Le conseil d'Etat avait estimé en 2017 que deux critères cumulatifs (présence d'eau et de plantes d'eau) définissent la zone humide. La loi vient de changer et d'en faire des critères alternatifs (soit de l'eau, soit des plantes d'eau). Nous rappelons que les biefs, canaux, plans d'eau, étangs, lacs sont des zones humides au sens de la loi, à ce titre protégées par elle : leur assèchement sans compensation par chantier de destruction d'un ouvrage hydraulique répartiteur peut (et doit) être attaqué en justice.
Cette rigole de déversoir de moulin est une zone humide au sens de la loi. La présence temporaire ou permanente d'eau y dépend de l'ouvrage répartiteur sur la rivière (qui alimente le bief, le bief alimentant lui-même la rigole par son déversoir).
En droit français, la notion de zone humide est définie dans l'article L 211-1 du code de l'environnement, qui avait été précisée par un arrêté du 24 juin 2008.
Dans une décision récente (22 février 2017, n°386325), le Conseil d’État avait exigé que deux critères cumulatifs (et non alternatifs) soient retenus :
- terrain habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire;
- végétation dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année.
Votée ce mois de juillet 2019, la loi portant création de l'office français de la biodiversité a, dans l'un de ses amendements, fait évoluer l'article L 211-1 du code de l'environnement. Elle est revenue à la définition alternative de la zone humide :
- soit la présence d'eau permanente ou temporaire,
- soit des espèces de plantes hygrophiles.
Un syndicat, un parc, une fédération de pêche qui proposerait des mesures de continuité en long menant à réduire la superficie de zones humides, sans proposer dès la phase chantier des mesures de compensation au moins équivalente à la surface des pertes induites, pourra donc être attaqué en justice au motif de non respect du 1-1° de l'article 211-1 du code de l'environnement.
Les grands textes internationaux comme la recherche scientifique en écologie reconnaissent volontiers que des zones humides peuvent être d'origine artificielle et correspondre à des aménagements humains. La rapport Bernard 1994 le disait déjà de manière claire : "les zones humides qui demeurent aujourd'hui en France ne sont pas, pour la plupart, des espaces "naturels" au sens strict du terme: elles sont le fruit des transformations faites par l'homme au cours des siècles dans des buts précis" (p. 55). Mais l'administration française de l'écologie a parfois des problèmes avec cette évidence, ne montrant trop souvent d'intérêt que pour les écoulements supposés "naturels", poussant parfois à la destruction de milieux anthropiques d'intérêt au principal prétexte qu'ils contreviennent à une "naturalité" assez théorique (quand ce n'est pas une "continuité" devenue dogmatique).
Pour pallier ces interprétations douteuses de la réalité, mettant en danger des zones humides qu'il convient de préserver et non d'assécher, il serait donc utile que les parlementaires réfléchissent à une nouvelle évolution de la loi, en précisant explicitement dans le L211-1 du code de l'environnement que le caractère de zone humide s'apprécie de manière indépendante de l'origine naturelle ou artificielle du site. Mais quoi qu'il en soit, le texte de loi en sa rédaction actuelle permet déjà de protéger toutes les sites en eau de manière permanente ou temporaire, avec ou sans végétation hygrophile.
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