que le renouvellement d'une génération de décideurs et experts qui a mal posé le problème, mais peine à la reconnaitre.
03/12/2023
Ecologie, évolution et étude des socio-écosystèmes hybrides
Dans son dernier exercice de prospective scientifique sur l'écologie et l'environnement, le CNRS souligne parmi les pistes de recherche à soutenir l'analyse des écosystèmes créés par les humains, afin de mieux comprendre les interactions rapides entre évolution et écologie. Une préconisation qui devrait concerner au premier chef le grand orphelin des travaux sur l'eau en France, à savoir le riche réseau des milieux aquatiques anthropisés (mares, étangs, fossés, biefs, canaux, retenues, lacs), à ce jour souvent considéré par le gestionnaire public comme sans intérêt car de toute façon "dégradé" par rapport à un milieu "naturel" sans humain. Cette cécité, assez absurde étant donné l'importance de ces milieux sur tous les territoires, nous prive de connaissances et de pratiques utiles pour une meilleure gestion des environnements hybrides formant la réalité des bassins versants.
29/11/2023
Évaluation du risque érosion et coulée de boue sur le territoire de l’EPAGE Sequana en Côte-d’Or
L’érosion hydrique des sols, qui favorise le transfert de terre arable des parcelles agricoles vers les masses d’eau réceptrices à l’aval, intervient généralement suite à des décennies de modifications des paysages ruraux. Les effets en sont multiples : diminution de la fertilité des sols, dégradation de l’environnement (biodiversité, qualité des eaux…) et mise en péril des personnes et des biens lorsque des coulées de boues surviennent. Ce phénomène, désormais récurrent sur le territoire de l’EPAGE SEQUANA l’a conduit à solliciter le BRGM pour cartographier l’aléa érosion et coulée de boue sur son territoire.
(Source BRGM)
Coulée de boue et dégradation du réseau routier (Quemigny-sur-Seine, 2020).
© EPAGE SEQUANA
Les résultats de cette modélisation ont montré que :
- L’érosion des sols survient principalement à l’automne et au printemps, lorsque le sol est faiblement couvert et l’érosivité des pluies importante ;
- La Seine amont est le cours d’eau le plus vulnérable à l’aléa érosion et coulée de boue, plusieurs de ses sous-bassins présentant ainsi un aléa moyen à fort ;
- Certaines communes et certains cours d’eau seraient plus particulièrement exposés à l’érosion et aux coulées de boues en cas de changement d’occupation des sols (retournement de prairies notamment).
Lien pour l'évaluation du risque
10/11/2023
Cinq scientifiques défendent le rôle bénéfique des petites retenues d'eau et appellent à le reconnaître
En France, et en Europe, une politique publique a valorisé l'assèchement des petites retenues d'eau au nom de la continuité en long: des milliers de réservoirs et biefs associés à des moulins et étangs anciens ont déjà été détruits. Une collectif pluridisciplinaire de scientifiques souligne les limites et carences de ce choix à l'heure où la gestion et régulation de l'eau comme la préservation de milieux pour la biodiversité aquatique sont un enjeu critique.
01/11/2023
Les territoires et patrimoines de l'eau, entre nature et société (Serna et Larguier 2023)
La revue Patrimoines du Sud propose une magnifique exploration de l'eau en Occitanie à travers ses héritages patrimoniaux et usages productifs. Le regard des géographes et historiens montre le caractère intrinsèquement hybride de l'eau, à la fois puissance naturelle et construction sociale.
10/10/2023
Détruire les moulins, étangs, biefs, canaux et plans d'eau sans enquête publique ni étude d’impact, le retour du décret scélérat
Après avoir subi une annulation en conseil d’Etat à la demande de notre association et de ses consoeurs, le décret du gouvernement visant à empêcher les enquêtes publiques et les études d’impact des destructions d’ouvrages hydrauliques vient d’être reformulé de manière cosmétique et republié au journal officiel. Le ministère de la transition écologique veut donc s’acharner à imposer une politique décriée de destruction et assèchement des retenues, réservoirs, lacs, étangs, canaux et biefs, à contre-courant des impératifs de stockage de l’eau et de production d’énergie hydraulique. Nous appelons nos consoeurs à nous rejoindre demander une nouvelle annulation de ce décret tout aussi scélérat que le précédent.
- Baisse du niveau de la rivière et de la nappe
- Erosion régressive
- Remobilisation de sédiments pollués
- Déstabilisation ou destruction des espèces (biocénoses) ayant colonisé l’écosystème artificiel d’eau douce
- Diffusion plus aisée d’espèces invasives venant de l’aval
- Disparition de biotopes aquatiques et humides autour des retenues et canaux
- Fragilisation du bâti riverain, pourrissement des fondations bois, rétraction argile
- Fragilisation des berges, érosion des propriétés riveraines
- Accélération des ondes de crue, augmentation du risque aval
- Aggravation des assecs, perte de zones refuges pour le vivant
- Perte de patrimoine culturel et d’aménité paysagère
- Perte d’usage actuel ou potentiel (énergie, pisciculture, loisir)
Le tableau annexé à l'article R. 214-1 du code de l'environnement est ainsi modifié :Après la rubrique 3.3.4.0. est insérée une rubrique 3.3.5.0. ainsi rédigée :« 3.3.5.0. Travaux mentionnés ci-après ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, y compris les ouvrages nécessaires à la réalisation de cet objectif (D) :« 1° Arasement ou dérasement d'ouvrages relevant de la présente nomenclature, notamment de son titre III, lorsque :« a) Ils sont implantés dans le lit mineur des cours d'eau, sauf s'il s'agit de barrages classés en application de l'article R. 214-112;« b) Il s'agit d'ouvrages latéraux aux cours d'eau, sauf s'ils sont intégrés à un système d'endiguement, au sens de l'article R. 562-13, destiné à la protection d'une zone exposée au risque d'inondation et de submersion marine;« c) Il s'agit d'ouvrages ayant un impact sur l'écoulement de l'eau ou les milieux aquatiques autres que ceux mentionnés aux a et b, sauf s'ils sont intégrés à des aménagements hydrauliques, au sens de l'article R. 562-18, ayant pour vocation la diminution de l'exposition aux risques d'inondation et de submersion marine ;« 2° Autres travaux :« a) Déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d'eau ou rétablissement de celui-ci dans son talweg;« b) Restauration de zones humides ou de marais;« c) Mise en dérivation ou suppression d'étangs ;« d) Revégétalisation des berges ou reprofilage améliorant leurs fonctionnalités naturelles;« e) Reméandrage ou restauration d'une géométrie plus fonctionnelle du lit du cours d'eau;« f) Reconstitution du matelas alluvial du lit mineur du cours d'eau;« g) Remise à ciel ouvert de cours d'eau artificiellement couverts;« h) Restauration de zones naturelles d'expansion des crues.« La présente rubrique est exclusive des autres rubriques de la nomenclature. Elle s'applique sans préjudice des obligations relatives à la remise en état du site et, s'il s'agit d'ouvrages de prévention des inondations et des submersions marines, à leur neutralisation, qui sont prévues par les articles L. 181-23, L. 214-3-1 et L. 562-8-1, ainsi que des prescriptions susceptibles d'être édictées pour leur application par l'autorité compétente.« Ne sont pas soumis à la présente rubrique les travaux mentionnés ci-dessus n'atteignant pas les seuils rendant applicables les autres rubriques de la nomenclature. »
16/09/2023
La notion de "limite planétaire" de l'eau douce a-t-elle un sens?
Une étude récemment parue et fort commentée affirme que l'humanité aurait dépassé la "limite planétaire" de l'eau douce. Voilà qui soulève stupeur et frayeur. Mais qu'en est-il vraiment? L'analyse de la publication concernée montre que le calcul choisi est pour le moins étrange : les scientifiques y considèrent simplement qu'un écart de 10% des écoulements (en excès ou en défaut) par rapport à l'époque pré-industrielle formerait une "limite". Nous suggérons ici que ce choix méthodologique (contesté par d'autres chercheurs) n'a guère de sens, une déviation de la situation passée du Holocène n'étant pas assimilable en soi à une limite, ni même forcément à un danger. Cette approche facile à médiatiser mais difficile à justifier n'offre de surcroît aucun intérêt pour les enjeux concrets de gestion de l'eau douce : l'agrégat planétaire théorique est un artefact statistique découplé des réalités physiques et socio-économiques du cycle de l'eau.
"Afin de refléter de manière exhaustive les modifications anthropiques des fonctions de l’eau douce dans le système terrestre, cette limite est révisée pour prendre en compte les changements sur l’ensemble du cycle de l’eau sur terre. Nous utilisons ici le débit comme indicateur pour représenter l’eau bleue (eaux de surface et souterraines) et l’humidité du sol dans la zone racinaire pour représenter l’eau verte (eau disponible pour les plantes). Les variables de contrôle sont définies comme le pourcentage de la superficie annuelle mondiale libre de glace présentant des écarts de débit des cours d’eau / d’humidité du sol dans la zone racinaire par rapport à la variabilité préindustrielle. La nouvelle composante eau verte représente directement la régulation hydrologique des écosystèmes terrestres, du climat et des processus biogéochimiques, tandis que la composante eau bleue représente la régulation des rivières et l’intégrité des écosystèmes aquatiques. De plus, cette limite capture désormais les impacts sur le système Terre des augmentations et des diminutions d'eau sur une échelle mensuelle et inclut leurs modèles spatiaux.Les variables de contrôle décrivent les écarts par rapport à l’état préindustriel (ici, 1661-1860), déterminés pour la première fois à l’échelle de la grille de 30 minutes d’arc, puis regroupés en une valeur annuelle globale. Pour les variables de contrôle de l'eau bleue et verte, les limites sont fixées au 95e centile de la variabilité préindustrielle, c'est-à-dire la variabilité du pourcentage de la superficie mondiale présentant des écarts [~ 10 % pour l'eau bleue et ~ 11 % pour l'eau verte]. Nous supposons que les conditions préindustrielles sont représentatives des conditions à plus long terme de l’Holocène et qu’un écart notable par rapport à cet état met en danger les fonctions du système terrestre d’eau douce. En attendant une évaluation complète des impacts des différents niveaux de transgression des limites des eaux bleues et vertes (par exemple, capacité réduite de séquestration du carbone, régulation climatique et perte de biodiversité ; voir les documents supplémentaires), les paramètres des limites sont préliminaires et hautement prudents. Actuellement, environ 18 % (eau bleue) et environ 16 % (eau verte) de la superficie terrestre mondiale connaissent des écarts humides ou secs d’eau douce. Ainsi, contrairement aux évaluations précédentes des limites planétaires où seule l’élimination de l’eau bleue était prise en compte, cette nouvelle approche indique une transgression substantielle de la limite de changement d’eau douce. Les transgressions des limites des eaux bleues et vertes se sont produites il y a un siècle, respectivement en 1905 et 1929. Ainsi, avec la définition révisée des variables de contrôle, l’eau douce aurait déjà été considérée comme transgressée lors des précédentes évaluations des limites planétaires. La précédente variable de contrôle à l’échelle mondiale indiquerait toujours que l’utilisation de l’eau douce reste dans la zone de sécurité, même avec des sources de données plus récentes que celles utilisées dans (1, 2). Les estimations récentes de la consommation mondiale d’eau bleue s’élèvent à environ 1 700 km3 an−1, soit bien en dessous de la limite précédente fixée à 4 000 km3 an−1."
- la notion de limite planétaire est ici ramenée à un simple écart par rapport à la moyenne pré-industrielle du Holocène, mais sans préciser en quoi un écart représente en soi une limite, en comptant les excès d'eau comme des limites au même titre que les défauts (alors que l'idée de limite est associée à l'idée que la ressource est indisponible, pas simplement à l'idée qu'elle varie dans le temps selon différents facteurs de variation) ;
- le choix du débit comme variable de contrôle est réducteur par rapport à la complexité des dimensions de l'eau;
- l'anthropisation de l'eau ne signifie pas la disparition des structures et fonctions écologiques de l'eau, un bassin anthropisé peut aussi entrer dans un état écologique alternatif durable (pas les mêmes populations biologiques, pas les mêmes traits fonctionnels, mais un nouvel équilibre après perturbation initiale), ce qui a déjà été documenté dans la littérature scientifique examinant notamment l'aménagement de fleuves au fil des siècles;
- la recherche scientifique montre que la modification du cycle de l'eau et du fonctionnement des bassins versants s'inscrit dans le temps long de la sédentarisation des sociétés humaines, sur plusieurs millénaires; il est intellectuellement peu sensé de suggérer que la forte croissance démographique et économique des sociétés humaines au fil des siècles pourrait se traduire par le maintien de conditions similaires de variabilité;
- le calcul est globalisé alors que le cycle continental de l'eau douce se réalise dans des bassins versants qui n'ont pas la même situation et qui ne transfèrent pas entre eux les écoulements ; on ne voit pas le sens ni l'intérêt opérationnel d'une agrégation planétaire alors que la réalité de l'eau et de la tension sur l'eau dépend toujours de conditions locales (géologie, hydrologie, climatologie, écologie, démographie, usages des sols et de l'eau).
27/08/2023
Pas d’effet cumulatif d’une chaîne d’étangs sur la température de l’eau (Touchart et al 2023)
Etudiant une chaîne d’étangs sur une petite rivière du Limousin, des chercheurs montrent qu’il n’existe pas d’effet cumulatifs de réchauffement de l’eau. L’ombrage est le premier facteur de prévention de la hausse de température qui, avec une moyenne de 2°C en été, reste cependant raisonnable. Ces travaux font suite au constat de manque de connaissance scientifique de terrain sur l’effet cumulé des plans d’eau.