Le tribunal administratif de Paris vient d'annuler le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie, car l'autorité environnementale l'ayant validé n'était pas indépendante de l'Etat. Le juge a posé que le préfet de bassin ne peut sursoir dans le temps à cette annulation, donc que son effet est immédiat. Tant que nous serons en situation de vide juridique, nous appelons les riverains à demander l'annulation de tout chantier contesté de destruction d'ouvrage hydraulique qui serait procéduralement financé en vertu de ce SDAGE, désormais non opposable. C'est par exemple le cas sur plusieurs chantiers scandaleux de casse d'ouvrages engagée par l'agence de l'eau Seine-Normandie : barrages et lacs de la Sélune, centrale hydro-électrique de Pont-Audemer, nombreux moulins, forges, étangs et autres éléments du patrimoine des rivières. L'agence de l'eau Seine-Normandie soutient la destruction d'ouvrages dans 75% de ses travaux, alors que ni la loi française ni les directives européennes ne prévoient cette issue dans le cadre de la continuité écologique.
Par jugement du 26 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands pour la période 2016-2021.
Ce SDAGE est le document de programmation publique qui fixe les orientations de gestion de l'eau dans les grands bassins hydrographiques. Il conditionne notamment les aides publiques qui seront versées par l'agence de l'eau, selon le principe "l'eau paie l'eau" (les taxes sur l'eau sont collectées par l'agence et reversées dans la gestion publique).
Le recours contre le SDAGE a été porté par des chambres d’agriculture et fédérations du syndicat FNSEA. Il contestait 44 des 191 dispositions arrêtées par ce document de programmation, se plaignant notamment d'un excès de contraintes sur l'agriculture et d'une surtransposition du droit européen.
Ce n'est cependant pas sur des moyens de fond, mais sur un vice de procédure que les juges ont annulé le SDAGE. Le préfet ne peut pas à la fois rendre un avis sur le document – en tant qu'autorité environnementale - et l'approuver en tant que préfet coordonnateur de bassin. Le tribunal s'appuie pour cela sur une Directive européenne de juin 2001 sur les plans et programmes, sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (20 octobre 2011, affaire C-474/10) et une décision (n° 360212) du Conseil d'Etat du 26 juin 2015.
"Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a rendu le 12 décembre 2014 un avis sur le projet de schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands, en qualité d’autorité environnementale. Par la suite, la même autorité, agissant en qualité de préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie, a, par l’arrêté attaqué du 1er décembre 2015, approuvé le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine et des cours d’eau côtiers normands qui avait fait l’objet d’une telle évaluation environnementale, sur le fondement des dispositions du 4° du I de l’article R. 122-17 du code de l’environnement, issues de l’article 1er du décret du 2 mai 2012. Or, ces dispositions ont été annulées par le Conseil d’Etat au motif qu’elles confiaient au préfet de région à la fois la compétence pour élaborer et approuver le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux et la compétence consultative en matière environnementale, en méconnaissance des exigences découlant du paragraphe 3 de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001. En conséquence, l’arrêté attaqué, pris à l’issue d’une procédure entachée d’une irrégularité substantielle, est lui-même entaché d’illégalité."
Le jugement considère par ailleurs que l'Etat ne peut demander un report de l'effet de l'annulatin :
"le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, ne peut se prévaloir du vide juridique qui résulterait, selon lui, de l’annulation rétroactive du SDAGE 2016-2021 pour solliciter le report dans le temps des effets de son annulation"
Selon le journal Actu Environnement, deux pistes sont envisagées pour aboutir à un retour à une situation normale : "soit une accélération de l'élaboration du Sdage pour la période 2022-2027 ou une reprise de la procédure du Sdage incriminée avec un avis d'une autorité environnementale différentiée.L'issue devrait être connue le 7 février prochain. Les membres du comité de bassin ont prévu de débattre des modalités les plus appropriées."
Lutte contre la destruction d'ouvrages : demander l'annulation des projets financés en application du SDAGE annulé
Pour ce qui concerne la question des ouvrages hydrauliques, les associations, les propriétaires et les riverains peuvent faire jouer cette annulation du SDAGE Seine-Normandie 2016-2021 pour demander l'arrêt de tous les chantiers de destruction ayant reçu financement au titre de ce SDAGE et du programme d'intervention que ce SDAGE justifie.
Cela vaut pour les barrages de la Sélune, où l'AESN devait dépenser plus de 40 millions d'argent public pour détruire des ouvrages hydro-électriques en état de fonctionnement
Rappel : l'agence de l'eau Seine-Normandie (AESN) se montre particulièrement sectaire sur la question des ouvrages hydrauliques, accordant des subventions préférentielles à la destruction. Les trois-quarts des chantiers financés par l'AESN sont actuellement des projets de casse pure et simple comme l'a révélé le rapport CGEDD 2016, alors que les lois françaises e 2006 et 2009 de continuité écologique n'ont jamais enjoint à la destruction.
Ayant maintes fois demandé une politique plus équilibrée et moins dogmatique sans jamais obtenir d'écoute, notre association et plusieurs consoeurs sont actuellement engagées dans une procédure pour faire annuler le programme d'intervention 2019-2024. L'annulation du SDAGE 2016-2021 devrait ajouter un nouveau moyen à notre requête.
Nous appelons donc les défenseurs des ouvrages à faire jouer ce nouveau moyen juridique de l'annulation du SDAGE dès cette année 2019, en particulier pour les projets de casse d'ouvrages anciens (moulins, étangs) et de barrages en activité (Sélune, Pont-Audemer) qui sont programmés. Nous formaliserons un recours-type en ce sens.
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