01/11/2012

Note sur le non-usage et l'état de ruine des ouvrages hydrauliques



Note sur le non-usage et l'état de ruine
des ouvrages hydrauliques


Le ministère de l'Ecologie a publié en 2010 une synthèse juridique à destination des agents de Police de l'eau, concernant le droit des ouvrages fondés en titre : Guide pratique relatif à la police des droits fondés en titre (pdf, 500 ko).

Lors de la Journée rivière du 21 juin 2011, le chargé d'études juridiques et économiques (M. Anthony Neaux) de l'Agence de l'eau Seine-Normandie a rappelé Les droits applicables à la continuité écologique et aux ouvrages hydrauliques, notamment la distinction entre les ouvrages fondés en titre (avant 1789) ou fondés sur titre (après 1789), ainsi que les conditions juridiques dans lesquelles l'autorité administrative doit se prononcer.

Aujourd'hui en Côte d'Or, les agents de Police de l'eau sont appelés à statuer sur la perte du droit d'eau de certains ouvrages, en raison de leur non-usage et de leur état de ruine. Ce point constitue un élément bien établi de la jurisprudence en cour d'appel et Conseil d'Etat : de nombreux propriétaires ont porté recours contre des décisions administratives de déchéance des droits fondés en ou sur titre.

Ce que dit le droit
Il est établi que le « non-usage » de la force hydraulique au droit d'un moulin ou d'une usine n'entraîne nullement la perte du droit d'eau fondé en titre (que ce droit découle du régime domanial 1566, non-domanial 1789 ou loi sur l'eau 1919 pour un ouvrage réglementé de moins de 150 kW de puissance hydraulique).

Concernant la ruine ou le changement d'affectation des ouvrages, en revanche, le Guide 2010 du Ministère précise en page 9 :
Depuis une jurisprudence récente, on sait désormais que ce droit peut se perdre si l'ouvrage est ruiné ou si il y a un changement d'affectation des ouvrages principaux permettant de le faire fonctionner. Or, un droit de propriété ne peut se perdre sans renonciation expresse de la part de son titulaire (CE Laprade, 5 juillet 2004 : un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau).
Attention cependant, la notion de ruine est assez restrictive car elle doit s'avérer clairement caractérisée. Ainsi, le non-usage n'entraîne pas la perte du droit fondé en titre.





La phrase en gras est importante, puisque la notion de « ruine » correspond à un état qui a été précisé à diverses reprises par le juge (en Tribunal administratif, Cour d'appel administrative ou Conseil d'Etat). Le Guide 2010 rappelle ainsi (page 11) :


La jurisprudence différencie le délabrement de l'ouvrage et l'état de « ruine », ce dernier entrainant la perte du droit. La ruine signifie qu'un des éléments essentiels permettant d'utiliser la force motrice a disparu ou devrait être reconstruit totalement (canal d'amenée ou de fuite, seuil, fosse d'emplacement du moulin ou de la turbine). Si ces éléments peuvent être remis en marche avec quelques travaux de débouchage, de débroussaillage, d'enrochement complémentaire ou de petite consolidation, le droit n'est pas considéré comme perdu. D'autre part, la perte du droit fondé en titre dépend également des circonstances dans laquelle s'est produite la ruine. Si cette dernière est due à une crue récente par exemple, et que le titulaire du droit avait manifesté sa volonté de réhabiliter l'ouvrage en respectant sa consistance légale, la ruine n'entraine pas forcément la disparition du droit fondé en titre.




Ces point ont été précisés en Conseil d'Etat (CE 5 juillet 2004 SA Laprade Energie, CE 16 janvier 2006 Arriau). Citons le premier arrêt :





« La force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété; il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de cours d'eau; qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ».




Donc : c'est la possibilité d'utiliser la pente et le volume de l'eau au droit d'un ouvrage qui est l'élément essentiel de la pérennité du fondé en titre (outre ses autres éléments constitutifs, bien sûr, à savoir la preuve d'un usage dans les trois hypothèses 1566, 1789, 1919).

Si des travaux mineurs (débroussaillage, désenvasement, dégravement, retraits de débris, etc.) permettent de restituer cette pente et ce volume au droit de l'ouvrage hydraulique, la pérennité du fondé en titre n'est pas remise en cause.

Lien pour le document en PDF:


https://docs.google.com/open?id=0BwtFniBe289YZmVOMjhjYlh3S3c









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