18/05/2013

Les crues du printemps 2013



La Côte d'Or a connu, au début du mois de mai 2013, un épisode de crue remarquable. Il a concerné le bassin de l'Yonne et de la Saône, avant de se déplacer en Champagne vers le bassin de Seine supérieure. Voici quelques informations à ce sujet.

Les débits enregistrés
Selon les rivières, la crue a atteint un niveau quinquennal, vicennal, cinquantennal voire au-delà (pour l'Ouche). Nous donnons ci-après les débits maxima enregistrés par la Banque Hydro et Vigicrues sur plusieurs rivières du département.

On indique successivement la rivière, la date, le débit (en m3/s) et par la suite la valeur de référence la plus proche en loi de Gumbel (QJ signifie débit quotidien, QIX débit instantané maximal). La loi de Gumbel est une distribution statistique des épisodes extrêmes et de leur temps de retour ― une valeur vicennale signifie par exemple une probabilité de temps de retour de 20 ans pour un épisode.

Tille    04/05/2013 04:00    54
Gumbel quinquenale : QJ=QIX =53

Armançon    03/05/2013 22:00    111
Gumbel cinquantennale : QJ=90, QIX=100

Brenne    04/05/2013 11:00    133
Gumbel vicennale : QJ=120, QIX=130

Serein    04/05/2013 12:00    123
Gumbel vicennale : QJ=110, QIX=130

Vingeanne    05/05/2013 15:00    72
Gumbel vicennale : QJ=72, QIX=81

Ouche     05/05/2013 07:00    175
Gumbel cinquantennale : QJ=140, QIX=160

On observe que les rivières du département ont réagi différemment aux pluies : la Tille n'est montée qu'à son niveau de crue quinquenal (temps de retour 5 ans) tandis que l'Ouche a largement dépassé son niveau de crue cinquantennal.

Le contexte de la crue de mai 2013
Un épisode de crue de cette ampleur n'est généralement pas dû un seul événement pluvieux, fut-il intense. De tels phénomènes (appelés des crues éclairs) existent, mais ils surviennent généralement dans les terrains à pente forte et à épisodes convectifs. Les crues bourguignonnes et champenoises du printemps 2013 ont été plutôt préparées par un contexte hydrométéorologique dont le prévisionniste Joël Marceaux a donné quelques éléments (in Bien Public 2013, voir aussi Meteo France 2013).

Depuis le début de l'année hydrologique (septembre 2012), la région est excédentaire de 10 à 25% pour la pluviométrie, comme une bonne partie du territoire national. En particulier, la Bourgogne se retrouve en avril 2013 avec un taux d'humidité des sols largement excédentaire, les nappes étant remplies et les sols superficiels gorgés d'eau (carte MF ci-dessous). La très faible insolation de l'hiver et du début du printemps a limité l'évaporation. Les températures plus fraîches que la normale ont retardé le signal de la croissance végétale printanière ― croissance qui consomme une bonne part des excédents d'eau accumulés en automne et hiver.

Trois épisodes pluvieux importants ont aggravé cette situation : un premier du 8 au 12 avril, mais suivi d'une brève phase chaude des températures ; un deuxième du 26 au 27 avril, qui a provoqué de premiers débordements de rivière avec un cumul de 50-60 mm ; et un troisième qui a provoqué les crues, à partir du 2 mai. Les météorologues ont observé la formation d'une «goutte froide» sur la Bourgogne : il s'agit d'une poche d'air froid, située vers 5000 m d'altitude, amenée de la région polaire par courant-jet stratosphérique. Cette poche crée un miniblocage et, lorsque des courants chauds et humides de plus basse altitude viennent du Sud-Ouest, il se déclenche des épisodes convectifs plus ou moins intenses. On a pu enregistrer des précipitations de 30 mm/heure les 2 et 3 mai sur la Côte d'Or. Des quantités exceptionnelles de 70 à 100 mm par épisode ont été enregistrées dans les hautes côtes et la montagne dijonnaise.

Les crues du printemps 2013 sont donc nées à la confluence des remontées de nappes et d'une succession d'épisodes pluvieux, dans un contexte de températures fraîches ayant ralenti la croissance végétale.





Gestion des obstacles à l'écoulement : pour un principe de précaution
Coïncidence : au moment même où la Bourgogne et la Champagne souffraient de ces crues remarquables, notre association participait à la publication d'un nouveau dossier de l'Observatoire de la continuité écologique, précisément consacré à la question.

La loi sur l’eau de 2006 et le classement des rivières de 2012-2013 imposent dans les 5 ans à venir des modifications importantes du régime des rivières par effacement ou aménagement des "obstacles à l’écoulement" (seuils, glacis, digues, barrages, etc.). Comme leur nom l’indique, ces ouvrages hydrauliques modifient l’écoulement de la rivière. Leur suppression est susceptible d’avoir des effets dans deux situations extrêmes : les crues et les étiages.

En période de crue, les obstacles à l’écoulement longitudinal contribuent à dissiper l’énergie cinétique en turbulence et à retenir une partie de la charge solide charriée par les rivières. En période d’étiage, les obstacles à l’écoulement assurent des réserves d’eau offrant refuge à la faune et flore aquatiques. Alors que des milliers d’ouvrages sont concernés sur une période très courte (2013-2018), aucune simulation des effets cumulés de leur modification sur les crues et étiages n’a été effectuée. Des exemples montrent pourtant qu’un chantier de restauration hydromorphologique peut avoir des effets négatifs imprévus.

Cette absence de prise en compte du risque pour l’environnement, l’économie, la santé et le patrimoine paraît contraire au principe de précaution inscrit dans la Constitution depuis 2004, comme à l’obligation de réduire les risques de tout type d’inondation résultant de la directive européenne de 2007.

Références
Bien Public (2013), Inondations : comment a-t-on pu en arriver là ?, 13 mai.
Champion M. (1859), Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu'à nos jours. Recherches et documents, Dalmont et Dunod.
Meteo France (2013), Bilan hydrologique, Alimentation du BSH national, avril 2013 (pdf).
OCE (2013), Crues, inondations, étiages. Pour une évaluation du risque lié à la modification des obstacles à l’écoulement, 10 p.