30/08/2022
Aidez-nous à convaincre le parlement européen de protéger les ouvrages hydrauliques
28/08/2022
Les plans d'eau d'origine humaine appréciés par les libellules et demoiselles (Kolar et al 2021)
Une recherche menée en république tchèque sur des étangs piscicoles et plans d'eau de carrière montre que ceux-ci abritent près de la moitié de la diversité totale des odonates locales, y compris des espèces en liste rouge nationale. Les chercheurs rappellent que l'origine artificielle d'un milieu aquatique ne l'empêche pas de former un habitat et de contribuer à la gestion de la biodiversité. Ils appellent à préserver la mosaïque locale de ces plans d'eau, voire à l'enrichir de nouveaux sites. On attend toujours que le gestionnaire public de l'eau en France intègre les nombreux travaux de recherche qui attestent des services rendus par les plans d'eau, retenues et autres milieux aquatiques d'origine humaine.
23/08/2022
Saisine des ministres de l'écologie et de l'énergie sur la politique française des ouvrages hydrauliques
La coordination Eaux & Rivières humaines (CNERH) saisit les ministres de la transition écologique et de la transition énergétique sur la question des ouvrages hydrauliques. Alors que le pays affronte une crise de l'eau et de l'énergie, diverses administrations placées sous la tutelle de Mme Pannier-Runacher et de M. Béchu continuent d'encourager la destruction des seuils et barrages, l'assèchement des plans d'eaux et canaux, mais aussi de décourager les porteurs de projets hydro-électriques par des demandes dénuées de tout réalisme. Cette grave dérive de nombreux services "eau et biodiversité" de l'Etat et d'établissements publics est d'autant moins tolérable qu'elle est contraire aux lois et jurisprudences, créant dans ce domaine des ouvrages hydrauliques une dégradation de la confiance citoyenne dans la parole publique.
- La loi sur l’eau de 2006 sur la continuité écologique demande des ouvrages gérés, équipés, entretenus (et non détruits) ainsi qu’une indemnisation des travaux lorsqu’ils deviennent une charge exorbitante pour un particulier, un petite exploitant ou une petite collectivité,
- La loi montagne de 2016 a précisé que la continuité écologique ne doit pas faire obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique comme part de l’identité culturelle et paysagère des territoires,
- La loi énergie et climat de 2019 a posé que le petite hydro-électricité devait être mobilisée face à l’urgence climatique et écologique,
- La loi climat et résilience de 2021 a interdit la destruction de l’usage actuel et potentiel des ouvrages dans la mise en œuvre de la continuité écologique.
- Le conseil d’Etat a annulé en 2021 la définition ministérielle de l’obstacle à l‘écoulement (décret de 2019), confirmant sa jurisprudence antérieure selon laquelle un ouvrage peut être compatible avec la continuité écologique et n’a pas à être détruit ou interdit au nom de ce motif,
- Le conseil constitutionnel a souligné en 2022 lors d’une QPC que le patrimoine hydraulique et l’hydro-électricité sont d’intérêt général ainsi que conformes à la charte de l’environnement.
- L’arrêt immédiat des destructions des ouvrages, l’interdiction des chantiers remettant en cause le stockage local d’eau douce en surface, aquifère, nappe.
- La nécessité pour les agences de l’eau, syndicats et régions de financer (au même taux que les destructions jadis) des aménagements au titre de la continuité écologique : vannes, rampes rustiques, passes à poissons, rivières de contournement.
- Le co-financement public-privé de plans d’eau et zones humides alimentés par l’eau gravitaire excédentaire au lieu de bassines énergivores alimentées par pompage de nappes phréatiques,
- L’incitation forte à équiper toutes les chutes exploitables en production électrique bas-carbone.
- La simplification et accélération des procédures d’instruction des dossiers « aménagements » au lieu de dissuader les porteurs de projets, comme cela se fait depuis quinze ans.
- La reconnaissance par les services administratifs des écosystèmes anthropiques d’ouvrages hydrauliques comme solutions fondées sur l’usage équilibré et durable de la nature.
- L’intégration permanente de la petite hydraulique au comité national de l’eau, aux comités de bassin et aux commissions locales de l’eau.
07/08/2022
Les sciences sociales et humanités de l'eau ont été massivement marginalisées (Wei et Wu 2022)
Analysant un siècle d'études scientifiques sur l'eau dans son bassin versant, des chercheurs montrent que ces travaux sont archi-dominés par l'approche biophysique, peu interdisciplinaires, ignorant en particulier les sciences sociales et humanités de l'eau. Ils concluent que ce déséquilibre de la représentation scientifique nourrit une mauvaise information des politiques publiques. L'eau n'est pas uniquement un fait physique, chimique, biologique, elle est aussi un fait social et culturel, une manière de voir et de vivre des riverains. Pour l'avoir ignoré, certains choix publics sont confrontés à des oppositions et des échecs.
Une rivière, une chaussée d'un moulin devenu usine hydro-électrique, une passerelle, des baigneurs connaissant le coin, un paysage de bord de l'eau... la réalité des bassins versants va toujours très au-delà que ce qu'en disent les seules sciences de la nature.
30/07/2022
L’exemption de continuité écologique pour les moulins producteurs contestée par le conseil d’Etat
Nouveau rebondissement de jurisprudence dans la continuité écologique : le conseil d’Etat vient de décider que l’administration ne doit pas appliquer l’exemption de continuité écologique pour les moulins producteurs d’électricité, prévue à l’article L 214-18-1 code de l’environnement, car elle serait contraire à la directive cadre européenne 2000 et au règlement anguille 2007. Pourtant le ministère soutenait la position contraire devant le conseil constitutionnel voici quelques mois... Le droit devient incohérent et illisible. Il est temps pour le mouvement des ouvrages hydrauliques de demander aux parlementaires la remise à plat complète de la continuité écologique, source de confusion et de contentieux depuis trop longtemps. Il est déjà acquis que la casse des ouvrages hydrauliques est contraire à l'intérêt général, en particulier à la protection de la ressource en eau et à la promotion de la transition énergétique, deux urgences actées par tous. Il faut désormais poser que les chantiers de continuité ne doivent être exigés que dans les cas réellement utiles à des espèces menacées d'extinction, et financés par la collectivité au titre de la gestion publique de la rivière, comme les autres aménagements d'intérêt général.
- Il est reconnu que le patrimoine hydraulique et l’énergie hydro-électrique sont d’intérêt général, qu’ils font partie de la gestion équilibrée et durable de l’eau, à ce titre la destruction des ouvrages ne peut être la politique menée par les gestionnaires publics de l’eau – c’est même formellement interdit en rivière classée continuité écologique depuis la réforme de la loi climat et résilience de 2021. La crise énergétique et la crise climatique ne vont certainement pas permettre de revenir à un choix décrié, ruineux et dangereux de destructions des ouvrages de retenues d’eau et d’énergie bas-carbone.
- Il reste donc des dispositifs de franchissement de poissons migrateurs, sauf que ceux-ci représentent une charge spéciale et exorbitante, inaccessible au budget des particuliers, des petits exploitants et des petites communes, mais les agences de l’eau, les régions et les syndicats de rivière refusent d‘appliquer le financement à 100% alors qu’ils l’appliquaient (outrageusement) sur les destructions désormais interdites.
- Renforcer la protection des ouvrages en posant dans la loi de manière forte et explicite qu’ils sont indispensables aux objectifs de protection de la ressource en eau, adaptation au changement climatique, sécurité civile incendie, transition énergétique, relocalisation économique, préservation du patrimoine historique et paysager, donc que la rivière avec ouvrage relève de l’intérêt général et qu’elle restera l’horizon des bassins versants.
- Recentrer la continuité écologique en long sur lit mineur (distincte et différente de la continuité latérale sur lit majeur) en la redéfinissant comme option de protection des grand migrateurs menacés d'extinction sur le bassin concerné, et non pas en laissant entendre qu'elle vise une "renaturation" des bassins ou de manière indistincte un aménagement de tous les ouvrages même quand il n'existe pas d'enjeu d'espèce menacée. Cela implique de cibler nettement mieux le choix des rivières et tronçons classés.
- Rappeler la nécessité du financement public des charges d’intérêt général relevant de la continuité écologique, assimilables à d'autres aménagements de la rivière (une passe à poissons n'apporte évidemment rien à un propriétaire, sinon une servitude d'entretien et une hausse de la fiscalité du bâti) ; en conséquence, et du fait du coût de cette politique qui est objectivement très secondaire par rapport aux enjeux du pays sur l’eau et l’énergie, exiger aussi de l’administration une révision réaliste du classement de continuité écologique.
27/07/2022
Les barrages de castors bénéfiques pour la quantité et la qualité d'eau en tête de bassin versant (Dittbrenner et al 2022)
Les castors et les humains sont les deux seules espèces capables de construire des retenues et diversions d'eau sur le lit mineur des rivières. Une nouvelle étude nord-américaine confirme, après de nombreuses autres, que la formation des retenues par barrages de castor tend à augmenter le stockage local de l'eau dans les sols et nappes, ainsi dans le cas étudié qu'à baisser la température de l'eau. Les chercheurs jugent ce bilan très bénéfique, notamment en situation de changement climatique qui réduit le débit des petites rivières de tête de bassin. Ces travaux contredisent évidemment le dogme du libre écoulement des eaux selon lequel tout obstacle en rivière est un drame écologique, et toute retenue une somme d'effets uniquement négatifs. L'état normal d'une rivière est plutôt d'être parsemée de tels obstacles, qu'ils proviennent de castors, d'humains, d'embâcles, d'éboulis ou autres causes ni plus ni moins naturelles les unes que les autres.
25/07/2022
Probable augmentation des rivières à sec en France au cours du siècle (Sauquet et al 2021)
Des chercheurs français ont simulé l’évolution du débit des rivières de tête de bassin en situation de changement climatique d’ici 2100. Il en résulte que la probabilité d’assèchement et de rivière devenant intermittente en été risque de quasiment doubler (x1.75) dans le scénario d’émission carbone le plus pessimiste. Même le scénario le plus optimiste voit une augmentation des assecs, ce qui aura des conséquences pour la biodiversité actuelle et pour les usages humains. La gestion de l’eau doit prévoir ces situations de crise : ne pas simplement regarder les conditions passées de la rivière, mais anticiper ses conditions futures.
« À mesure que le climat change, les cours d'eau d'amont pérennes pourraient devenir intermittents et les rivières intermittentes pourraient s'assécher plus souvent en raison de sécheresses plus graves.Un schéma de modélisation soutenu par des observations sur le terrain a été appliqué pour évaluer la probabilité d'assèchement dans les eaux d'amont à l'échelle régionale (Pd) sous condition de changement climatique. Les relations empiriques entre la gravité des faibles débits et les proportions observées d'états sans débit ont été calibrées pour 22 hydro-écorégions dans les conditions actuelles. Ces relations ont été appliquées à l'aide de données de débit journalier sur un large ensemble de stations de jaugeage simulées par le modèle hydrologique Modèle du Génie Rural à 6 paramètres Journalier (GR6J) sous les scénarios d'émission RCP2.6 et RCP8.5.Les résultats suggèrent un modèle spatial plus contrasté à l'avenir que dans les conditions actuelles. Les changements notables incluent l'augmentation de l'étendue et de la durée de l'assèchement, en particulier dans les régions où les probabilités d'assèchement sont historiquement élevées et les changements de saisonnalité dans les régions alpines. Les écosystèmes aquatiques connaîtront des conditions hydrologiques sans précédent, qui pourraient entraîner des pertes de fonctions écosystémiques. »
15/07/2022
La recherche confirme le fort potentiel de la petite hydro-électricité en Europe (Quaranta et al 2022)
Le potentiel de développement de la petite hydro-électricité au fil de l’eau en Europe correspond à une production de 79 à 1710 TWh par an, montre une équipe de chercheurs. La valeur haute est considérable, trois fois la production électrique de la France. Cette énorme fourchette tient presque entièrement aux règlementations administratives : si celles-ci cessent de réprimer l’hydro-électricité, les rivières peuvent délivrer tout leur potentiel pour contribuer à atteindre l’objectif de zéro carbone net en 2050. Chacun doit exposer aux décideurs publics l’urgence de mettre les administrations au service de la transition énergétique, ce qui n’est pas le cas sur toutes les rivières françaises, loin s'en faut. Les agences de l’eau et les syndicats de bassin se désintéressent le plus souvent de l’énergie des rivières, alors que c’est un des enjeux de l'eau depuis deux millénaires et que des dizaines de milliers de sites équipables existent. Pire, ils combattent dans certains cas des projets énergétiques et détruisent même le potentiel de production, alors que la loi a spécifié en 2019 que la petite hydro-électricité devait être désormais mobilisée pour l’urgence climatique. Informez urgemment vos parlementaires de ces données en vue de la prochaine loi énergie qui sera discutée à l'assemblée, et exigez que l’administration de l’eau change immédiatement sa politique néfaste.
01/07/2022
Analyser le seuil en rivière comme créateur d'un écotone de retenue (Donati et al 2022)
Quatre universitaires français proposent, à partir de leur propres travaux d'observation et d'une revue bibliographique de la littérature scientifique, un changement de théorie sur l'approche des seuils en rivière : loin de pouvoir être réduits à des "anomalies" sans valeur propre, ces ouvrages hydrauliques et leur retenue sont des écotones, c'est-à-dire des milieux à gradients environnementaux faisant émerger des propriétés physiques, chimiques et biologiques dignes d'intérêt. Les chercheurs soulignent que très peu d'études sont réellement faites de ces milieux de retenue avec ouvrages, alors que de nombreux indicateurs suggèrent qu'ils sont intégrés de longue date dans le paysage fluviatile et qu'ils peuvent servir à gérer de manière intéressante l'eau des bassins versants. Une étude à faire lire de toute urgence aux instances publiques en charge de l'eau qui n'ont pas été capables depuis 10 ans de financer un programme sérieux de recherche sur les centaines de milliers de retenues, plans d'eau, étangs que compte le réseau hydrographique français.
"Très répandues au sein des cours d’eau contemporains, la nature des retenues de seuil est encore mal comprise et les sciences de l’eau peinent à les placer au sein des autres milieux aquatiques continentaux. Certains les voient comme des tronçons de cours d’eau dégradés, qui ont perdu totalement ou partiellement les traits typiques des milieux lotiques ; d’autres les perçoivent comme de véritables écosystèmes, qui possèdent des fonctionnalités propres et qui jouent un rôle au sein des dynamiques environnementales. Dans une recherche que nous avons récemment publiée, nous assimilons le fonctionnement des retenues de seuil à celui des écotones et, dans cet article, nous souhaitons mieux développer notre théorie. En effet, ces deux types d’environnements sont gouvernés par des gradients environnementaux et présentent les mêmes fonctionnalités, c’est-à-dire la capacité à filtrer la matière, à stocker et redistribuer les substances et à constituer un véritable habitat pour différents types d’organismes. Cette nouvelle vision des retenues de seuil peut même s’étendre à d’autres milieux aquatiques construits par l’homme, à titre d’exemple les étangs. Elle ouvre d’intéressantes perspectives de recherche et offre une nouvelle approche de gestion, qui ne considère plus ce type d’environnement comme un simple obstacle au sein des fleuves et rivières, mais comme des milieux intégrés dans les paysages fluviatiles d’aujourd’hui et avec leurs propres fonctionnalités."
- la nécessité d'intégrer la réalité de la modification historique déjà très ancienne des rivières et des bassins versants, ayant notamment créé des états écologiques alternatifs stables autour des complexes moulins-étangs installés depuis quelques siècles,
- le manque de sens à promouvoir en politique publique un "état de référence" morphologique de la rivière ou un "état de nature" qu'il s'agirait de "restaurer", vu la dimension évolutive des complexes milieux-usages et le contexte anthropocène d'une accélération des changements liés aux activités de l'espèce humaine,
- l'existence de fonctionnalités propres et de services écosystémiques attachés aux ouvrages, pas seulement dans leurs visées anciennes (par exemple produire de l'énergie, permetre une pisciculture), mais aussi dans des foncions émergentes d'intérêt socio-écologiques (par exemple épurer des intrants, créer des refuges d'étiage, diversifier les peuplements d'un tronçon, élargir le spectre d'adaptation au réchauffement climatique).