Dans le cadre de l'examen de la loi "énergie et climat", plusieurs sénateurs (dont Mmes Loisier et Sollogoub en Bourgogne) avaient déposé des amendements pour promouvoir l'autoconsommation et la petite production hydro-électrique. Emmanuelle Wargon les a refusés au nom du gouvernement, tout comme François de Rugy un mois plus tôt avait tenté (sans succès cette fois) d'empêcher à l'Assemblée nationale un amendement posant la nécessité de soutenir la production hydro-électrique dans tous les territoires. Aux origines de ce blocage incompréhensible en période de transition énergétique: encore et toujours le dogme de la continuité écologique. Nous publions ici l'échange entre le sénateur Olivier Cigolotti (Haute-Loire) et la secrétaire d'Etat Emmanuelle Wargon. Il en ressort que la secrétaire d'Etat à l'écologie se permet d'ignorer le droit européen, le droit français et la jurisprudence du conseil d'Etat en prétendant que l'administration pourrait le cas échéant dissuader des relances selon le productible du site concerné. Quand le sommet de l'Etat affiche ainsi l'exemple d'un abus de pouvoir, le dérèglement de son autorité est une conséquence prévisible.
La continuité écologique désignait au départ la nécessité d'aménager et gérer quelques ouvrages sur des rivières à poissons migrateurs. Devenue sur-dimensionnée, elle est en train de pourrir en profondeur la politique des rivières, car un quarteron de hauts fonctionnaires et de lobbies souhaite en réalité détruire purement et simplement les ouvrages au nom d'un idéal de retour à la rivière sauvage : il est impossible pour eux d'accepter le moindre usage de sites qu'ils veulent voir disparaître. Tant que cette volonté maladive de destruction - jamais vue dans aucune autre gestion de milieu naturel hors celle de la rivière - et cette négation de la gestion équilibrée de l'eau ne sera pas clairement condamnée par le gouvernement, aucun des représentants du ministère de l'écologie n'aura la paix, ni à son sommet, ni sur le terrain. Les associations et les collectifs vont maintenir la pression judiciaire, politique et médiatique sur le sujet, d'autant plus fortement que la promesse trahie d'une "continuité apaisée" s'accompagne en réalité d'une poursuite des provocations et des effacements de site.
Extrait de la séance du 16 juillet 2019
"M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 861, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Olivier Cigolotti. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la relance énergétique de la petite hydroélectricité. Celle-ci peut produire, notamment à travers les petits ouvrages anciens, l'équivalent de la consommation électrique, hors chauffage, de près de 1 million de foyers.
Pourtant, en France, certains choix de continuité écologique ont conduit à privilégier la destruction de sites de petite hydroélectricité et de barrages, au lieu de les équiper de passes à poissons, quand cela est nécessaire. A contrario, la Commission européenne a souligné, dès 2012, que ces aménagements devaient être des choix de première intention.
La recherche en écologie a montré que les retenues, les plans d'eau, les canaux et les zones humides, qui font partie des annexes hydrauliques, notamment de nombreux moulins, ont des effets positifs sur la biodiversité, s'agissant des végétaux, des insectes et des oiseaux, ainsi que de certaines variétés piscicoles.
Le choix français actuel paraît donc une option profondément contestable, sur le plan tant écologique qu'énergétique ; il témoigne, encore une fois, d'une surtransposition excessive des règles européennes.
De plus, équiper les sites de petite hydroélectricité, au-delà de la production d'une énergie propre, non carbonée et locale, permet un investissement dans plusieurs filières d'emplois non délocalisables, telles que les bureaux d'études, les installateurs-réparateurs et les turbiniers. Cette activité bénéficie notamment aux territoires ruraux, où les moulins sont les plus nombreux, à l'instar de mon département, la Haute-Loire.
Les chercheurs estiment que, aujourd'hui, environ 25 000 moulins à eau pourraient être relancés sur le territoire français, qui a le plus gros potentiel de l'Union européenne. Face aux contentieux soulevés par les choix français et au blocage de nombreux projets, une nouvelle politique publique s'impose.
Madame la secrétaire d'État, quelles avancées législatives et réglementaires le Gouvernement envisage-t-il pour mettre en œuvre le potentiel de la petite hydroélectricité en facilitant les procédures administratives ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Cigolotti, François de Rugy, qui ne peut être présent au Sénat ce matin, m'a chargée de vous répondre.
La petite hydroélectricité contribue à l'atteinte des objectifs énergétiques nationaux et au développement économique des territoires. Elle est soutenue via un arrêté tarifaire, ainsi que des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Dans ce cadre, le ministère a annoncé, le 26 juin dernier, la désignation de treize projets lauréats dans le domaine de la petite hydroélectricité.
Il faut toutefois souligner que, compte tenu de la taille et de la puissance de ces installations, elles ne pourront jouer qu'un rôle limité dans l'atteinte des objectifs nationaux. Or la multiplication de ces installations sur les cours d'eau peut avoir, par effet de cumul, des incidences importantes.
M. Laurent Duplomb. Ah ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. En effet, les seuils fragmentent les cours d'eau, empêchant plus ou moins fortement le déplacement des espèces nécessaire à l'accomplissement de leur cycle de vie. Ils peuvent en outre ralentir les eaux, qui se réchauffent alors plus vite l'été, perdent de l'oxygène et créent des habitats de milieux stagnants favorisant des espèces incompatibles avec le bon état des cours d'eau.
Le développement de la petite hydroélectricité doit donc se faire de façon compatible avec le bon état des cours d'eau, qui est également un objectif de politique publique, au service du développement de la biodiversité.
M. Laurent Duplomb. Comment faisait-on avant ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. Afin de limiter les impacts environnementaux, la priorité est donc donnée à l'équipement des seuils existants encore non équipés en hydroélectricité ou à l'amélioration d'installations hydroélectriques existantes.
Le développement de la petite hydroélectricité devra être sélectif et faire l'objet d'une réflexion à l'échelle du cours d'eau sur la proportionnalité des impacts par rapport à la production électrique générée.
C'est pourquoi les nouveaux projets font l'objet d'une instruction et de prescriptions adaptées au titre de la police de l'eau. Par ailleurs, certains cours d'eau font l'objet d'une protection toute particulière en raison de leur sensibilité ou de leur importance environnementale.
M. Laurent Duplomb. Dogmatique !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. De nombreux échanges ont lieu actuellement entre les directions du ministère et les acteurs de la filière afin d'orienter ces derniers vers les projets les plus vertueux, tout en limitant les contraintes administratives qui peuvent peser sur les exploitants, et faciliter la réalisation des projets.
En particulier, un groupe de travail sur la continuité écologique piloté par mon administration et sous l'égide du Comité national de l'eau a élaboré un plan d'action qui s'est traduit notamment par la publication d'une note technique destinée aux services instructeurs visant à prioriser la restauration de la continuité écologique et à mieux prendre en compte l'ensemble des enjeux, en particulier énergétiques.
C'est donc dans la conciliation de ces deux objectifs de politique publique qu'aura lieu le développement de la petite hydroélectricité."
La secrétaire d'Etat donne le mauvais exemple de l'abus de pouvoir
Emmanuelle Wargon affirme qu'il faut analyser les impacts au regard de la production électrique générée, impliquant que son administration pourrait juger de la recevabilité d'un projet en vertu de sa puissance.
Cete position est :
- contraire au droit européen (directive 2018/2001 sur l'énergie renouvelable) qui intime aux Etats-membres d'encourager l'autoconsommation, y compris en hydro-électricité,
- contraire au droit français (aucune loi énergétique ne stipule une condition de puissance dans la lutte contre le réchauffement ; les ouvrages autorisés et disposant d'un droit d'eau ont tous la possibilité de produire de l'énergie sans considération de hauteur, débit, puissance),
- contraire surtout à la jurisprudence récente et commentée du conseil d'Etat (CE 2019 arrêt n° 414211 "moulin du Boeuf", ayant précisé clairement que la puissance d’un site n’est pas un argument opposable dans son instruction administrative de relance).
Quant à la désignation des seuils comme posant tous les problèmes du monde, elle est devenue une caricature. On parle le plus souvent de moulins et d'étangs qui sont présents depuis des siècles, bien avant que les prélèvements, pollutions et artificialisations à haute dose des 30 glorieuses - ainsi que la construction de certains grands barrages - ne commencent à entraîner des déclins de certaines populations aquatiques et des perturbations dans le cycle de l'eau.
Ce gouvernement comme les précédents est incapable d'empêcher la moitié des rivières françaises d'être chimiquement polluées et non-éligibles au bon état au sens de la directive européenne sur l'eau, exposant la France au risque de lourdes amendes dans quelques années. Il est incapable de limiter les émissions carbone et donc le réchauffement progressif des eaux dont il dit se plaindre du fait des ouvrages, préférant casser des moulins mais aussi des grands barrages producteurs comme sur la Sélune. Il accorde ses préférences à quelques lobbies élitistes et minoritaires de pêcheurs de salmonidés en rivières sauvages (bien loin de représenter tous les pêcheurs), ignorant la réalité et la complexité de la biodiversité (ne se limitant pas aux espèces d'eau vives ni même aux espèces endémiques désormais), méprisant toutes les dimensions attachées aux ouvrages (énergie, paysage, patrimoine, culture, usages riverains).
Qui avait parlé de "continuité apaisée"?
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