Le Ministère de l'Ecologie commence (péniblement) à reconnaître de-ci de-là que la mise en oeuvre de la continuité écologique dans les rivières classées en 2012 et 2013 pose des problèmes. Toutefois, quand on examine les limites reconnues à la solution de l'effacement des ouvrages hydrauliques, on voit que nos hauts fonctionnaires sont encore loin du compte.
Voici les limites des effacements d'ouvrages admises par le Ministère (texte du 4 décembre 2015 mise à jour 7 décembre 2015).
Quelles limites?Les autres limites (opportunément oubliées)
- peut nécessiter des travaux d’accompagnement complémentaires car la suppression du seuil ou barrage peut avoir, parfois, des conséquences négatives dont il faut tenir compte ou qu’il faut réduire : stabilisation de berges pour atténuer les effets d’effondrement ou de gonflement/retrait d’argile, ou la reprise d’une érosion latérale, adaptation de prises d’eau existantes en amont lié à l’abaissement de la ligne d’eau voire de prises d’eau en nappe en raison, le cas échéant, d’une influence sur le niveau de la nappe, etc.;
- difficulté de compatibilité avec un classement comme monument historique de l’ouvrage ou lorsque l’ouvrage fait partie de la « carte postale » d’un site classé, etc.;
- résistance sociétale au changement de paysage et attachement affectif aux ouvrages existants des populations locales ou des propriétaires, différence d’interprétation de la notion « d’usage » ou « d’utilité » : les décisions de suppression génèrent donc de fortes tensions et des oppositions qui ne permettent pas toujours de les mettre en œuvre à court terme;
- remet en cause une situation existante de longue date et oblige à imaginer d’autres usages de la rivière ou d’autres intérêts (le bon état écologique), dont le bénéfice, moins direct, n’est pas immédiatement visible; les décisions sont donc difficiles à faire accepter;
- incompatible avec le maintien de l’usage associé à l’ouvrage ; ne peut donc pas être la solution adaptée lorsque la présence de l’ouvrage est bien toujours pertinente et qu’il doit être maintenu.
Cette reconnaissance des problèmes est une première étape vers davantage de réalisme et de prise en compte du consentement des propriétaires, usagers et riverains. Mais elle est encore très incomplète.
En effet, l'effacement d'un ouvrage hydraulique :
- est absent des choix parlementaires (loi sur l'eau 2006, loi de Grenelle 2009), modifie les droits du propriétaire et parfois les droits des tiers, et s'apparente dès lors à une mesure d'exception impliquant intervention préfectorale et motivation de cette intervention;
- suppose que l'on soit en mesure de quantifier précisément les avantages pour le milieu et la rivière concernés (pas des généralités), donc implique des coûts d'étude conséquents;
- élimine la possibilité physique d'un équipement énergétique, donc la contribution du site détruit à la transition énergétique vers une économie bas-carbone;
- supprime le droit d'eau / règlement d'eau du bien, donc représente une moins-value à compenser;
- transforme le moulin, ses ouvrages et son paysage en simple maison au bord de l'eau et zone inondable, ce qui représente là encore une moins-value à compenser;
- diminue la capacité épuratrice (carbone, azote, phosphore) des eaux lentes et des sédiments de la retenue, donc peut nuire au bilan chimique de la rivière dans les zones agricoles notamment;
- implique une analyse chimique des sédiments de la retenue et, en cas de pollution, une gestion spéciale et une attribution des responsabilités;
- nécessite une analyse approfondie du risque crue-étiage, pour les milieux, les biens et les personnes;
- permet le franchissement toutes espèces ce qui inclut les espèces invasives et indésirables, ainsi que les pathogènes dont elles sont porteurs, susceptibles de coloniser des zones amont;
- représente le plus souvent un bilan global négatif quand on analyse les services rendus par les écosystèmes aux usages humains de l'eau.
L'effacement d'ouvrage est promu au titre de ses avantages économiques et écologiques présumés par rapport à d'autres solutions. Mais l'analyse coût-avantage telle qu'elle est menée aujourd'hui est largement biaisée : elle présuppose au plan économique que l'on peut détruire une propriété et affecter les usages des tiers sans consentir à des compensations ; elle écarte des désavantages ou risques écologiques, qui représentent eux aussi des coûts complémentaires d'analyse et de gestion. Si la destruction d'ouvrages est un chantier précipité et bâclé, il est certain que l'on pourra avancer des coûts moindres (ce que l'on fait aujourd'hui). Si l'on prend tous les paramètres en compte, la situation change et cette "solution" montre rapidement ses limites.
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