05/02/2014

Continuité écologique: la goutte d’eau qui fait déborder le bief…


Nous avons reçu Sur le devant de la Seine, le bulletin d’information du Sicec (Syndicat intercommunal des cours d’eau du Châtillonnais) et de Sequana, contrat de rivière Seine Amont sur les bassins de Seine, Ource, Laigne, Aube, Sarce et Arce.

En pages 2 et 3, un article sur le classement des rivières et la continuité écologique. Le bulletin étant (notamment) financé par les fonds versés par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie étant (notoirement) championne dans la politique aveugle de destruction des seuils et barrages, le contenu de l’article est (évidemment) un éloge de l’effacement présenté comme "solution optimum"


Information ou propagande ?
A l’appui de cet «argumentaire», le dessin ci-contre. Qui résume à lui seul la vision totalement biaisée de nos interlocuteurs. On voit la rivière «en présence d’un ouvrage», et c’est évidemment la désolation : des poissons morts, des bouteilles vides, des boites de conserve, un tas de sédiments que l’on imagine à peu près aussi pollués qu’un site Seveso. Tout cela ayant évidemment pour cause le seuil en rivière. Seconde image : la même rivière sans son barrage. Et là, miracle : les poissons nagent dans une eau limpide d’où toute pollution a disparu.

Cette image est un pur exercice de désinformation.

Et un exercice que nous jugeons extrêmement regrettable pour un syndicat de rivière ayant pour mission une information objective des citoyens et des élus.

La réalité des seuils en rivière pour les meuniers et usiniers, ce sont des monceaux de détritus qui sont retirés par eux chaque année de l’eau, car récupérés dans leurs grilles de bief. Cette pollution, c’est nous, c’est vous, c’est la France entière qui prend ses rivières pour des poubelles. Des dizaines, des centaines voire des milliers de kilos de détritus. Demandez par exemple aux petits producteurs de l’Ouche à l’aval de Dijon, qui récupèrent toutes les immondices de la Préfecture et de son si peu écologique lac Kir. (Il est vrai que les anciens biefs de la Capital de Bourgogne furent pour la plupart asséchés par des «modernisateurs» avisés,  donc leurs héritiers et «décideurs» de nos rivières n’ont sans doute plus tellement la culture hydraulique des Navier, Bazin et Darcy).


Même dans les rivières les plus modestes, même à proximité de leurs sources, on trouve de tels déchets. Voilà ci-dessus la vérité des rivières, la vérité que ne veulent apparemment voir ni les syndicats, ni les agences de bassin ni les autorités en charge de l’eau. (Merci à Pascal qui a photographié ces ordures retirées de sa grille).

La réalité est donc à l'opposé du discours du Sicec : des seuils et biefs bien gérés contribuent à la qualité de l'eau.

Répéter 100 fois un mensonge n’en fait jamais une vérité…
Sur le fond, il est inacceptable de continuer à laisser croire que le seuils et barrages forment la première cause de dégradation des rivières. Répéter 100 fois un mensonge n’en fera jamais une vérité.

Il n’existe aucune base scientifique robuste à la désignation des seuils et barrages comme cause principale ou même importante d’altération de la qualité de l’eau. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France détérioraient gravement la faune piscicole, il n’y aurait plus un seul poisson dans nos cours d’eau depuis longtemps. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France empêchaient le jeu de l’érosion, du transport et de l’alluvion, leurs retenues seraient comblées depuis belle lurette. Car des moulins, il y en avait plus encore voici 150 ans, et ni les truites ni les écrevisses ne manquaient à l’appel.  Quand des impacts existent – et ils peuvent très bien exister –, ce sont des aménagements simples et de bon sens qui doivent les corriger, pas des destructions pseudo-écologiques à la pelleteuse financées par le contribuable sans lui demander son avis.

Le pire est que le Sicec est bien placé pour le savoir : il a réalisé en 2011-2012 un état zéro du bassin de Seine Amont qui concluait que les premiers facteurs d'impact restent les pollutions. Mais alors, pourquoi ce premier numéro de Sur le devant de la Seine n'est-il pas justement consacré à ce problème prioritaire? Pourquoi encore et encore rabâcher le catéchisme de la destruction du patrimoine hydraulique?

L'échec de la politique de l'eau se cherche des boucs émissaires et des écrans de fumée
Mais peu à peu, on commence à comprendre la vérité des rivières et des aquifères : la France a 20 ans de retard sur le traitement des pollutions d’origine agricole, industrielle, ménagère, pharmaceutique. Les seuils et barrages paient l’échec des politiques de l’eau, échec acté par la Cour des Comptes, et encore l’année dernière par le rapport Lesage et par le rapport Levraut, échec qui vaut déjà à la France une nouvelle condamnation pour non-respect de la directive Nitrates de 1991, échec qui lui vaudra soyons-en sûr sa condamnation future pour non-respect de la Directive cadre sur l’eau 2000, de la Directive Pollutions de 2008 et de la Directive Pesticides de 2009.

Ceux-là mêmes qui sont les premiers responsables de ce désastre – les Agences de l’eau créées en 1964, les responsables successifs du Ministère de l’Ecologie et de sa Direction de l’eau, les lobbies ayant l’écoute de Matignon ou de l’Elysée et ayant construit un Grenelle bancal qui ne traite aucun problème de fond mais saupoudre de l'illusion d'action efficace – et qui devraient en rendre des comptes aux citoyens et aux élus essaient depuis quelques années de travestir leur inaction passée par un surcroît stérile d’agitation sur la question des seuils et barrages.

Au fond, ce dessin caricatural promu par le Sicec nous dit une vérité sans bien s’en rendre compte. On ne lutte pas contre la pollution, on se contente de la faire disparaître du regard. De la faire filer au plus vite vers les estuaires et vers les océans. Là où elle ne se voit plus, et permet à chacun de dormir tranquille. Face à cette bonne conscience retrouvée à bon compte, que valent quelques vieilles pierres de nos biefs?

Source : Sicec Sequana (2014), Sur le devant la Seine, n°1, 8 p.

Pour en savoir plus sur Hydrauxois :
Sur les truites qui ne meurent pas des seuils et barrages
Sur les écrevisses qui ne meurent pas des seuils et barrages
Sur l’Armançon qui n’est pas dégradé au premier chef par les seuils
Sur le Serein qui n’est pas dégradé au premier chef par les seuils
Sur la Seine qui n’est pas dégradée au premier chef par les seuils
Sur les nitrates qui ne reculent guère depuis 20 ans
Sur les mesures de pollution qui sont incomplètes ou inexistantes

Pour en savoir plus sur OCE :
Dossier complet de la Continuité écologique en Côte d'Or
Absence de liens entre seuils et indice de qualité piscicole
Absence de liens entre moulins et qualité de l’eau au XIXe siècle
Corrélation douteuse entre taux d’étagement et qualité piscicole

11/12/2013

Ecrevisses du Morvan: les vraies causes de leur disparition



A l’heure où l’on parle de restaurer la qualité environnementale des cours d'eau, le cas des écrevisses est particulièrement emblématique. Ces crustacés d’eau douce ont longtemps été des mets de choix et les anciennes générations se souviennent encore de leur abondance en rivière.  Les écrevisses autochtones ont aussi besoin d’une eau en bonne santé : absence de pollutions, bonne oxygénation, diversité des écoulements.  Elles sont donc un biomarqueur de la qualité chimique et écologique des milieux aquatiques.


Il existe aujourd’hui trois espèce d’écrevisses autochtone en France : l’écrevisse dite à pieds rouges (Astacus astacus Linné),  l’écrevisse dite à pieds blancs (Austropotamobius pallipes Lereboullet), l’écrevisse de torrent (Austropotamobius torrentium Schrank). L’écrevisse à pattes grêles (Astacus leptodactylus Eschscholtz), parfois considérée comme espèce française, est en réalité originaire d’Europe de l’Est. Rivières, étangs et lacs ont été colonisés par trois autres espèces importées du continent nord-américain : l’écrevisse américaine (Orconectes limosus Rafinesque), l’écrevisse de Californie ou écrevisse du Pacifique (Pacifastacus leniusculus Dana), l’écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus clarckii Girard). A partir du milieu des années 2000, on a identifié une septième espèce, pour la première fois dans le Doubs : Orconectes juvenilis Hagen (Chucholl et Daudey 2008). Elle aussi est originaire d’Amérique du Nord (Kentucky, Indiana).

La situation des écrevisses est marquée par un déclin des espèces autochtones tout au long du XXe siècle, et une expansion rapide des espèces importées (Collas, Julien et Monnier 2007). En particulier, les écrevisses de Californie et du Louisiane ont un comportement agressif, une bonne résistance aux pathologies et une capacité à s’adapter à des milieux aquatiques variés. Elles peuvent donc entrer facilement en compétition avec les espèces autochtones dans leurs dernières niches écologiques préservées. Les espèces nord-américaines sont notamment porteuses saines de la peste de l’écrevisse (aphanomycose, infestation par le parasite Aphanomyces astaci).

Aujourd’hui, on trouve encore en Bourgogne l’écrevisse à pieds blancs dans 128 ruisseaux sur 593 échantillonnées. L’écrevisse à pieds rouges n’est plus présente que dans deux ruisseaux et deux étangs. Les quatre espèces importées ont en revanche colonisé les cours d’eau. (Lerat, Paris et Baran 2006). Une étude menée plus spécifiquement sur le Morvan par Jérôme Mahieu et Laurent Paris a permis de mesurer avec précision l’évolution des populations d’écrevisse (Mahieu et Paris 1998). L’écrevisse américaine a été introduite dès les années 1920, l’écrevisse du Pacifique dans les années 1970, l’écrevisse des torrents dans les années 1980 et l’écrevisse de Louisiane semble apparaître dans les années 1990.

Les écrevisses autochtones à pieds blancs et pieds rouges subirent une première vague de mortalité en Morvan dans les années 1870 et 1880, avec semble-t-il l’apparition de l’aphanomycose. Mais elles survécurent. La comparaison entre les relevés de 1940 et de 1997 montre qu’au cours de la seconde partie du XXe siècle, les écrevisses à pieds blancs ont disparu de près de la moitié de leur ancienne aire de répartition, et les écrevisses à pied rouges des trois-quarts (voir schéma ci-contre).

L’analyse de causes de cette disparition permet de déceler plusieurs facteurs :
- concurrence des espèces importées ;
- maladies (outre la peste des écrevisses, on signale la maladie de porcelaine ou thélohaniose) ;
- apparition de nouveaux étangs dédiés à la pêche de loisir (avec concentration fer et ammonium, réchauffement d’eau, zones propices aux écrevisses importées) ;
- sylviculture (sapin de Noël notamment) avec recul des feuillus, destruction de ripisylve, utilisation d’engins à moteur et usage massif de phytosanitaire ;
- pollution par produits chimiques agricoles ou sylvicoles et rejets domestiques diffus (eaux usées) ;
- braconnage et surpêche, introduction de carnassiers des étangs (brochets, perches).

Le point qui mérite d’être souligné en conclusion, c’est le rôle a priori nul ou marginal joué par les moulins dans l’évolution des populations d’écrevisses morvandelles. En effet, quasiment tous les moulins de Nièvre, Yonne et Côte d’Or sont antérieurs à la Révolution française. Les modifications d’écoulement induites par leurs seuils et chaussées sont donc anciennes, et ne sont pas corrélées au déclin rapide observé au cours des 100 dernières années. Nous disions en introduction que les écrevisses sont emblématiques : élément familier et menacé de notre patrimoine aquatique, elles illustrent bien les vraies causes d’altération des rivières, mais aussi l’absence de discernement des politiques publiques actuelles de continuité écologique.

Références
Chucholl C, T Daudey (2008), First record of Orconectes juvenilis (Hagen, 1870) in eastern France: update to the species identity of a recently introduced orconectid crayfish (Crustacea: Astacida), Aquatic Invasions, 3, 105-107.
Collas M, C Julien, D Monnier (2007), La situation des écrevisses en France. Résultats de l'enquête nationale réalisée en 2006 par le Conseil Supérieur de la Pêche, Conseil Supérieur de la Pêche, Délégation régionale de Metz, 42 p.
Lerat D, L Paris, P Baran, Statut de l’écrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes Lereboullet, 1858) en Bourgogne : bilan de 5 années de prospection, Bull Fr Pêche Piscic, 380-381, 867-882.
Mahieu J, L Paris (1998), Les écrevisses en Morvan, Cahiers scientifiques du Parc Naturel Régional du Morvan, 1, 68 p.

Evolution des populations de poissons depuis 20 ans: des résultats qui ne confirment pas l'impact majeur de seuils et barrages


L’Onema vient de rendre publique sur son site une synthèse sur les tendances observées dans les populations de poissons d’eau douce de la France métropolitaine entre 1990 et 2009 (Onema 2013). Ce document reflète, assez tardivement, une étude parue en 2011 dans leJournal of Fish Biology (Poulet et al. 2011).

Au sein de la base de données des milieux aquatiques et piscicoles (BDMAP), une sélection a été faite de 590 stations bénéficiant d’une durée égale ou supérieure à 8 années de suivi. Soit un total de 7746 pêches électriques de contrôle des populations piscicoles en rivière. La couverture est relativement correcte du point de vue national et toutes les tailles de cours d’eau sont représentées, avec  une dominante de petites rivières en ordre de Strahler 3 ou 4 (les ordres 1 à 4 sont nettement plus représentés que les ordres 5 à 8). Au total, 48 espèces ou taxons sont concernés.

A l’échelle nationale, on observe une augmentation de richesse spécifique moyenne (biodiversité), qui gagne 1,4 espèce en moyenne. L’augmentation s’observe sur 58% des stations tandis qu’une diminution est constatée dans 34% d’entre elles.

Concernant l’occurrence par espèce, les résultats sont également positifs puisqu’une augmentation significative est observée dans 42% des cas et un déclin significatif dans 11% des cas seulement.  Concernant la densité moyenne, la même tendance est relevée : une augmentation significative dans 74% des cas, un déclin significatif dans 17% des cas.

Qui sont les gagnants et les perdants (si l’on peut dire) de ces tendances dans la population piscicole ? Le résultat n’est pas toujours celui que l’on pouvait attendre.

Ainsi, sans grande surprise, des poissons nouvellement introduits – comme le silure, l’aspe, le pseudorasbora et l’épirine lippue – voient leur population grimper, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les populations autochtones. D’autres comme l’anguille, le brochet ou la truite commune sont en revanche en déclin.

En revanche, on observe aussi le déclin plus surprenant d’espèces connues comme assez adaptables à des eaux polluées ou réchauffées (tanche, brème commune). Il en va de même pour la carpe.

D’autres espèces plus exigeantes en qualité de milieu ou plus rhéophiles sont en revanche en hausse dans les rivières : barbeau, apron du Rhône, chevesne, lamproies ou chabot.

Ce qu’il faut retenir :

• dans la mesure où il y a augmentation globale (mais pas forcément locale) de tous les indices sur la période (biodiversité, occurrence, densité), il est difficile de parle d’un état catastrophique des populations piscicoles en France métropolitaine ;

• les causes de l’évolution des espèces ne sont pas analysées, et l’on sait que cette attribution de causalité est très difficile en raison des pressions multiples (pollutions diffuses et aiguës, surexploitation par pêches et braconnages, réchauffement climatique, introduction d’espèces invasives, dégradations morphologiques de toute nature, etc.) ;

• le schéma observé d’évolution des espèces ne permet pas de dire que les seuils et barrages (principaux objets des efforts de continuité écologique) jouent un rôle majeur. Si tel était le cas, on devrait en effet observer un gradient de dégradation plus marqué de l’aval vers l’amont (à mesure que les impacts des obstacles se cumulent) et concernant en priorité les espèces rhéophiles (que l’on suppose affectées dans leur cycle de vie par les retenues à écoulement lent). Or il n’en est rien.

Il resterait certainement des points techniques à débattre, comme la mesure de significativité des prélèvements sur une même station, qui est un point assez complexe en hydrobiologie. Mais quand on commence à prendre des mesures scientifiques de long terme, au lieu d’imprécations subjectives, voire idéologiques, on est convié à une grande modestie sur le niveau de nos connaissances des rivières et à une grande prudence dans le choix de nos actions. Puissent les décideurs en prendre compte.

Références
Onema (2013), Tendances évolutives des populations de poissons de 1990 à 2009, Les Synthèses, n°7, mai.
Poulet N, Beaulaton L,  Dembski S (2011), Time trends in fish populations in metropolitan France: insights from national monitoring data, Journal of Fish Biology, 79, 1436-1452.

A consulter également notre dossier d'analyse des liens entre présence de seuils et indice de qualité IPR (OCE)

Illustrations : richesse spécifique 1990-2009 (en haut), tendances pour trois espèces (en bas). © ONEMA

23/11/2013

Pas de passe à poissons sans concertation: rappel de nos questions à la DDT et à l'ONEMA

L'article 214-17 du Code de l'environnement pose que les mesures de continuité écologique doivent être prises "selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant".


On a donc deux notions posées par la loi : le définition de règles, la concertation. Nous constatons que les propriétaires de moulins sur des rivières classées en liste 2 commencent à recevoir des courriers de la DDT qui ne respectent pas cette exigence légale.

Nous rappelons ci-dessous les questions que notre association a communiquées à la DDT et à l'ONEMA dès le mois d'août 2013. Tant que l'administration refusera d'entrer dans la définition exacte des règles qu'elle entend imposer et tant qu'elle réduira la concertation à un monologue par courrier officiel (DDT) ou à un silence pur et simple (ONEMA), il ne faut pas attendre autre chose qu'une inertie sur le dossier de la continuité écologique.

Nous l'avons dit et répété : seule une relation de confiance, de réciprocité et de pragmatisme permettra d'avancer sur la question de la continuité écologique. En aucun cas nous n'avancerons par la tentative d'imposition d'études d'impact et de travaux d'aménagement pour lesquels la plupart des propriétaires sont insolvables. Encore moins par des intimidations sur le caractère légal des ouvrages dont l'arrière-pensée d'effacement n'est, hélas, que trop évidente...

Questions techniques

Sur le franchissement piscicole
> Nous avons besoin d'une information sur les espèces concernées, notamment quand celles-ci sont dans une catégorie indistincte (par exemple «  cyprinidés rhéophiles  »). Pour chaque espèce, nous aimerions connaître  : la présence avérée dans la rivière  ; la nature du besoin (montaison, dévalaison, les deux)  ; la période de migration, le stade de développement concerné par la migration (juvénile, adulte)  ; la capacité de nage et de saut. Est-il possible d'avoir un tableur de synthèse pour les espèces présentes dans chacune des masses d'eau concernées? Le travail de diagnostic assez complet du SICEC sur la Seine sera-t-il généralisé aux autres BV?

> Quels sont les points de vigilance qui vont compter particulièrement dans la réception de la passe à poissons (outre les éléments classique de bonne réponse aux capacités de nage et de saut, d'attractivité, etc.)  : facilité d'entretien, bonne adaptation aux variations aval-amont, etc.?

> D'après les retours d'expérience de passes déjà installées sur des seuils dans la région (par exemple Quincy-le-Vicomte, Senailly, Gomméville, etc.) ou dans des cours d'eau à contraintes hydrologiques / piscicoles assez proches, certains modèles sont-ils considérés comme plus efficaces? Qu'est-ce qui est plutôt préconisé en cas de contraintes multi-espèces ayant des capacités très différentes de nage et saut?

> Les moulins situés juste à l'aval de grands ouvrages sans aménagement prévu sur 2013-2018 (typiquement, barrage VNF de Pont) ont-ils obligation d'aménager malgré le gain négligeable en linéaire librement franchissable? La circulaire d'application prévoit par ailleurs que la proximité d'un obstacle naturel infranchissable peut exempter d'aménagement le seuil  : comment est évaluée cette infranchissabilité? Est-ce la hauteur de 50 cm par ailleurs reconnue pour les seuils (l'interdit en liste 1 porte sur tout nouvel ouvrage de hauteur supérieure à 50 cm)?

> Des dispositifs de comptage existent-ils pour mesurer l'efficacité des dispositifs en place, dans le cadre du contrôle biologique des obligations de résultats ? Ces dispositifs seront-ils à la charge du maître d'ouvrage ou le comptage sera-t-il réalisé par l'ONEMA / les syndicats?

> Certaines entreprises (par exemple EVI-GEST en Bourgogne) proposent des modèles de passes plus ou moins expérimentaux. De même, des brevets ont été déposés (par exemple M. Jacquemin).  Comment savoir si ces passes (quand elles existent déjà autrement qu'en prototype) sont «  agréées  », au sens où leurs tests ont été jugés concluants par les experts en hydrobiologie et hydrophysique? La mise en œuvre de la continuité peut-elle être l'occasion de procéder sur certains seuils ou barrages à des expérimentations de dispositifs, et dans l'affirmative, sous quelles conditions?

Sur le transit sédimentaire
> Sur certaines rivières, il existe des diagnostics approfondis (exemple JR Malavoi, mission Hydratec sur l'Armançon). Sur d'autres, l'information est beaucoup plus pauvre. Même dans le cas de l'Armançon, il est difficile de qualifier un état sédimentaire précisément au droit d'un ouvrage, ou sur un tronçon, et de prendre les mesures proportionnées à la correction éventuelle du déficit de charge solide. Comment est effectuée cette évaluation? L'ONEMA dispose-t-il d'un indice dérivé du SYRAH pour objectiver l'altération sur chaque masse d'eau et proportionner la réponse?

> Nombre de seuils sont de simples chaussées à empierrement, sans organe mobile (ou alors une vanne de décharge de faible largeur, généralement à une extrémité du seuil). Dans ces cas-là, et dans l'hypothèse où un déficit sédimentaire a été préalablement démontré, plutôt que d'engager des travaux de construction de novo d'un vannage de décharge, le propriétaire a-t-il la possibilité de proposer une solution comme le curage régulier de la retenue (période à fixer) avec transfert partiel des sédiments solides curés vers l'aval?

> Sur ce curage et transfert des sédiments, existe-t-il un mémo technique et juridique à jour (envisageant notamment le curage dans le cadre de la restauration sédimentaire)?

> Il existe divers modèles de vannes (guillotine, bascule, clapet, etc.). Quand le propriétaire doit installer un système neuf, quels modèles sont considérés comme les plus efficaces pour le transit sédimentaire?

> Sur certains bassins versants, des opérations coordonnées d'ouverture des vannages à certaines périodes de l'année (propices au transit sédimentaire, non dommageables pour les fraies) ont été organisées. Ce type d'initiative est-il envisagé sur notre région? L'autorité en charge de l'eau est-elle ouverte à des propositions en ce domaine?

Sur la base ROE
> Le fichier Excel disponible en information publique ne donne que rarement la hauteur de chute mesurée sur chaque ouvrage. Et il faut des logiciels SIG spécialisés pour accéder à d'autres données en ligne. Un format largement ouvert (PDF, CSV...) des informations complètes sur chaque ouvrage est-il disponible? Ou prévu?

Sur la notion de «  liste 2 à terme  »
Quelle est la signification exacte de cette notion?

Sur le DMB ou débit réservé
La loi prévoit un débit réservé de 10% à compter de 2014. Parfois, on observe que le débit minimum biologique peut monter à 15% ou 20%. Quels sont les critères scientifiques permettant de définir le seuil du DMB? A quel moment et comment le maître d'ouvrage peut-il être informé du DMB, s'il diffère des 10% à mettre en œuvre au 1er janvier prochain? Comment s'estime le module quand il n'y a pas de station hydrologique sur le cours d'eau (petits ordres de Strahler)

Questions administratives, économiques  et de gouvernance

Sur la proportionnalité de l'aménagement et de l'enjeu
La Circulaire d'application de janvier 2013 revient à plusieurs reprises sur la notion d'aménagement proportionnel à l'enjeu. Cela suppose une analyse coût-avantage (ACA) faisant intervenir des facteurs écologiques et des facteurs économiques. En l'absence de «  mode d'emploi  », cette ACA est assez périlleuse. En logique «  service rendu par les écosystèmes  », on peut par exemple s'interroger sur le service rendu par la circulation des chevesnes sur un tronçon de 10 km  et la dépense globale justifiable pour parvenir à ce résultat sur le linéaire concerné. On conçoit que le réponse est difficile à objectiver... L'autorité en charge de l'eau peut-elle préciser sa hiérarchie des enjeux (au sein du volet piscicole et du volet sédimentaire) et sa conception de la proportionnalité des aménagements?

Sur la question du coût des aménagements
> C'est le principal «  point noir  » en terme de réussite future de la continuité écologique, un problème clairement perçu par les maîtres d'ouvrage. Un aménagement complet peut coûter fort cher  : grilles à 20 mm, goulotte de dévalaison, vanne adaptée au transfert sédimentaire de fond, passe à poissons, modification pour garantir le DMB ... pour des seuils qui sont très majoritairement modestes, la dépense paraît importante. D'autant que le gain écologique futur n'est pas toujours clairement perçu par le propriétaire ni même quantifié par les experts. Parfois, cette dépense est tout simplement hors de portée des capacités d'emprunt du maître d'ouvrage (insolvabilité déjà constatée en France sur de nombreux BV). S'ajoute à cela une très forte dispersion des coûts observés de travaux en rivière, point qui a été relevé par l'ONEMA dès 2011 (Dir4 M. Bramard) et qui fait actuellement l'objet d'une enquête de l'Observatoire de la continuité écologique.  Dispose-t-on aujourd'hui d'une base de données économiques sur les opérations de restauration d'ouvrage? A-t-on des analyses sur les principaux postes de variation des coûts? Les autorités en charge de l'eau comptent-elles associer les professionnels à une démarche d'information ? Comment peut-on envisager des bonnes pratiques aboutissant à des coûts raisonnables et proportionnés d'aménagement?

Sur le rôle des Syndicats et EPTB
> Comme cela s'est déjà fait sur plusieurs bassins versants en France, les syndicats de rivière ont-il prévu des études par tronçons permettant d'envisager l'enjeu sédimentaire / piscicole sur tout le linéaire? Les autorités en charge de l'eau encouragent-elles ce type de solution?

Sur la position des Agences de l'eau et les demandes d'indemnités pour charge exorbitante
> Les Agences de l'eau ont prévu un budget important (de l'ordre de 2 milliards d'euros) pour la restauration écologique, sur leur programmation budgétaire 2013-2018. En l'état de leurs arbitrages, elles privilégient les effacements d'ouvrages et se montrent très sélectives pour financer des aménagements. La subvention est souvent nulle, sauf si l'ouvrage est considéré comme «  structurant  » (mais à des conditions assez drastiques et rarement réunies). Mais les choix varient d'une Agence à l'autre (cf plus loin). Cette position est le second «  point noir  », puisqu'elle paraît infondée aux propriétaires  : ils sont le cas échéant disposés à modifier substantiellement leur ouvrage pour améliorer la qualité de l'eau considérée comme «  bien commun  », mais ne comprennent pas pourquoi une telle dépense reposerait entièrement sur leurs épaules alors qu'elle s'inscrit dans la recherche d'un intérêt général. Comme l'art 214-17 C env ouvre la possibilité d'une indemnité en cas de «  charge spéciale et exorbitante  », un blocage des Agences de l'eau sur le refus de toute subvention pour les aménagements de petits ouvrages risquerait de se traduire par des demandes systématiques d'indemnités et des contentieux en cas de refus de payer ces indemnités. Les Agences de bassin concernées — principalement AESN Seine-Amont — participeront-elles à des concertations et informations sur ce point? Comment l'autorité de charge de l'eau (qui recevra les demandes d'indemnités) se positionne-t-elle? Pourquoi l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée propose-t-elle en Côte d'Or des financements à 60% voire 80% des passes quand l'Agence de l'eau Seine-Normandie oppose des fins de non-recevoir?

Sur les pertes de production énergétique
> Un certain nombre d'adhérents de notre association produisent en autoconsommation ou en vente réseau. Les différentes réformes vont occasionner une perte de production (convention d'ouverture des vannages à certaines périodes, perte de charge dans les grilles à faible écartement et goulotte de dévalaison, etc.). Comment ce point sera-t-il géré par l'autorité en charge de l'eau?

Sur la représentation des associations de riverains et propriétaires tout au long de la mise en œuvre de la continuité
> Il a été observé dans divers documents récents (Rapport Cour des comptes 2013, Rapport du CGEDD sur la mise en œuvre de la continuité écologique 2013, rapport Lesage d'évaluation de la politique de l'eau 2013) que des efforts étaient nécessaires en terme de concertation, information et participation. Des dispositifs en ce sens sont-ils prévus  ? Outre des rencontres ponctuelles (comme celle faisant l'objet de ce mémo), nos associations pourront-elles être intégrées le plus en amont possible, afin de jouer leur double rôle d'information des adhérents et des pouvoirs publics?

05/11/2013

Bellenod-sur-Seine, Cry: quand les pêcheurs défendent les seuils en rivière


Nous avons déjà longuement évoqué sur ce blog le moulin du Bœuf à Bellenod-sur-Seine, dont le propriétaire Gilles Bouqueton se bat pour voir reconnaître la validité de son règlement d’eau, et le droit de produire une énergie propre en Châtillonnais.

L’AAPPMA de la Saumonée d’Aignay le Duc vient de prendre position dans ce dossier. Les pêcheurs, représentés par M. Rémy Délery et le bureau de l’association, observent :

«Suite à notre entretien du 19 octobre 2013 avec monsieur Gilles Bouqueton, propriétaire du moulin du Bœuf, l’ensemble du bureau avec son président Rémy Délery et l’appui de plusieurs pêcheurs soutiennent activement l’action menée pour une éventuelle restauration de la roue du moulin.


Nous pensons que cette restauration n’aura aucune incidence sur le plan halieutique et que l’expérience du passé local sur nos rivières la Seine, la Coquille et le Revinson connaissent un peuplement important de poissons ( truites). Ces mêmes rivières disposaient par le passé d’étangs, de moulins et de vannages qui n’ont pas entravés les peuplements.»

Partout, les pêcheurs s’inquiètent de la remise en cause des équilibres actuels de la rivière
Cette position est pleine de bon sens et de réalisme. C’est la voix du terrain, la voix des rivières. Et elle n’est pas isolée.  Par exemple l’été dernier, alors que le syndicat de l’Armançon SIRTAVA commençait l’effacement du barrage de Cry, l'Entente Aisy-Nuits-Ravières-Pacy-Tanlay avait mis en garde par la voix de son Président, M. Jean Boucaux :

«On va assister à une véritable métamorphose de la rivière (…) Détruire les déversoirs risque d'avoir une forte incidence sur les nappes d'accompagnement qui ont un rôle de régulation important avec les zones humides. Avec la disparition de l'ouvrage de Cry, on se dirige tout droit vers un parcours meurtrier. Les possibilités de déplacement des espèces seront fortement réduites.»

Quand nous discutons avec les pêcheurs, nous observons le même attachement à l’équilibre actuel des rivières, à condition que chacun prenne ses responsabilités et que les propriétaires s’engagent dans une gestion active des ouvrages hydrauliques.

Hélas, si les AAPPMA adoptent le plus souvent cette position d’apaisement et de concertation entre les acteurs locaux,  les représentants des Fédérations départementales et plus encore de la Fédération nationale des pêcheurs, il est vrai plus proches des bureaux que des berges, tendent à tenir un discours beaucoup plus extrémiste et idéologique sur l’effacement des seuils…

Espérons que la raison revienne, et que la voix de la base soit enfin entendue. L’effacement systématique des ouvrages hydrauliques n’est pas la solution pour l’indispensable amélioration de l’état chimique et écologique de nos rivières.