Après le Canard enchaîné, le journal le Moniteur revient sur le décret du 30 juin 2020 qui doit permettre aux casseurs de moulins, barrages, canaux et étangs d'agir sur simple déclaration sans enquête publique pour consulter les citoyens, sans étude d'impact pour analyser les milieux et enjeux. On constate que les services de l'Etat sont encore dans le déni de réalité: le rejet par les riverains de l'absurdité de détruire le patrimoine de leur rivière et de mettre à sec les écosystèmes crées par les ouvrages humains. L'urgence écologique, c'est tout sauf cela en 2020.
Derrière le blabla bureaucratique de la continuité apaisée, la pelleteuse qui continue de détruire un à un les ouvrages hydrauliques, leurs usages, leurs paysages, leurs milieux associés. On attend du ministère un ordre clair à ses services : la destruction est la solution de dernier recours, les ouvrages ont de la valeur.
Dans un article du Moniteur, on relève la colère du monde des moulins après le décret scélérat du 30 juin 2020 qui fait entrer les opérations dites de restauration écologique dans le régime de la simple déclaration, cela quel que soit le linéaire impacté. Le problème est que tout et surtout n'importe quoi est devenu de la "restauration écologique" en France. Par exemple, on pourra supprimer une retenue de 10 hectares ou un ouvrage avec canal de 2000 m sans passer par une autorisation avec étude d'impact sur les milieux et enquête publique auprès des riverains de ces sites. Il suffira d'un accord en catimini entre maître d'ouvrage et services de l'Etat, avec dossier bâclé et parfaite indifférence aux milieux perturbés.
Et pour cause, l'ouvrage hydraulique est le diable dans le dogme véhiculé depuis 10 ans par une fraction militante des services de l'Etat et par quelques lobbies intégristes du "retour à la nature sauvage sans l'homme" ou de la pêche de loisir aux salmonidés comme soi-disant protection de milieux aquatiques. Rien à voir avec les analyses bien plus nuancées des scientifiques, qui ne trouvent pas que des désavantages aux ouvrages et qui tirent la sonnette d'alarme sur l'impossibilité d'une écologie sans intégrer les attentes des riverains.
On peut encore lire dans cet article du Moniteur des choses assez fausses de la part de l'Etat et de certains acteurs du CNE. Ainsi :
Loin des situations décrites dans le Canard enchaîné, les services de l’Etat sont formels : «Aucun seuil ne peut être détruit sans l’accord du propriétaire».D'abord, le propriétaire n'est pas le seul concerné par un ouvrage hydraulique, et c'est bien le problème du décret scélérat. Une retenue, un bief, un plan d'eau, cela concerne aussi des tiers riverains et ce sont aussi des milieux aquatiques. Un dialogue restreint au propriétaire isolé et au fonctionnaire jacobin, ce n'est pas la bonne manière de procéder. Il faut écouter les gens en France, cesser de faire n'importe quoi au gré des modes des experts qui se contredisent: l'Etat ne voit-il pas la colère du pays et le rejet de ses politiques autoritaires décidées dans un bureau à Paris, pas seulement sur la continuité écologique?
Ensuite, l'administration dissimule toujours la réalité, ce qui n'est pas propice à l'apaisement. Aujourd'hui, les propriétaires reçoivent d'un côté une mise en demeure des services du préfet demandant de mettre leur ouvrage aux normes de la continuité écologique, avec souvent l'option la plus exigeante (passage de toutes espèces même non migratrices), et de l'autre côté ils reçoivent un message de l'agence de l'eau et du syndicat de rivière disant "désolé, la seule solution financée à 100% par l'argent public est l'effacement, pour la passe à poissons vous devrez payer cher de votre poche, 40 à 60% du coût".
Rappelons que cette position est intenable : la loi a prévu expressément le droit à indemnisation quand un particulier est confronté à des charges exorbitantes d'intérêt général. Donc la seule chose à faire pour le propriétaire, c'est de répéter au préfet par courrier recommandé qu'il attend le financement des solutions non destructrices de son ouvrage autorisé. Quand il y a des associations actives comme Hydrauxois et ses consoeurs sur leurs basins bourguignons, les propriétaires sont informés, les préfets reçoivent régulièrement des courriers recommandés de notre part rappelant que nous irons au contentieux si un seul propriétaire adhérent est laissé sans solution solvable de non-destruction de son site. Mais ailleurs, quand il n'y a pas d'association ou de collectif, quand le propriétaire est isolé et en situation de faiblesse, la pression marche, l'arasement ou dérasement passe en force.
"Claude Miqueu se montre d’autant plus déterminé que selon lui, « 95 % des dossiers ne posent aucun problème ». Avant la fin de son mandat, il espère ériger le bassin Adour Garonne comme référence française en matière de continuité écologique apaisée."Nous pensions que M. Miqueu était plus sérieux. Les dossiers d'aménagement de ponts, de buses, ou d'ouvrages béton de soutien de berge des années 1970 ne sont pas problématiques en général. En revanche, dès que cela concerne des barrages, des moulins, des étangs, des plans d'eau, des canaux d'irrigation, les problèmes sont permanents.
Si M. Miqueu vient sur nos bassins versants, il constatera que 60 à 80% des ouvrages en rivières classées liste 2 sont aujourd'hui en situation de blocage, car les propriétaires ont refusé la seule offre payée sur argent public, à savoir la casse du site (sans indemnisation de la perte de valeur foncière dans le cas du moulin, qui devient simple maison en zone inondable, incapable de produire son énergie).
Au demeurant, le retard massif a été constaté par le rapport CGEDD 2016 : si les gens étaient enthousiastes des solutions proposées, la continuité écologique n'aurait pas accumulé les énormes blocages observés, cela dès le PARCE 2009 où le travail sur les "ouvrages pilotes" avait déjà été un échec en terme d'acceptabiltié et d'efficacité.
La continuité ne sera pas apaisée avec ces manipulations à destination des médias qui ne reflètent en rien la réalité de terrain. Des fédération de moulins et de riverains peuvent être invitées au comité national de l'eau, si le CNE ne retient rien de leurs demandes et que le ministère de l'écologie persiste sur sa lancée, il ne faut rien espérer.
La continuité apaisée a trois conditions minimales :
- le ministère de l'écologie instruit ses agents que les ouvrages autorisés (moulins, étangs, plans d'eau et autres) doivent être respectés et non détruits, car ils sont conformes à la doctrine française de gestion équilibrée et durable de l'eau;
- les agences de l'eau cessent de donner la prime à la casse par le soutien maximal à la destruction et le soutien minimal à la passe à poissons ou autres moyens de franchissement, elles accordent au contraire le taux maximal aux solutions douces, multi-usages et consensuelles de franchissement;
- les ouvrages hydrauliques sont considérés comme des atouts pour les territoires avec une doctrine de gestion équilibrée de l'eau consistant à encourager leur équipement énergétique, favoriser leur stockage d'eau, améliorer leur richesse écologique, soutenir leur animation culturelle et touristique.
L'apaisement, c'est le respect : une large proportion des représentants de l'Etat, des établissements administratifs et des syndicats de rivière ne respectent toujours pas les ouvrages hydrauliques en 2020. On récolte ce que l'on sème : ce sera de la colère si ce personnel vient encore proposer des financements à 100% pour les seules destructions de site.
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