19/02/2013

continuité écologique en Côte d’Or


Dans ce dossier départemental, l’Observatoire de la continuité écologique et des usages de l’eau fait le point sur l’ensemble des problèmes observés en Côte d’Or. Ce travail a été rendu possible par la collecte et l’analyse d’information effectuées par un réseau d’associations locales.
Ce dossier est duplicable et la démarche transposable à d’autres départements.
Continuite_21
Télécharger le dossier (pad, 4,7 Mo) : OCE-Continuite écologique
Sommaire
-Introduction : dix motifs d’inquiétude et un urgent besoin de concertation entre associations, syndicats, élus et administrations.
Continuité écologique et hydromorphologie: une place modeste dans l’objectif européen de reconquête de la qualité des eaux
 rappel: le classement des rivières et la continuité écologique
 la question des seuils et de la continuité est-elle centrale pour le bon état chimique et écologique des rivières?
 mesure-t-on et explique-t-on correctement les causes de dégradation de nos rivières ?

Seuils, barrages et qualité de la rivière : des connaissances encore incertaines, des résultats parfois contradictoires
 les seuils et barrages transforment-ils l’ensemble du linéaire des rivières?
 les seuils et barrages affectent-ils de façon manifeste et systématique la qualité piscicole
 tous les poissons ont-ils besoin d’un franchissement en montaison et dévalaison ?
 l’auto-épuration des rivières est-elle affectée par les seuils et barrages?
connaît-on l’effet des seuils et barrages sur les espèces exotiques envahissantes ? pourquoi ignorer l’effacement naturel des obstacles à l’écoulement ?
Patrimoine, paysage, énergie : les dimensions oubliées de la rivière
 la valeur patrimoniale, historique, paysagère et touristique des ouvrages hydrauliques est-elle évaluée ?
 le potentiel énergétique des ouvrages hydrauliques est-il pris en compte?

La continuité écologique en action: un niveau de qualité, de concertation et de cohérence insatisfaisant
 l’incitation systématique à l’effacement assure-t-elle à une gestion durable et équilibrée de la rivière ?
 qu’est-ce qui est fait pour les grands barrages de notre département gérés par les établissements publics ?
 le principe de précaution est-il respecté dans la politique d’effacement des seuils ?
 les règles et bonnes pratiques des travaux de continuité écologique sont-elles suivies dans les chantiers engagés?
 quel sera le coût de la continuité écologique et qui va le supporter?
Dix mesures pour réussir la continuité écologique et la reconquête des milieux aquatiques en Côte d’Or.
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16/02/2013

Observatoire de la continuité écologique et des usages de l'eau


Observatoire de la continuité écologique et des usages de l'eau

L'association Hydrauxois viens de créer l'Observatoire de la continuité écologique et des usages de l'eau, dont elle est une des premières coordinatrices nationales avec le Cedepa de Philippe Benoist.

Les deux premiers dossiers de l'Observatoire sont en ligne. On peut consulter ci-dessous les principales conclusions : elles convergent pour montrer que les obstacles à l'écoulement ne sont nullement les premiers responsables de la dégradation de la qualité piscicole des rivières françaises. Il serait en conséquence inacceptable que le nouveau classement des cours d'eau donne lieu à une application systématique et brutale, aussi coûteuse pour l'économie que douteuse pour l'écologie, et cela alors que les premières causes de pollution ne sont toujours pas traitées (pollutions dont les mesures ne sont généralement pas disponibles, alors que des rapports sur les rivières suggèrent leur urgence, voir le cas duSerein, de l'Armançon ou de la Seine cote-dorienne).

Il a récemment été avancé que le Système d'information sur l'eau ayant servi de fondement au classement des rivières est défaillant : les dossiers de l'Observatoire plaident en ce sens, en suggérant que les connaissances scientifiques des rivières (et particulièrement de l'hydromorphologie) sont très insuffisantes pour asseoir des conclusions robustes, a fortiori des décisions précipitées de travaux en rivières.

Pourquoi les poissons n’ont-ils pas tous disparu de nos rivières ?
Étude de 18 espèces piscicoles au XIXe siècle, en présence d’obstacles à l’écoulement deux à trois fois plus nombreux qu’aujourd’hui

En 1865, on comptait 52 000 moulins en activité de production commerciale, auxquels s’ajoute un nombre inconnu d’ouvrages hydrauliques servant à l’autoproduction, de barrages d’irrigation agricole, de seuils en rivière abandonnés faute d’usage, d’autres équipements hydrauliques (écluses, premiers grands barrages de retenue). Il en résulte que les obstacles à l’écoulement longitudinal et à la circulation des poissons étaient deux fois à trois fois plus nombreux que ceux recensés aujourd’hui dans le Référentiel des obstacles à l’écoulement.

Or, à l’exception de certains grands migrateurs comme le saumon ou l’esturgeon dont on signalait la raréfaction en tête de bassins versants, la plupart des espèces aujourd’hui protégées au titre de la continuité écologique étaient considérées comme communes ou abondantes dans les rivières françaises (ou dans leurs bassins spécifiques) : spirlin, alose, anguille, hotu, toxostome, brochet, lamproie de rivière, lamproie marine, vandoises, blageon, lote, bouvière, ombre commun, apron du Rhône. Les écrevisses autochtones, connues pour leur sensibilité à la qualité de l’eau, étaient également signalées dans les fleuves comme dans leur réseau d’affluents, sans problème apparent pour la colonisation des milieux aquatiques.

Ces observations, menées à la fin du XIXe siècle par les fondateurs de l'ichtyologie scientifique française, suggèrent que la dégradation de la qualité piscicole, plus largement biologique des rivières françaises ne provient que marginalement des seuils en lit mineur et des ouvrages de petite hydraulique, dont le nombre (donc l’influence sur les cours d’eau) a progressivement décru depuis un siècle. Pour expliquer l’altération des milieux aquatiques, il convient de rechercher des facteurs présents au XXe siècle mais absents au XIXe siècle. Parmi les candidats les plus logiques : composés présents dans les intrants et les effluents agricoles, industriels, sanitaires et domestiques ; urbanisation, artificialisation des rives et suppression des annexes latérales ; croissance de la grande hydraulique ; espèces invasives et empoissonnements massifs à fin de pêche de loisir ; changement climatique récent.

Il en résulte que le classement systématique des cours d’eau entiers sans distinction sur la nature de leurs obstacles à l’écoulement ne permet pas d’établir correctement les priorités biologiques et hydromorphologiques pour la vingtaine d’espèces concernées par la continuité longitudinale. Un travail complémentaire des autorités en charge de l’eau est nécessaire pour définir ces priorités.

Obstacles à l’écoulement et qualité piscicole
Quand les mesures contredisent les discours sur l’effacement indispensable des seuils, digues, barrages et autres obstacles à l’écoulement…

Dans chaque département – sauf exceptions par défaut de mesures –, ce dossier montre que l'on trouve des rivières en qualité piscicole «bonne» ou «excellente» malgré la présence d’obstacles à l’écoulement. Il est donc inexact d’affirmer que la présence de seuils ou barrages altère nécessairement la composition de la faune piscicole. La qualité en question est mesurée par l'Indice poisson rivière (IPR) des pêches de contrôle de l'Onema.

L’Indice poisson rivière (IPR) est d’autant meilleur qu’il est proche de 1 (c’est-à-dire faible). Le score moyen d’IPR 2010 des 1136 rivières françaises analysées par l'Onema est de 17,274. Le score moyen des 88 rivières  analysées (7,75% de l’échantillon national) est de 8,002. Les rivières avec obstacles analysées dans ce dossier ont donc une note moyenne de qualité piscicole deux fois meilleure que la note des rivières françaises.

En Charente-Maritime et Loir-et-Cher, il n’existait pas de mesure IPR en bon ou excellent état comportant des seuils. Dans ces deux départements, l’étude montre que les rivières en plus mauvais état piscicole n’ont pas d’obstacles à l’écoulement sur leur lit, ce qui suggère d’autres causes de dégradation (nutriments azotés et phosphorés, etc…)

Dans 36 sites de contrôle, non seulement la qualité piscicole des rivières comportant des obstacles à l’écoulement est bonne ou excellente, mais c’est même la meilleure du département pour le relevé IPR 2010 : Eure, Gard, Haute Garonne, Gers, Ille-et-Vilaine, Loire, Haute-Loire, Lot-et-Garonne, Haute-Marne, Meuse, Morbihan, Moselle, Oise, Pas-de-Calais, Puy-de-Dome, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Rhône, Haute-Saône, Haute-Savoie, Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Yvelines, Deux-Sèvres, Somme, Tarn-et-Garonne, Var, Vaucluse, Vienne, Haute-Vienne, Vosges, Essonne, Val-de-Marne, Val-d’Oise.

En général, les rivières étudiées dans ce dossier comportent des seuils ou glacis de moulin (empierrement  de hauteur modeste en lit mineur créant une hauteur de chute et une dérivation de bief). Mais plusieurs exemples – Pyrénées-Orientales, Haute-Savoie, Tarn – montrent qu’une qualité piscicole bonne ou excellente se trouve également en zone d’influence directe des grands barrages.

En février paraîtront deux autres travaux de l'Observatoire en cours de finalisation :

- un premier dossier local dédié à la continuité en Côte d'Or, rendu possible par l'existence d'un bon réseau associatif d'informateurs départementaux ;

- un dossier (national) sur le non-respect du principe de précaution dans l'arasement / dérasement des seuils, entraînant des modifications d'écoulement en crue et étiage.

Le rapport 2013 de la cour des comptes est paru...


100%, 20%, 1%...


Le rapport 2013 de la Cour des Comptes est donc paru, confirmant l'ensemble des informations circulant depuis deux mois sur les dysfonctionnements de l'Onema et, plus généralement, du Système d'information sur l'eau en France. Le Premier Président de la Cour a par ailleurs annoncé qu'il y aurait des poursuites, contrairement à ce qu'affirmait Mme Dupont-Kerlan, directrice de l'établissement : «L’exemple de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, créé en 2007, révèle une accumulation de missions mal assurées et des déficiences graves dans l’organisation et la gestion. Devant l’ampleur de celles-ci, la Cour des comptes, par une délibération de la septième chambre, a décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de certains des faits constatés et a transmis le dossier au parquet général à cette fin.» 

Nous n'épiloguerons pas ici sur ces faits, que d'autres commentent avec acuité et dont une synthèse sera produite par l'Observatoire de la continuité écologique.

L'acharnement sur les seuils
Deux points retiendront notre attention. Le premier concerne  l'exercice de la Police de l'eau, avec cette observation de la Cour des Comptes (p.329) :

« Alors que des actions contentieuses ont été engagées contre la France sur le non-respect de la directive européenne sur les nitrates, la «pression de contrôle» est insuffisante pour faire diminuer ce type de pollution et se prémunir contre de nouveaux contentieux. La circulaire du ministère de l’environnement du 12 novembre 2010 fixe en effet un objectif de contrôle peu ambitieux au regard des enjeux : dans les zones les plus sensibles, 1 % seulement des exploitations d’un département font l’objet d’un contrôle. Ce taux, à comparer avec ceux des stations d’épuration (20 %) ou des seuils et barrages (100 %), n’est pas de nature à contribuer à une diminution de la pollution de l’eau par les nitrates. »

100% de contrôle sur les seuils, 20% sur les stations d'épuration, 1% sur les exploitations agricoles intensives... voilà un bon résumé en trois chiffres du problème observé sur les cours d'eau depuis quelques années. L'inexplicable acharnement sur un seul aspect du compartiment hydromophologique des rivières répond à l'indéfendable relâchement sur les causes directes de pollution chimique. Et cela alors que les preuves convaincantes manquent singulièrement pour établir le rôle des seuils et de la petite hydraulique dans la dégradation de la qualité piscicole.

Evaluation et audit des données sur l'eau
Le second point concerne ce communiqué de Mme Batho, ministre de l'Ecologie, qui reconnaît sans commentaire les «graves dysfonctionnements» de l'Onema, mais qui précise surtout :

« Concernant les insuffisances structurelles de la  politique de l’eau, mises en évidence par le rapport de la Cour des Comptes, la Ministre de l’Écologie a souhaité qu’une évaluation de la politique de l’eau soit engagée dans le cadre du chantier de modernisation de l’action publique. Les scénarios d’évolution de la politique de l’eau seront présentés à la conférence environnementale en septembre 2013. Le plan d’action de modernisation de cette politique sera lancé au mois d’octobre. Cette évaluation de la politique de l’eau comportera également un audit transparent et partagé de la production et de la gestion des données sur l’eau. »

Nous prenons acte que la qualité du système d'information sur l'eau est à ce point suspecte qu'elle demande une évaluation de sa politique de mise en oeuvre et un audit complet des données déjà produites.

Mais nous nous étonnons que le Ministère persiste à publier des arrêtés de classements de cours d'eau dont les mesures structurantes (définition du très bon état écologique, peuplement piscicole dans chaque masse d'eau, élaboration des corridors biologiques, etc.) proviennent d'un Système dont la robustesse technique et scientifique est l'objet de sa propre suspicion.

04/02/2013

"Entre scandales et dérives"...


Hydrauxois

Les lecteurs de notre site savent toute la difficulté que nous avons à obtenir les données sur l'état chimique et écologique de nos rivières. Nous parlons bien des données primaires, les mesures permettant de contrôler la robustesse des conclusions de l'Autorité publique en charge de l'eau, et non pas de la littérature de vulgarisation en quadrichromie, où l'on avance des propos non vérifiables, notamment sur le rôle soi-disant clé des seuils et barrages dans la dégradation de la qualité de l'eau.

Nos lecteurs savent aussi toute l'incompréhension des riverains, des propriétaires d'ouvrages hydrauliques et plus largement des citoyens : l'Administration se montre soudain d'une rigueur implacable pour les seuils, barrages et autres obstacles en cours d'eau, au point d'envisager leur effacement à marche forcée dans les 5 ans qui viennent, alors que tous les rapports de terrain des syndicats de rivière (voir iciici ou ici), et les données mêmes de l'Onema ou du Système d'information sur l'eau quand elles sont disponibles, concluent que les principaux responsables de la dégradation de l'eau restent à ce jour les effluents domestiques, agricoles, industriels. De très prochaines publications auxquelles notre association a participé montreront d'ailleurs l'ampleur du problème.

Le journal Le Monde, dans son édition des 3 et 4 février 2013 consacre sa "une" à cette question :"La politique de l'eau en France entre scandales et dérives". Voici quelques extraits des analyses de ses journalistes, qui enquêtent sur un problème initialement soulevé par Marc Laimé à partir d'un rapport de la Cour des comptes. La lecture complète des articles (version papier ou version numérique pour abonnés) est fortement conseillée.

L'Onema, un bras armé de la politique de l'eau en mauvaise posture
Le ménage a été fait discrètement. Mais cela ne devrait pas suffire à étouffer le scandale qui frappe l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), un établissement public sous la tutelle du ministère de l'écologie, bras armé de la politique  publique de l'eau en France. L'agence en gère les données statistiques, cruciales pour juger de la qualité de notre ressource hydrique. L'Onema est sous le feu de vives critiques dans le rapport annuel de la Cour des comptes, qui sera rendu public le 12 février. (...) Le contrôle de la Cour met en évidence de lourds dysfonctionnements internes : "absence de fiabilité des comptes", "un budget mal maîtrisé sans procédure formalisée d'engagement de la dépense", "une gestion des systèmes d'information défaillante", "des sous-traitances non déclarées", etc.

Jeu de chaises musicales aux directions de l'eau
Quinze jours plus tard, par arrêté du ministère de l'écologie, Patrick Lavarde, directeur général de l'Onema depuis sa création, en 2007, est remplacé par Elisabeth Dupont-Kerlan, ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts. M. Lavarde est nommé chargé de mission au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), organisme sous l'autorité du ministère de l'écologie. Il n'a pas répondu à nos sollicitations. Le 21 novembre 2012, en conseil des ministres, il est aussi mis fin aux fonctions d'Odile Gauthier, directrice de l'eau et de la biodiversité (DEB), présidente du conseil d'administration de l'Onema, où elle n'a toujours pas été remplacée. Nommée à la direction générale du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, Mme Gauthier ne souhaite pas s'exprimer sur ses fonctions antérieures. Et d'autres mutations sont en cours. 

Des dérives récurrentes, selon la ministre de l'Ecologie
Comment expliquer tous ces dysfonctionnements ? Au-delà des responsabilités individuelles de tel ou tel acteur, que la justice pointera peut-être, l'affaire de l'Onema traduit, pour reprendre les termes d'un haut fonctionnaire, "un bordel incroyable" au sein de l'Etat. "Ce qui frappe, réagit Delphine Batho, c'est le caractère récurrent des dérives constatées, cette situation incroyable qui a perduré."

Le système d'information sur l'eau embourbé
Pour répondre à plusieurs directives européennes, la France doit rendre des comptes à la fois sur ses eaux potables, de baignade, conchylicoles, ainsi que sur ses eaux résiduaires urbaines, ses nitrates, boues d'épuration, inondations... Il lui faut élaborer - via l'Onema - un système d'information sur l'eau (SIE) performant, capable de fournir des données fiables et accessibles à la fois pour son "rapportage" auprès de Bruxelles, mais aussi pour orienter ses propres politiques publiques de l'eau. (…) L'Onema a consacré à cette tâche 80 millions d'euros en 2010, selon le rapport provisoire de la Cour des comptes. Pourtant, le SIE semble embourbé, son architecture tarde à prendre forme. Une bonne partie des données n'est toujours pas accessible, comme en témoigne Eau France, le portail Internet piloté par l'Onema, prolixe en textes officiels, recommandations et synthèses diverses, mais avare d'informations à jour et lisibles par le public non initié. Dans un paysage qui reste opaque, certains experts en arrivent à douter de leur fiabilité.

La Commission européenne fondée à douter des mesures
"En tout état de cause, la Commission européenne, qui estime les efforts de la France en matière de qualité de l'eau assez insuffisants pour la condamner d'ici quelques semaines, ne devrait pas perdre une miette de ce scandale. Bruxelles pourrait en effet s'interroger sur la pertinence des informations transmises par la France."

La Police de l'eau soumise à des pressions
"Des pressions ?" Cette chef de service éclate de rire. "Des pressions phénoménales oui ! Parfois, rapporte-t-elle, on nous demande de nous contenter d'une mise en garde plutôt que de verbaliser une entreprise polluante parce qu'il y a 400 emplois à la clé. Une autre fois, on nous interdit de contrôler les zones de lavage des engins agricoles des viticulteurs sous un prétexte fallacieux... " (…) Dans le sud de la France, un autre chef de service estime que la loi sur l'eau n'est simplement pas appliquée dans son département (...) : " L'administration ne veut pas de vagues, elle a fait le choix d'imposer le moins de contraintes possibles. Parfois, elle peut se contenter d'une simple note manuscrite de la part d'une entreprise au lieu d'exiger une demande d'autorisation réglementaire de cinquante pages.(...) Nous avons ainsi découvert dans la presse un projet de centre commercial qui va conduire à bétonner les rives d'un petit cours d'eau... "

Pour un vrai débat sur les priorités de l'eau
Nous l'avions déjà signalé sur ce site, il n'est pas question pour l'association Hydrauxois de verser dans des simplifications stupides ("tous pourris"), dans des généralisations abusives ("la continuité écologique ne vaut rien") ni dans des conclusions insultantes ("tous les agents administratifs de l'eau sont malhonnêtes ou manipulés"). Cela ne correspond évidemment pas à la réalité.

En revanche, nous avons très tôt attiré l'attention sur la difficulté à accéder à l'information, sur la faiblesse des données disponibles par rapport à la vigueur affirmée des conclusions avancées, sur la place anormale de l'hydromorphologie par rapport aux indicateurs biologiques, physochimiques et chimiques de la qualité de l'eau, sur certaines contradictions techniques et scientifiques manifestes dans le discours public sur la qualité de l'eau.

Comme le montre l'analyse du journal Le Monde, nous payons aujourd'hui 12 années d'impréparation publique :
• la mise en oeuvre chaotique de la Directive cadre européenne sur l'eau, visiblement bâclée d'un gouvernement l'autre depuis 2000 (la Cour des comptes avait tiré la sonnette d'alarme une première fois en 2010 dans son rapport sur les instruments de la politique durable de l'eau) ;
• l'agitation un peu cosmétique autour du Grenelle, qui a laissé de côté les problèmes de fond des rivières pour mettre en avant quelques spectaculaires mesures aux bénéfices environnementaux non réellement quantifiés ;
• l'incroyable dispersion et superposition des bases de données sur les paramètres de qualité de chacune des masses d'eau, bases qui devraient être au coeur d'une politique transparente de l'eau "fondée sur la preuve", et bases qui se trouvent aujourd'hui bien incapables de permettre une hiérarchisation des problèmes écologiques de nos rivières.

Le débat public sur l'eau n'a donc jamais vraiment eu lieu — surtout pas dans les concertations en trompe-l'oeil de la continuité écologique, des SAGE, des SDAGE où les rares citoyens ayant compris que leur avis était vaguement requis se trouvaient confrontés à des masses de conclusions fixées d'avance, sans la moindre opportunité de réfléchir à leur condition d'élaboration. Les rares fois où il s'est trouvé un tissu associatif assez vigoureux pour résister démocratiquement à un discours d'autorité et de fait accompli (comme à Semur-en-Auxois), la concertation a quand même abouti à sa conclusion logique : abandon de projets pharaoniques ne correspondant en rien aux besoins urgents de la rivière ni aux aspirations des territoires.

Notre association rappelle son objet et sa vocation : la défense de l'environnement, du patrimoine et de l'énergie hydrauliques — lesquels à nos yeux vont de pair pourvu que tous les acteurs (à commencer par les maîtres d'ouvrage) s'engagent dans une "gestion durable et équilibrée de la rivière", selon le voeu du législateur. Nous n'accepterons pas de voir sacrifiés cet environnement, ce patrimoine et cette énergie en Bourgogne au cours des mois et années à venir, alors même que ce sacrifice repose de toute évidence sur des informations défaillantes, des conclusions hâtives, des priorités erronées.

29/01/2013

Lettre d'information N°4



Lettre d'information N°4 en PDF




Le 28 janvier 2013
Chers adhérents,
Tout d'abord, pendant qu'il en est presque encore temps, vous présenter nos voeux pour cette année
2013.
Ensuite, faire un mea-culpa car nous n'avons guère communiqué depuis notre assemblée générale
cet été à Montmoyen : la faute à une actualité très, trop riche.
En effet, suite à notre AG, à la présence de l'association aux journées de la Forêt à Leuglay, aux
articles qui en ont suivi dans la presse, nous avons été contacté par le Syndicat Intercommunal des
Cours d'Eaux Chatillonais (SICEC): une réunion de "prise de contact" s'est tenue en novembre 2012
en leur bureau de Chatillon, en présence de Mr Stutz , président du syndicat, Mr Rouge, technicien
au Sicec, de Charles François Champetier, d'Hydroxois et du bureau de l'Arphoc. La réunion s'est
déroulée dans une "ambiance cordiale" le syndicat a exposé sa vision des choses (pour faire court :
retrouver le bon état des eaux en renaturant les rivières, d'où la suppression et éventuellement
l'aménagement des seuils, avec de temps en temps, une concession à la production électrique,
(Gomméville).
Pour l'Arphoc les seuils ne sont pas responsables du mauvais état des rivières et elle demande à être
consultée avant toute décision.
Toute notre démarche est basée sur le fait que nos associations (Hydrauxois et Arphoc)
doivent être reconnues et devenir des interlocutrices obligatoires pour l'administration.
Pour ce faire :
- nous avons été présents aux assises des énergies renouvelables (Dijon, décembre 2012)
- nous avons approché Mr Luc JOLIET maire de Tart l'Abbaye producteur d'électricité et très
impliqué dans tout le "monde administratif départemental" pour les problèmes de l'eau.
Nous avons tenu deux réunions (décembre et janvier 2013) et avons décidé de joindre nos efforts en
travaillant ensemble avec l'association des propriétaires barragistes de Côte d'Or, plus axée sur la
production électrique et tout à fait complémentaire avec nos associations.
Le premier résultat est la prise de rendez vous avec le président de la Direction Départementale des
Territoires (DDT) et la responsable de la Police de l'Eau : la rencontre devrait avoir lieu courant
février.
- nous serons très certainement présents à un débat sur la transition énergétique le 1er février à
Dijon.
Entre ces réunions, l'emploi du temps a été assez chargé. En effet, force est de constater que la
machine administrative est bien en route : après des années de travail souterrain,les conséquences
arrivent à la surface :
- Nouveau classement des rivières + les obligations qui en découlent,
- mise en application de la fameuse "continuité écologique" avec remise en cause des droits
d'eau.
ARPOHC
Dans la foulée 2 cas pratiques : l'ancienne usine électrique de Semur-en-Auxois et le moulin de
Bellenod, propriété de Gilles Bouqueton, notre secrétaire.
Les deux ouvrages ont d'abord fait l'objet d'un rapport dressé par la DDT, constatant « un état de
ruine d'éléments essentiels,,,). Dans ces deux cas, le rapport ainsi rédigé a été contesté par les
propriétaires.
Dans le cas de Semur, un « constat d'abandon manifeste » a ensuite été dressé, décrivant l'ouvrage
comme « irrégulier au regard de la loi sur l'Eau », un arrêté préfectoral allant dans ce sens, viendra
bientôt clore la discution.
Pour Bellenod nous attendons de recevoir le même courrier qui devrait arriver à la même
conclusion.
Il faut savoir que tout cela arrive malgré la présence de représentants des municipalités, de nos
associations et de Maître Rémi, avocat, dans le cas du moulin de Bellenod.
Le recours juridique sera sans doute au bout du chemin la seule issue.
D'autre part, un ENORME TRAVAIL, a été entrepris par Charles -François CHAMPETIER de
l'association Hydrauxois, qu'il en soit une fois encore remercié car il associe toujours l'Arphoc à ses
démarches et recherches,
Nous vous recommandons très vivement de consulter le site Hydrauxois mis en place par Charles
-François et très richement argumenté : http://www.hydrauxois.org/
et Arphoc : http://arpohc.blogspot.fr/
Charles -François est en train d'établir des documents très complets sur l'impact des seuils sur la
qualité des eaux , sur l'absence de mesure des risques crues et étiages et la négation du principe de
précaution.
Au vu de leur qualité,ces documents nous donneront une crédibilité très forte vis à vis de
l'administration.
Voila ce qui a fait notre activité ces derniers mois, nous n'avons pas pu vous y associer à chaque
fois, faute de temps, nous voudrions programmer une réunion des membres en mars /avril pour
refaire le point, entre temps restez vigilants sur l'entretien de vos installations et le respect de la
réglementation.
Amicalement
Le bureau
Janvier 2013

07/01/2013

Référentiel des Obstacles à l’Ecoulement



Référentiel des Obstacles à l’ecoulement

En utilisant le lien ci dessous et en utilisant comme mot de passe et identifiant "demogeobs"
vous avez la possibilité de savoir ou et comment ont été recensés les obstacles à l'écoulement.

http://geobsrec.brgm.fr/geobs/login.htm

liens pour la notice explicative du site
http://www.eaufrance.fr/IMG/pdf/Administration_ROE2011.pdf







22/12/2012

Le classement des cours d'eau Seine-Normandie vient de paraître

Le nouveau classement des cours d'eau du bassin Seine-Normandie est paru ce 18 décembre 2012 au Journal Officiel. Ce classement concerne les rivières de Cote d'Or dépendant du bassin sequanien, notamment le Châtillonnais et l'Auxois. Les informations techniques sont disponibles sur le site de la DRIEE : arrêté liste 1arrêté liste 2Document technique d'accompagnementEtude d'impact.

Pour comprendre les enjeux du classement des rivières, vous pouvez lire ce texte d'explication.

19/12/2012

Etat chimique et écologique de nos rivières: où sont donc les mesures ?

 A partir de 2000, l’Union européenne a établi un cadre communautaire pour la protection et la gestion de l’eau, à travers une directive-cadre (DCE). La démarche a été programmée en deux temps : d'abord, identifier et analyser les eaux européennes, recensées par bassin et par district hydrographiques ; ensuite, proposer des plans de gestion et des programmes de mesures adaptés à chaque masse d’eau. Cela en vue en vue d'atteindre un bon état chimique et écologique des masses d'eau européennes en 2015 (avec prorogation justifiée 2021, 2027).

Nous examinons ici les différents critères du bon état chimique et écologique de nos rivières tels que les a définis l'Union européenne, puis la loi française. Nous constatons que la France ne semble apparemment pas capable de produire en 2013 des mesures chimiques et écologiques complètes pour l'ensemble de ses rivières – bien qu'elle prétende par ailleurs les classer selon leur « état écologique », contrevenant manifestement à ses engagements européens.

Les textes cités au fil de l'article sont consultables dans les références finales (sauf exception de lien direct).

Etat chimique d'une masse d'eau
Pour apprécier l'état chimique d'une masse d'eau, la DCE établit une liste de 41 substances chimiques : 33 substances prioritaires et 8 substances dangereuses. Les substances prioritaires doivent être inférieures à des taux maximaux de concentration définis par les normes de qualité environnementale ; les substances dangereuses doivent être éliminées.

Il n'existe pas de gradient dans l'état chimique d'un cours d'eau : il est respecté ou non respecté. Les mêmes valeurs seuils s'appliquent à toutes les masses d'eau (de surface).

Les substances concernées sont des hydrocarbures (HAP), des métaux, des pesticides, des polluants issus de l'industrie ou de l'usage domestique. Une masse d'eau dont les 41 mesures n'ont pas été effectuées contrevient à la DCE et son état chimique ne peut être qualifié.

Etat écologique d'une masse d'eau

L'état écologique d'une rivière ne correspond pas toujours à des seuils déterminés par l'Union européenne, même s'il existe une réflexion commune dans le cadre du groupe Ecostat (Ecological Status). Chaque Etat-membre fixe sa méthodologie. Trois paramètres sont pris en compte en France pour évaluer l'état écologique : état biologique, état physico-chimique dont présence de polluants spécifiques à effet biologique, état hydromorphologique (voir en référence Guide technique 2009 faisant suite à la circulaire du 28 juillet 2005 et aux instructions de décembre 2007, ainsi que l'arrêté du 25 janvier 2010 sur le classement des rivières reprenant ces critères).

Etat biologique - Il est analysé par plusieurs types de mesures complémentaires, dont nous indiquons ici les indices les plus fréquemment employés :
• Indice biologique macrophytique en rivière (IBMR) pour l'eutrophisation (les macrophytes sont des algues visibles)
• Indice biologique global normalisé (IBGN) pour le peuplement macrobenthique
• Indice biologique diatomées (IBD)
• Indice poissons en rivière (IPR), peuplement piscicole en écart à la station de référence du milieu

Etat physico-chimique - Six mesures sont requises pour apprécier cet état :
• Bilan de l'oxygène (dissous, saturation, DBO5 et carbone organique)
• Température
• Nutriments (composés phosphorés PO4x, azotés NO2x, NO3x, NH4x)
• Acidification (pH)
• Salinité (si pertinent)
• Polluants spécifiques (métaux et phytosanitaires : arsenic, cuivre, zinc, chlortoluron, oxadiazon, linuron, 2.4 D, MCPA)

Etat hydromorphologique - Ce critère inclut diverses mesures dont l'appréciation est mal normalisée – la France insiste sur cette dimension spécifique plus que ne le font les textes européens, d'abord attachés aux paramètres mesurables de qualité chimique, biologique et physicochimique. La description de l'état hydromorphologique inclut notamment :
• connectivité latérale et longitudinale (obstacles à l'écoulement)
• nature des substrats
• dynamique sédimentaire érosions / dépôts
• diversité des régimes d'écoulement
• nature de la berge et ripisylve

Une approche fondée sur la preuve
Quoiqu'elles puissent paraître complexes au premier abord, les informations relatives au bon état chimique et écologique des masses d'eau sont finalement assez claires : on a une liste finie de critères à renseigner, avec dans certains cas des valeurs seuil définies par l'UE, dans d'autres cas des valeurs seuil ou des situations de référence décidées par l'Etat-membre dans son rapportage à l'UE.

La liste des substances concernées, le choix de tel ou tel indicateur peuvent nourrir des débats légitimes sur leur capacité à refléter la qualité des milieux aquatiques. On sait par exemple que les micropolluants de rivière se comptent en centaines, et non en dizaines, de sorte que le choix de l'UE peut paraître conservateur. De même, la notion de référence pour le peuplement piscicole d'une rivière donne lieu à des ambiguïtés, car elle est calculée sur des cours d'eau quasi-indemnes de toute influence anthropique ne correspondant plus aux usages économiques et sociaux depuis un grand nombre de générations.
Il n'en demeure pas moins que l'Union européenne a posé le fondement d'une démarche saine, que l'on dit « fondée sur la preuve » (evidence-based). Il ne s'agit de parler dans le vide ou dans le flou, sous prétexte qu'il existe un consensus pour un meilleur état écologique de nos milieux, mais bien de mesurer clairement les facteurs de dégradation. Et de n'agir qu'en connaissance de cause, lorsque l'on possède les informations complètes sur l'état des masses d'eau (souterraines, littorales ou de surface continentale) et sur les mesures prioritaires pour l'améliorer.

Informations non accessibles
Ces informations sur la qualité de l'eau devraient être accessibles à tous, de manière compréhensible par tous. Et en soi, la chose est aisée. C'est un peu comme une analyse de sang, où chacun regarde ses résultats et observe des écarts par rapport à la référence : inutile d'avoir un doctorat en hématologie pour comprendre si notre formulation sanguine a un problème !

Depuis bientôt 12 ans que la directive-cadre sur l'eau a été adoptée, on s'attend donc à ce que les citoyens disposent aujourd'hui d'un atlas Seine-Normandie, avec les données établies pour chaque masse d'eau (état zéro, puis mesures successives de contrôle de l'évolution) sous forme d'une fiche à télécharger ou à consulter en ligne, et d'un rapport annuel.

En d'autres termes, que chaque citoyen puisse savoir facilement : ma rivière est-elle en bon état chimique et écologique ? Et si elle ne l'est pas, quelles en sont les preuves, et les causes présumées ?

Hélas, il n'en est rien.

Un dispositif lourd, un budget conséquent
Pour satisfaire à ces obligations, l'Agences de l'eau Seine-Normandie (dont dépend la partie occidentale de notre département) a mis en place quatre « réseaux de contrôle » dédiés à la surveillance permanente (RCS), aux actions opérationnelles sur certains cours d'eau éloignés de l'objectif (RCO), à l'enquête sur des pollutions accidentelles (RCE) et à l'analyse additionnelle des zones protégées (RCA). Et pour faire bonne mesure, un réseau complémentaire de bassin (RCB) a été ajouté au dispositif.

Outre l'Agence de l'eau et l'Onema, principaux maîtres d'oeuvre de l'évaluation chimique et biologique des cours d'eau, toutes sortes d'organismes et d'administrations ont été mobilisés et sont énumérées dans le rapport 2011 sur l'état des milieux aquatique (AESN 2011, p. 2) : Ifremer, Cemagref (aujourd'hui Irstea), BRGM, Museum national d'histoire naturelle, Cellule de suivi du littoral normand, Centre d'étude et de valorisation des algues, DREAL, collectivités territoriales, bureaux d'études, laboratoire d'analyses...

Le budget alloué à la restauration écologique et la connaissance des milieux aquatiques est conséquent. Dans le Rapport annuel 2011 de l'Agence de l'eau, en Seine-Normandie, on observe que 57,5 millions d'euros sont dédiés à la seule étude de la qualité des eaux (et 48,8 millions d'euros à l'intervention).

Complexité, opacité, inefficacité
Hélas, la complexité du dispositif (que nous simplifions grandement ici en vous épargnant la profusion des bases de données, des référentiels, des méthodologies, etc.) n'a d'égale que l'opacité de ses résultats. Et leur rareté.

La Commission européenne ne s'y était pas trompée dans son premier rapport 2009 sur le suivi de la DCE en observant : «Il est encore nécessaire d’améliorer certains aspects du système afin de garantir la clarté et l’exhaustivité des rapports transmis, condition sine qua non pour que la Commission puisse effectuer une analyse correcte de la mise en œuvre de la DCE. Les rapports de l’Autriche, de la République tchèque, de la Hongrie et des Pays-Bas sont des exemples de bonne pratique en matière de clarté des informations communiquées.»

Chacun aura remarqué que la France ne faisait pas partie des bons élèves en terme de clarté et exhaustivité.

Pour donner un exemple, dans le rapport 2011 précité (AESN 2011, p. 10), l'Agence de l'eau observait : «Les données ont permis d'attribuer un état chimique à 324 masses d'eau suivies, lesquelles représentent 44% du linéaire total sur les 1688 masses d'eau du bassin. Il n'est en effet pas possible d'attribuer un état à plus de 80% des masses d'eau faute de données et/ou d'outils.»

Arriver à 80% des masses d'eau non renseignées sur leur état chimique dix ans après l'adoption de la DCE : on comprend la perplexité de la Commission européenne  !

Quel examen réel des masses d'eau ?
Les points de prélèvement des réseaux de surveillance dont nous parlions précédemment sont (selon l'Agence de l'eau 2011) au nombre de 391 pour l'analyse permanente (RCS) et de 691 pour l'analyse ponctuelle (RCO), ce qui est manifestement inférieur au nombre total de masses d'eau signalées par l'Agence (1688 dans le bilan publié en 2011).

Ce n'est pas très étonnant qu'une masse d'eau n'ait pas de donnée chimique si elle n'a pas pour commencer de point de prélèvement...

De surcroît, le maillage des masses d'eau par l'Agence de l'eau soulève un problème de fond : l'état chimique et écologique d'un cours d'eau ne s'apprécie pas par une mesure prise à 30 ou 60 km des facteurs dégradants (par exemple un élevage, un rejet industriel ou domestique, une succession de seuils, etc.). Donc, on s'interroge la valeur scientifique réelle des « points de prélèvement » et des « masses d'eau » quand il s'agit de statuer sur la qualité de l'eau dans tel ou tel tronçon de la seine, de l'Ource, de la Digeanne ou de tout autre cours d'eau de notre département.

Le classement des rivières
Si vous trouviez déjà les précédents développements un peu compliqués, sachez que nous n'êtes pas tout à fait au bout de vos peines. Car au terme de la Loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, la France a décidé de produire le 1er janvier 2014 au plus tard un nouveau classement des rivières (voir ce premier article d'explication). Celui de Loire-Bretagne est paru à l'été 2012, celui de Seine-Normandie vient tout juste d'être publié au Journal Officiel.

Les rivières ont trois statuts possibles : liste 1, liste 2, non classées. La liste 1 correspond à une masse d'eau en très bon état écologique, à un réservoir biologique classé au titre d'une protection ou à une rivière à fort enjeu migrateur. La liste 2 rassemble les rivières « à restaurer » dans lesquelles il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons. Pour le franchissement piscicole, le Code de l'environnement mentionne les poissons « migrateurs », mais d'autres espèces ont été introduites.

On voit donc que le cœur du classement est constitué par la distinction des rivières en bon état écologique (liste 1) et des rivières à simple potentiel de bon état écologique (liste 2). Il n'échappe à personne que cette notion de « bon état écologique » est justement celle que la directive-cadre sur l'eau de 2000 a défini.

Les cours d'eau de l'Auxois et du Châtillonnais ont-ils été analysés ?
Nous publions par exemple en annexe de cet article la liste des tronçons de rivières de Côte d'or (bassin Seine seulement, c'est-à-dire partie occidentale du département) faisant l'objet d'un classement soit en liste 1, soit en liste 2.

Les services publics de l'eau sont-ils capables de produire pour chacun de ces tronçons la liste complète des mesures prévues dans le cadre de l'application de la DCE 2000, pour le volet état écologique ? Ont-ils vraiment mesuré sur chaque tronçon les 4 indices biologiques, les 7 indices physicochimiques, la liste des polluants spécifiques ? Ont-ils une description cohérente et comparative des paramètres hydromorphologiques ?

Nul ne le sait, et il n'est pas tout à fait certain que les services concernés le sachent eux-mêmes, au regard des échanges que nous avons avec ceux qui daignent nous répondre... (pas l'Onema par exemple). Même le travail récent (par ailleurs de bonne qualité) sur le bassin Haute Seine, que nous avons commenté ici, ne comporte pas toutes les informations requises pour juger l'état écologique des cours d'eau concernés (ni l'état chimique). Sans parler des travaux bien plus minces sur les bassins Serein ou Armançon, du moins ceux qui sont accessibles au public à ce jour.

Le préfet coordonnateur de bassin devra justifier le classement
Pourtant, il paraît très difficile d'imaginer que le préfet coordonnateur de bassin ait publié ce 18 décembre 2012 un classement des rivières Seine-Normandie en « bon état écologique » ou en potentiel de « bon état écologique » sans pouvoir le justifier par rapport aux critères retenus par la règlementation française et européenne.

On observe par exemple que dans le classement des cours d'eau du bassin Loire-Bretagne, déjà publié cet été, il n'existe quasiment aucune mesure sur les masses d'eau des 8 polluants chimiques susceptibles d'altérer la biologie, ni des macrophytes. Or, l'arrêté du 25 janvier 2010 stipule que ces données font partie de la définition d'un bon état écologique. (A défaut d'une mesure directe, il faut présenter une modélisation validée permettant de quantifier le polluant dans la masse d'eau concernée... procédure pour le moins étrange, quand on sait la complexité d'une modélisation pour exclure la présence de traces d'éléments chimiques donnés. Nous sommes en conséquence curieux d'obtenir la publication de ce genre de modèle, et notamment de vérifier sa validation scientifique dans des revues évaluées par les pairs).

Il faut également noter qu'au regard de la circulaire DCE 2008/25 sur le même classement des cours d'eau, il avait été précisé par le Ministère de l'Ecologie : «Le gain écologique (maintien ou restauration) doit être vérifié au regard du diagnostic de la continuité des habitats. Si ce gain est faible ou inexistant, le déclassement doit être la suite logique.» En conséquence de quoi le préfet coordonnateur de bassin est tenu de justifier à publication du classement que le gain écologique est «non faible» pour un cours d'eau en liste 2 et que le déclassement n'était pas le choix le plus logique.

Rien de tout cela n'apparaît dans le « Document technique d'accompagnement » ou les autres pièces fournies en Loire-Bretagne. Soit une situation quelque peu ahurissante où la France paraît décréter administrativement l'état de ses rivières sans avoir au préalable analysé scientifiquement cet état. Nous verrons très vite ce qu'il en est sur le bassin Seine-Normandie et nous vous tiendrons ici informés des réponses de l'administration à nos requêtes.

Ce que nous attendons : en finir avec la confusion...
Notre association espère mettre fin dans les meilleurs délais à cet état de confusion totale sur les cours d'eau de Côte d'Or dépendant du bassin de Seine-Normandie. Les citoyens ont le droit d'être informés ce qui a été fait (ou non) pour apprécier la qualité de leurs rivières, mais surtout d'en être informés de manière accessible, en publiant tout simplement l'ensemble des mesures exigées par la directive-cadre sur l'eau de l'Union européenne et par ses translations ou circulaires d'application en France.

La question que nous posons est donc simple : dispose-t-on oui ou non de l'intégralité des mesures d'état chimique et écologique des eaux de surface ?

Sans réponse à cette question, on devra logiquement conclure que l'Onema et l'Agence de l'eau ne sont pas capables de donner un état chimique et écologique de nos rivières conforme à l'ensemble de nos obligations européennes, et surtout conforme à la réalité de nos cours d'eau. Subsidiairement, que le préfet de bassin ne sera pas capable de justifier devant le juge administratif un classement de masse d'eau en liste 1 ou liste 2 fondé sur les mesures règlementaires à cette fin.
… et les diversions
La réponse à ces questions ne saurait évidemment être celle qu'un responsable de l'Agence de l'eau Seine-Amont nous a faite, à savoir d'aller voir sans plus de précision sur le portail labyrinthique et kafkaïen Eau France. Portail qui vous informe par exemple que la base de données requise est «indisponible» (voir capture d'écran ci-contre)...

La base de données serait-elle disponible quelque part dans le labyrinthe des fichiers empilés, le problème est ailleurs : il ne devrait y avoir aucune difficulté à donner à chaque citoyen qui en fait la demande le fichier des diverses mesures chimiques et écologiques du cours d'eau dont il est riverain. C'est une question (constitutionnelle) de bon accès à la documentation et à l'information environnementales. L'Onema le reconnaît d'ailleurs comme une de ses missions :

«Le système d’information sur l’eau (SIE) est conçu pour répondre aux besoins des parties prenantes (y compris le grand public) en matière d’information environnementale publique dans le domaine de l’eau. L’enjeu : disposer d’un outil national, homogène et à fonctionnement partenarial, au service d’une gestion de l’eau pilotée par la connaissance et permettant d’évaluer les politiques, au niveau européen mais également à l’échelle des bassins.»

Pour la Commission européenne, un « problème majeur »
La Commission européenne s'est à nouveau inquiétée en novembre dernier de certains aspects de la politique de l'eau en France pour le suivi de la directive-cadre (voir notre premier article). Voici quelques extraits complémentaires faisant naître le doute sur la capacité de notre pays à juger réellement les causes de dégradation de ses masses d'eau, et notamment de ses rivières :

«Il y a des manques dans la réseau de surveillance des eaux de surface. Tous les éléments de qualité environnementale ne sont pas surveillés dans les programmes de mesure (…) Le statut chimique des eaux de surface a été considéré comme correct pour un peu plus de 53% des masses d'eau, tandis que 23% ne parvenaient pas à ce statut. Le pourcentage élevé (34,1%) de masses d'eau en état chimique inconnu doit être souligné. C'est un problème majeur, car cela entrave le reste du processus de programmation, c'est-à-dire l'établissement des objectifs et la mise au point des mesures appropriées pour améliorer l'état (…) L'analyse des éléments qualitatifs fondant les caractéristiques physico-chimiques et hydromorphologiques n'a généralement été développée que partiellement à ce jour (…) Pour les éléments hydromorphologiques, la continuité de la rivière et les conditions morphologiques n'ont généralement pas été analysés. Dans les premiers programmes par bassin, des standards n'ont pas encore été établis pour les données hydromorphologiques, et l'évaluation a été fondée sur l'information disponible sur les pressions hydromorphologiques».

es jolies plaquettes (inutiles) aux vraies données (indispensables)
Nous partageons l'inquiétude de la Commission européenne. Nous avons eu droit depuis quelques années à des développements très bavards sur la continuité écologique et particulièrement sur les obstacles à l'écoulement qui, comme on l'observe à l'analyse de ce que demande réellement la DCE, ne représentent qu'une dimension annexe de l'état chimique et écologique de nos rivières.

Inversement, les mesures indicielles claires correspondant à un état objectif de la qualité de l'eau sont fort difficiles à trouver, et peu commentées si elles existent. Il est grand temps que l'on cesse de dépenser de l'argent public dans des belles plaquettes quadrichromiques sans contenu réel (ou dans des pinaillages de droit d'eau sans fondement), et que l'on informe correctement les citoyens sur les vraies mesures scientifiques de pollution et dégradation de nos rivières.

Notre action est territoriale, et volontairement limité aux cours d'eau dont nous sommes riverains. Mais nous encourageons bien sûr toutes les associations de défense de la qualité de l'eau ou du patrimoine hydraulique à poser les mêmes questions aux établissements publics en charge de fournir les réponses.

Références citées


Annexe
Liste des cours d'eau Côte d'Or du bassin Seine Amont dont le préfet de bassin devra justifier le classement en liste 1 ou liste 2 au regard des paramètres mesurés de l'état écologique (arrêté du 25 janvier 2010) et d'une appréciation du gain écologique (circulaire de cadrage DCE 2008/10)
Code Hydro et cours d'eau ; F00-0400 Le Revinson ; F0002000 Ruisseau du Feu ; F0003000     Ruisseau de Jugny ; F0003500 Ruisseau du Movillot ; F0011000 Ruisseau des Trois Fontaines ; F0020600 La Coquille ; F0022000 Le Prelard ; F0028000 Ruisseau de Banlot ; F0050600 Le Brevon ; F0058000 Ruisseau du Noin ; F0110600 Rivière de Courcelles ; F0111000 Ruisseau du Creux Manchard ; F0240600 Ruisseau du Val Dupuis ; F0400800 Fossé 01 de la Tanière ; F0402250     Fontaine au Devin ; F0404000 Ruisseau de Chaugey ; F0404600 Ruisseau des Pres Mous ; F0405000     L'Arce ; F0405500  Ruisseau de Bure ; F0406000 La Groeme ; F0408000 Ruisseau de Valverset ; F0410600 La Digeanne ; F0413000 Ruisseau de Villarnon ; F0413500 Ruisseau du Fays ; F0415000 Ruisseau de la Cave ; F0421000 Ruisseau du Canal ; F0436000     Ruisseau de Beaumont ; F1020600     L'Aubette (bras) ; F1025000 Ruisseau de Combe-Jean ; F1040600  Le Coupe-Charme ; F1042000     Ruisseau de Fontenil ; F3--0210 L'Armançon ; F3132000 Ruisseau de la Vente ; F3133000     Ruisseau des Pontas ; F3134000 Ruisseau de Chaillou ; F3140600 La Romanee ; F3145000 Le Tournesac ; F3147000 Le Vernidard ; F32-0400 Le Serein ; F3232000  La Baigne ; F3232200     Ruisseau de Saulieu ; F3232250 Ruisseau de Balathier ; F3232300 Ruisseau des Comes ; F3232400     Le Brazon ; F33-0400 La Brenne ; F3301000 Ruisseau de la Motte ; F3317000 Ruisseau de la Belle Fontaine ; F3321000 Ruisseau de Roussot ; F3321500 Ruisseau de l'Envers ; F3322000 Ruisseau du Moulin ; F3322500 Ruisseau de la Come ; F3323000 Ruisseau de Vernet ; F3323500  La Golotte ; F3324000 Ruisseau du Val d'Ete ; F3324500     Ruisseau de Roche d'Hy ; F3325000 Ruisseau de Batarde ; F3325500  Ruisseau du Pontot ; F3325501 Bras la Brenne ; F3326000 Ruisseau de Miard ; F3326400 Ruisseau du Grand Pre ; F3326500 Ruisseau de Volnay ; F3327500 Ruisseau de Quionquere ; F3328000 Ruisseau de Chemerey ; F3328500 Ruisseau de la Lochere ; F3330600 L'Ozerain ; F3331000 Les Combes ; F3332000 Ruisseau de Fontette ; F3333000 Ruisseau de Barain ; F3334000  Ruisseau de Saint-Cassien ; F3334500 Ruisseau de Chevrey ; F3335000 Ruisseau Guenin ; F3336000 Ruisseau de Jagey ; F3337000 Ruisseau de Grissey ; F3338000 Ruisseau du Val Sambon ; F3350600 L'Oze ; F3351000 Ruisseau des Fosses ; F3352000 Ruisseau de Vau-Mercy ; F3352700 Ruisseau de Trouhaut ; F3353000 Ruisseau de la Combe de Pâques ; F3354000 La Drenne ; F3354300 Le Drevin ; F3354380 Ruisseau de la Barre ; F3354700 Ruisseau de Come ; F3356000 Ruisseau de Presilly ; F3357000 Ruisseau du Canal ; F3358000 Le Vau ; F3359000 Le Rabutin