Inventé dans l'Antiquité, sans doute vers le IIIe siècle avant notre ère, perfectionné par les Romains, le moulin à eau s'est diffusé en Europe de manière continue pendant 2000 ans. Si certains moulins sont installés directement au fil de l'eau, beaucoup développent précocement des chaussées barrant la rivière, formant une retenue et dérivant un bief. Cet extrait de l'historien Colin Ryne rappelle quelques-unes des premières mentions des retenues de moulins et techniques de construction d'ouvrages hydrauliques en Antiquité tardive et Haut Moyen Âge européens.
"Les premières preuves documentaires et archéologiques pour l'utilisation des retenues de moulins hors d'Irlande sont relativement rares. Les premiers barrages connus pour l'énergie hydraulique, datant de la période romaine, semblent avoir été des barrages de dérivation, construits à travers de petites rivières ou ruisseaux, où la fonction du barrage était d'élever le niveau d'un cours d'eau naturel et de le détourner en un canal d'alimentation ou une goulotte d'amenée pour un moulin. L'ouvrage au fil de l'eau ou chaussée d'un moulin à eau vertical, en roue de dessous, du IIIe siècle de notre ère, à Haltwhistle Burn Head, sur le mur d'Hadrien, consistait en un barrage de blocs de granit jetés sur un cours d'eau adjacent.
Dans la période post-romaine immédiate, la construction des chaussées de moulin est décrite dans la littérature hagiographique précoce. Au tournant du VIe siècle de notre ère, Grégoire de Tours décrit la construction d'un barrage de moulin pour le monastère de Loches : "Quand il eût amené des poteaux à travers la rivière et rassemblé des tas de pierres énormes, il construisit une chaussée et recueillit l'eau dans le canal, par la force de laquelle il fit tourner la roue du moulin à grande vitesse". La loi salique du VIe siècle de notre ère prescrit même une amende pour la destruction des barrages de moulin. Au moins un site saxon, Wharram Percy, a produit des preuves de l'existence d'un barrage de moulins avec évidence d'empierremment, pratique bien documentée plus tardivement.
La formation des retenues de moulins est cependant moins bien documentée dans les sources européennes médiévales précoces. Les retenues sont mentionnées dans le code de loi wisigothique du VIe siècle et vers 740, il y a une référence à un stagnum fluminus à Tauberischafscheim en Allemagne. La plus ancienne mention connue du composé de vieil-anglais mylepul ("millpond", retenue de moulin), par exemple, apparaît dans une charte anglo-saxonne vers 833.
Il ne fait guère de doute que dans les périodes médiévales plus tardives, les retenues de moulins étaient des caractéristiques communes du paysage. Leur entretien, associé à des dispositifs connexes comme les biefs et les écluses, s'est souvent avéré être une lourde charge financière pour les domaines seigneuriaux et monastiques. Leur fréquence était telle que les premiers juristes irlandais ont fait de grands efforts pour fournir un cadre juridique pour les droits d'eau qui les concernent, comme en témoigne la loi Coibnes Uisci Thairidne, au VIIe siècle."
Extrait de : Ryne Colin (date), Waterpower in Medieval Ireland, in Squatriti P (ed) (2000), Working with water in Medieval Europe. technology and ressource use, Brill, 1-49
Illustration : moulin dans le Psautier de Luttrell (1340).
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