Le Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne et la Fédération de Côte-d’Or pour la pêche et la protection du milieu aquatique sont devenus le mois dernier propriétaires et gestionnaires du lac de Marcenay, promu au titre de "site Conservatoire" de Bourgogne. Au programme: réparation de la digue, reprofilage du fond de l’étang et aménagement pédagogique de découverte. C'est un exemple de création de biodiversité par une retenue artificielle née d'un "obstacle à l'écoulement" au XIIIe siècle, et entretenue depuis. C'est aussi une contradiction manifeste pour l'idéologie de la "renaturation", qui considère les retenues et plans d'eau comme des catastrophes écologiques.
Voici ce qu'en dit Infos Dijon: "Aménagé par les moines de l’abbaye de Molesme au XIIIème siècle, le lac artificiel de Marcenay a fait l’objet, au fil du temps, de vocations piscicole (pisciculture) et hydraulique (fonctionnement d’un haut- fourneau). Aujourd’hui, outre ses attraits paysager et touristique, de nombreuses spécificités révèlent son caractère remarquable.
Sur les 115 hectares de site devenus co-propriété du Conservatoire et de la Fédération, 92 correspondent à l’étendue d’eau. Une superficie remarquable qui abrite très certainement la plus grande roselière de Bourgogne (30 hectares de roselière sur la superficie totale de l’étang). Cet habitat d’intérêt patrimonial à valeur écopaysagère, présente une particularité unique pour la France en plaine : un marais alcalin. Celui-ci abrite pas moins de 10 espèces floristiques patrimoniales, soit rares, soir protégées, tel que la gentiane pneumonanthe et l’Orchis incarnata.
Le lac de Marcenay est également un site privilégié de l’ornithologie en Bourgogne et demeure un site de grand intérêt pour l’observation des oiseaux notamment suivi par la LPO de Côte d’Or. De nombreuses espèces y séjournent toute l’année. Grèbes huppés et castagneux, grande aigrette, foulque macroule, râle d’eau, butor étoilé, mouettes rieuses, milan royal, balbuzard pêcheur, grue cendrée, vanneau huppé et pigeon ramier entre printemps et automne; cygne tuberculé, milans noirs, rossignol philomèle, pigeon colombin, faucon crécerelle et pics vert du printemps à l’été. [voir fiche LPO]
Enfin le Lac de Marcenay est un site reconnu de longue date pour son grand intérêt halieutique et piscicole. Pas moins de 7 espèces piscicoles peuplent les eaux du Lac. La faible profondeur du Lac de Marcenay et l’abondance de la végétation aquatique font de ce site un lieu particulièrement favorable au développement du Brochet. Il est ainsi un site hautement prisé pour la pêche des carnassiers dans le nord du département."
Selon l'idéologie de la renaturation, les retenues et plans d'eau sont des catastrophes pour l'environnement : elles réchauffent le température de l'eau, créent des zones lentiques, bloquent le transport sédimentaire, favorisent des espèces de poissons ubiquistes et banalisées au détriment des espèces natives, empêchent la circulation des migrateurs, provoquent des eutrophisations, nuisent à l'auto-épuration des masses d'eau, etc. De toute évidence, le cas de l'étang artificiel de Marcenay ne valide aucune de ces idées reçues (et parfois véhiculées par la même Fédé de pêche devenue propriétaire du site) : depuis huit siècles de perturbation de l'écoulement naturel des eaux, ce lac devrait être une mare chaude et eutrophe impropre à toute vie autre que dégradée, or ce n'est manifestement pas le cas.
C'est une réalité que l'on observe partout : les Dombes, la Sologne, la Camargue, le Marais poitevin, les étangs et lacs du Morvan, les canaux et béals de Provence sont autant de biotopes ou paysages à fort intérêt patrimonial et écologique, créés ou remaniés par l'homme. En fait, à l'exception de quelques zones de montagne non peuplées, tous les paysages ruraux de France sont le fruit d'une co-évolution plurimillénaire culture-nature ayant fait émerger une "biodiversité hybride" (Christian Lévêque). Le reconnaître et l'étudier serait une première étape pour sortir des approches extrémistes visant à démanteler le maximum de modifications humaines de l'écoulement (étangs, lacs, plans d'eau, biefs, retenues, etc.) au nom d'une fantasmatique "intégrité biotique", d'une obsessionnelle "continuité écologique" ou d'une absurde promotion de "rivières sauvages".
Mais combien de rivières de Bourgogne et d'ailleurs ont fait l'objet d'inventaires complets de biodiversité, au lieu du service minimum où l'on comptabilise quelques poissons en deux ou trois points de contrôle?
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