La Fédération française des associations de sauvegarde de moulins (FFAM) a envoyé un courrier cinglant au Comité national de l'eau, constatant qu'après 18 mois de négociation, aucun des points contentieux entre l'administration du ministère de l'écologie et les moulins n'a réellement avancé. Nous saluons cette démarche lucide. Si le ministère refuse de poser clairement le respect des moulins, étangs, plans d'eau et autres éléments du patrimoine des bassins comme la base de toute politique de continuité, les défenseurs de ce patrimoine n'ont rien à attendre d'une pseudo-concertation en forme de répétition des mêmes dogmes et de poursuite des mêmes erreurs.
Depuis 18 mois, le Comité national de l'eau (CNE) s'est réuni à la demande de Nicolas Hulot, dans le but de donner suite aux nombreuses critiques et dérives de la continuité écologique :
- constat dans l'audit administratif du CGEDD d'une politique controversée et conflictuelle,
- innombrables adresses et courriers de parlementaires ayant demandé aux ministres successifs de l'écologie de stopper la casse des moulins et de respecter l'esprit comme la lettre de la loi de 2006,
- évolutions successives de la loi sur l'eau ayant demandé en 2015 puis en 2017 de protéger le patrimoine historique, de promouvoir l'énergie hydro-électrique, de préserver les réserves d'eau à l'étiage, etc.
Dans ce contexte, tout le monde attendait des gestes forts du ministère de l'écologie.
Nous avions rappelé dans un courrier au CNE en date du 10 avril 2018 les 2 conditions assez simples d'une continuité écologique apaisée:
- la reconnaissance claire par l'Etat du droit d'exister de tout ouvrage hydraulique autorisé et le rappel explicite à tous les services administratifs que le but de la continuité n'est pas de casser ces ouvrages, seulement de les aménager là où c'est nécessaire,
- le financement public des dispositifs de continuité dont on sait depuis 150 ans (première loi échelle à poissons de 1865) qu'ils sont trop coûteux pour des petits exploitants ou des particuliers, donc qu'ils condamnent le maître d'ouvrage à la ruine économique s'ils sont imposés.
Ces deux points élémentaires n'ont pas été retenus.
On propose de multiplier les complexités dans une réglementation qui en comporte déjà trop.
On contourne l'essentiel dans un luxe de détails peu utiles si la base d'un accord solide est absente.
On cherche à définir des ouvrages prioritaires pour concentrer sur eux seuls l'effort public, mais sans exempter les autres d'obligation de travaux, en laissant les maîtres d'ouvrage à eux-mêmes.
On continue surtout dans la duplicité et le double langage : pendant que les discussions du CNE se tiennent, les services de l'Etat siégeant aux agences de l'eau programment la prime à la casse des ouvrages hydrauliques pour la période 2019-2024. Ce que les associations de Loire-Bretagne et Seine-Normandie vont contester en justice, ouvrant un nouveau cycle contentieux.
Il y a des gens sincères dans le processus de discussion du CNE.
Mais ce n'est manifestement pas le cas de certains services de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie :
- qui ont égaré les parlementaires inquiets ou indignés, souhaitant clairement protéger les moulins, dans des réponses dilatoires,
- qui ont cautionné et propagé un savoir partiel et partial pour justifier sans preuves solides ni objectifs de réel intérêt général une politique publique défaillante par son périmètre, ses méthodes et ses attendus,
- qui n'ont jamais désavoué les responsables de la dérive observée depuis 10 ans, en vertu du principe non écrit mais bien connu selon lequel l'administration publique d'Etat n'a jamais tort en France,
- qui ont appelé ouvertement leurs services déconcentrés à harceler les moulins, à un point tel que même certains de ces services doutent parfois de la lucidité de cette politique,
- qui ont tapé du plus fort que le peut une énorme administration d'Etat sur ces modestes ouvrages hydrauliques tout en épargnant les pollueurs et en échouant à respecter la directive européenne sur l'eau, comme nos engagements européens sur les énergies renouvelables,
- qui ne sont toujours pas capables en 2019 de dire simplement "oui nous respectons les moulins, les étangs, les plans d'eau, leurs propriétaires et leurs riverains quand ils sont attachés aux sites, oui nous allons aider à chercher des solutions acceptables et finançables pour tous".
Elle devrait plutôt admettre ses erreurs et sortir une fois pour toutes d'un mode de gouvernance autoritaire en faillite : venir chez les citoyens avec l'intention manifeste de les menacer en vue de détruire leur bien était, est et sera toujours une violence insupportable dans une démocratie.
Si elle devait persister, la politique de destruction du patrimoine de rivières par le ministère de l'écologie et par les fonctionnaires travaillant sous ses ordres ne ferait qu'ajouter du désespoir, de la colère et du conflit dans un pays où les tensions sont déjà partout extrêmes.
Nous saluons donc la mise au point nécessaire de la FFAM. Et nous appelons les services centraux de l'Etat à apporter les révisions qu'appelle la politique des ouvrages hydrauliques, afin de retrouver la confiance et le dialogue indispensables à cette politique.
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