12/05/2018

La France gère mal les pollutions par eaux pluviales

Le site Eaux glacées de Marc Laimé a révélé un rapport du CGEDD sur les eaux pluviales, que le ministère de la Transition écologique gardait sous le coude depuis un an. Et pour cause, le rapport pointe que la France est un élève très moyen de l'Europe en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement, qui sont pourtant une source majeure de pollution des rivières, des plans d'eau et des nappes phréatiques. Le CGEDD appelle à des investissements sur cette question délaissée… mais avec quel argent, quand le budget des agences de l'eau est ponctionné pour combler le déficit de l'Etat ou dilapidé dans des mesures nuisibles comme la destruction des moulins, étangs, plans d'eau, et que les collectivités se plaignent de leur manque chronique de moyens? Une minorité de masses d'eau françaises est aujourd'hui en bon état écologique et chimique au sens des directives européennes : les gestionnaires publics doivent recentrer les budgets et les priorités sur les obligations réelles de notre pays. Extraits



Une part importante de la pollution n’est pas rejetée par les stations d’épuration mais en amont de celles-ci par temps de pluie
Les enjeux de la pollution urbaine, notamment pour la conformité aux directives européennes, se déplacent des eaux usées vers les eaux pluviales : c’est sur ces dernières qu’il faudra dans les prochaines années concentrer les efforts.

En effet, l’amélioration du traitement des eaux usées collectées par temps sec révèle maintenant l’importance des rejets de temps de pluie, y compris pour les paramètres les plus classiques de la pollution. La part principale de cet enjeu concerne les réseaux dits unitaires où eaux pluviales et eaux usées sont mélangées. Cependant, bien peu de réseaux séparatifs sont exempts d’entrées d’eaux usées : les rejets des réseaux «séparatifs pluviaux», du fait notamment de ces mélanges, doivent également être pris en considération.

Les eaux pluviales et de ruissellement sont par ailleurs les vecteurs d’une part prépondérante de certains micropolluants dont des substances dangereuses prioritaires pour lesquelles des échéances et des objectifs de réduction précis ont été fixés.

Ces rejets ne peuvent être quantifiés que par des mesures dites d’autosurveillance. Pour les débits et les fréquences de débordement, l’étude comparative réalisée par le bureau Milieu LTD pour le compte de la commission européenne présenté en annexe du diagnostic détaillé montre que la France n’était pas, en 2015, parmi les pays ou les régions les plus avancés dans ce domaine (Royaume-Uni, Danemark, Wallonie, Allemagne, Irlande, Pologne) et que des efforts significatifs restent à accomplir pour rejoindre ce peloton de tête. Les données sont encore plus insuffisantes pour les flux de polluants «classiques» (DBO, DCO) portés par ces déversements. Les informations restent extrêmement pauvres pour les substances dangereuses, notamment les métaux lourds et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Les directives européennes induisent implicitement des contraintes fortes sur les rejets de temps de pluie
La directive «eaux résiduaires urbaines» définit celles-ci comme «les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement» et prévoit leur collecte et leur traitement jusqu’aux événements dits «exceptionnels». La performance globale des systèmes d’assainissement (raccordement, collecte, transport, déversements et traitement) incluant les déversements de temps de pluie, constitue désormais, avec la pollution agricole diffuse et la morphologie des cours d’eau, les principaux défis pour répondre aux objectifs européens.

La directive cadre sur l’eau (DCE) et directive-cadre plus récente sur la stratégie milieux marins 2008/56/CE (DCSMM) établissent des objectifs pour mettre fin à la détérioration de l’état des masses d’eau de l’Union européenne et parvenir au bon état ou au bon potentiel des rivières, lacs et eaux souterraines et des eaux marines.

Avec une première échéance en 2021, la DCE impose la réduction des rejets de substances dites substances dangereuses. Cela concerne en particulier les substances dangereuses prioritaires (SDP) qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques, et des substances de la liste 1 de la directive 2006/11/CE «concernant la pollution causée par certaines substances déversées dans le milieu aquatique de la Communauté» dont une part est transportée par les eaux pluviales.

La gestion des eaux pluviales est notamment concernée par les objectifs de réduction de certaines substances dangereuses et ceci dès l’échéance 2021 pour les HAP et, dans une moindre mesure, pour les produits phytosanitaires. C’est essentiellement une question de maîtrise de la pollution à la source et de restriction d’usage, auxquels les systèmes de gestion à la parcelle peuvent contribuer.

Comme c’est déjà le cas sur le littoral, l’affichage d’ambitions emblématiques de baignade en rivière (par exemple à l’occasion de la candidature de Paris pour accueillir les Jeux Olympiques en 2024) peut faire du respect de la directive baignade la contrainte européenne la plus prégnante pour les rejets d’eaux pluviales en rivière.

Atteindre le bon état écologique des masses d’eau suppose de réduire sensiblement l’ensemble des flux de pollutions déversées par temps de pluie.

Les risques de non-atteinte des objectifs sont mal cernés
C’est dans les dix dernières années à peine que les directives européennes sont apparues comme contraignantes pour le temps de pluie dans l’esprit de nombre de collectivités. Les enjeux liés aux objectifs de la DERU et de la DCE se sont alors superposés, entraînant une certaine confusion dans les esprits, notamment ceux des élus, sur la nature des enjeux propres à chacune. Les précisions techniques nécessaires n’ont été explicitées au plan national que récemment par une note technique en date du 7 septembre 2015.

Il n’existe pas aujourd’hui, au plan national, une analyse globale des risques de non-conformité, une fois assurée la conformité «station» ERU, au regard de ces deux enjeux qui vont dominer les dépenses à venir :
- conformité «systèmes d’assainissement» : assurer la performance de collecte et de traitement des ERU,
-conformité DCE : atteindre le bon état des masses d’eau concernées.

La mission a collecté les études disponibles, mais n’y a pas trouvé la réponse à la question : quels sont les investissements prioritaires à prévoir à court et moyen terme pour la mise aux normes correspondant au respect de la DERU et de la DCE ?

Lien vers le rapport complet sur le site Eaux glacées

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