02/03/2017

Protection des ouvrages hydrauliques en liste 2: modèle de lettre associative à adresser aux préfets

Nous publions ci-dessous à l'intention des associations de moulins, riverains et défenseurs du patrimoine un modèle de lettre à adresser dans les meilleurs délais au préfet de chaque département. N'attendez pas le terme du premier délai légal (dès juillet 2017 pour Loire-Bretagne) pour envoyer ce courrier. Faites en copie après envoi à l'intention de chaque adhérent en liste 2, qui pourra l'opposer aux administrations (ou gestionnaires) le relançant sur la mise en oeuvre de la continuité écologique. Les informations données par les DDT-M dans leurs courriers précédents relatifs à la continuité écologique ne sont plus à jour. Sauf accord du propriétaire sur une solution acceptée sans contrainte, aucun chantier ne doit être engagé tant que les services du préfet n'ont pas reprécisé les conditions d'exécution de la continuité écologique, à la lumière de l'instruction ministérielle de décembre 2015 comme des lois votées entre juillet 2016 et février 2017. Il est important que le maximum d'associations entreprenne cette démarche, afin d'exprimer l'unité et la solidarité du mouvement de défense des ouvrages hydrauliques. Les lois de 2006 et 2009 ont déjà été interprétées de manière biaisée et excessive par l'administration et le gestionnaire. Nous n'accepterons pas que cette dérive persiste.



Le modèle peut être téléchargé en format traitement de texte à ce lien. Les objectifs de ce courrier sont les suivants :

  • obtenir une information claire et complète pour les maîtres d’ouvrage, qui ont reçu en 2013 un premier courrier administratif désormais inexact et imprécis, voire qui ont reçu des propositions d’aménagement parfois devenues contraires à la loi,
  • inciter l’administration à intégrer rapidement les dispositions légales récentes concourant à la protection des ouvrages,
  • avant le premier terme de 5 ans du classement, construire une barrière de protection pour les ouvrages orphelins de solution, afin de prévenir des mises en demeure qui mèneraient à des contentieux,
  • par copie du courrier aux élus (députés et sénateurs de chaque département), entretenir la vigilance sur le dépassement effectif (et non déclaratif) des excès ayant été associés la continuité écologique et s’assurer que les services de l’Etat accompagneront pleinement le texte et l’esprit des lois, en évitant les surinterpétations ou surtranspositions que nous avons connues jadis. 

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Objet : mise à jour par vos services de l’information donnée aux propriétaires ou exploitants d’ouvrages hydrauliques sur rivières classées en liste 2 

Concerne : l’ensemble des adhérents de l’association propriétaires d’un ouvrage en liste 2 L 214-17 CE, pour valoir ce que de droit en procédure ultérieure concernant ces adhérents

Madame la Préfète, Monsieur le Préfet [conserver  la mention exacte],

Après le classement de continuité écologique promulgué en conformité aux dispositions de l’article L 214-17 code de l’environnement, vos services ont écrit aux maîtres d’ouvrage des rivières concernées pour les informer de leur obligation, particulièrement en liste 2. 

Le texte de l’article L 214-17 code de l’environnement indique à propos des rivières en liste 2 : «Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant.». De nombreux propriétaires n’ont reçu à ce jour aucune définition de règles de gestion, équipement et entretien de la part de l’autorité administrative. D’autres ont reçu de telles propositions sous la forme d’un diagnostic validé par vos services. Mais en l’absence d’un taux de financement correct par l’Agence de l’eau, les mesures envisageables représentent une « charge spéciale et exorbitante » telle que l’entend l’article susvisé, sans précision de votre part sur les indemnités prévues dans ce cas d’espèce. 

Outre ces problèmes de bonne exécution, la présente vise surtout à rappeler que les dispositions relatives à la continuité écologique (directement ou indirectement) ont connu plusieurs évolutions législatives importantes depuis 8 mois, ainsi que des précisions réglementaires.

En voici le rappel succinct. 

Lettre d’instruction  du 9 décembre 2015 de Mme le ministre de l’Environnement aux préfets, demandant de «ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas.»

Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (JORF n°0158 du 8 juillet 2016)
Elle introduit dans l’article L 214-17 code de l’environnement un nouvel alinéa de protection du patrimoine hydraulique dans la mise en œuvre de la continuité écologique.

Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (JORF n°0184 du 9 août 2016)
Elle introduit un délai supplémentaire de 5 ans pour modifier la gestion de l’ouvrage ou réaliser des travaux de mise en conformité, à condition cependant que l’administration ait défini des règles en concertation avec le propriétaire, lui permettant de déposer un dossier (cf supra). 

Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (JORF n°0302 du 29 décembre 2016)
Elle modifie la notion de « gestion équilibrée et durable » de l’eau telle que définie dans l’article L 211-1 du code de l’environnement, en indiquant qu’il est d’intérêt général de favoriser la « stockage de l’eau » comme « élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales », et elle indique que la gestion de l’eau ne fait pas obstacle à la « préservation du patrimoine hydraulique »

Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (JORF n°0048 du 25 février 2017)
Elle crée un article L 214-18-1 du code de l’environnement portant exemption d’obligation de continuité écologique au titre du classement en liste 2 pour les moulins à eau équipés ou choisissant de s’équiper en vue de produire de l’électricité. 

Il ressort de cette activité législative récente et de l’instruction de Mme la ministre que :

  • le courrier que vos services ont envoyé aux maîtres d’ouvrage indique des obligations ou interprétations qui ne sont plus nécessairement conformes à l’état du droit,
  • certaines propositions d’aménagement faites à des maîtres d’ouvrage depuis le classement des rivières ne sont plus forcément d’actualité, voire peuvent contenir des dispositions désormais contraires au droit,
  • les propriétaires ou exploitants en désaccord avec des propositions qui ont pu leur être faites sont toujours dans l’attente d’une solution au cas par cas souhaitée par Mme la ministre de l’Environnement,
  • l’ensemble est devenu très complexe à comprendre et très incertain à interpréter pour les maîtres d’ouvrage.

En conséquence, nous souhaitons que vos services adressent aux propriétaires ou exploitants concernés par la mise en conformité à la continuité écologique un courrier de mise à jour les informant de leur situation administrative par rapport aux nouvelles dispositions légales, cela dans les conditions similaires à votre premier courrier d’information, et bien sûr avant le premier terme d’échéance du classement. Nous souhaitons également que les ouvrages orphelins de solutions de gestion, équipement, entretien fassent l’objet d’une proposition de vos services, dans le cadre normal de la procédure contradictoire. 

En absence de cette information actualisée transmise par vos services aux maîtres d’ouvrage, notre association se verrait contrainte d’interpréter tout futur courrier de mise en demeure de ses adhérents en vue d’une exécution de l’article L 214-17 du code de l’environnement comme un excès de pouvoir et d’agir en conséquence — voie contentieuse que nous souhaitons bien sûr éviter, grâce à une concertation de qualité permettant d’aborder sereinement la question de la continuité écologique.

De manière très explicite lors des débats législatifs ayant mené à l’adoption des lois susvisées, madame la ministre de l’Environnement, madame la ministre de la Culture, mesdames et messieurs les parlementaires ont exprimé leur souhait unanime que la mise en œuvre (nécessaire) de la continuité écologique se fasse désormais dans le respect plus affirmé des autres dimensions d’intérêt des ouvrages hydrauliques, en particulier leur valeur paysagère et patrimoniale ainsi que leur enjeu énergétique et hydrologique. Certaines solutions ayant pu être défendues dans le passé, comme la prime financière à l’effacement mise en avant par les Agences de l’eau et acceptée par vos services sans que les lois ne contiennent pourtant une telle option, ont donc reçu un désaveu clair de la part des représentants des citoyens. 

Nous pensons que l’esprit ouvert et constructif manifesté par les élus et inscrit dans les lois anime également l’ensemble des services administratifs en charge de l’eau, et nous espérons en conséquence que votre prochain courrier d’information aux maîtres d’ouvrage traduira pleinement cette évolution.

Veuillez recevoir, Madame la Préfète, Monsieur le Préfet [conserver  la mention exacte], l’expression de nos respectueuses salutations.

En copie à : mesdames et messieurs les députés et sénateurs du département

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Concernant la copie de ce courrier aux parlementaires, vous pouvez trouver (par département) l'adresse postale et électronique de chaque sénateur à cette adresse, de chaque député à cette adresse.  Il est préférable que le courrier aux élus soit personnalisé, si possible en citant des chantiers d'effacement prévus sur le département et en alertant à ce sujet. Voici néanmoins un exemple de contenu "générique".

Madame/Monsieur la/le Député(e), Sénatrice(eur)

Veuillez trouver ci-joint copie d'un courrier adressé par notre association à Madame le Préfète / Monsieur le Préfet concernant la mise en oeuvre de la continuité écologique des rivières, plus particulièrement la protection et valorisation des ouvrages hydrauliques dans leurs différentes dimensions (patrimoine, paysage, énergie, écologie, usages locaux).

La représentation parlementaire a récemment voté plusieurs lois visant à défendre ce patrimoine hydraulique et à repréciser les conditions d'exécution de la continuité écologique. Nous vous remercions de ces évolutions très positives.

Hélas, l'expérience nous a appris qu'entre le vote d'une loi et sa mise en oeuvre, il peut se glisser de dommageables distorsions. 

Ainsi, ni la loi sur l'eau de 2006 ni la loi de Grenelle de 2009 ne prévoyait l'option de destruction des ouvrages de nos rivières, en particulier les ouvrages anciens des moulins et étangs : c'est pourtant devenu le choix de première intention en financement et en préconisation dans plus de la moitié des chantiers observés. Parfois, des ouvrages sont sans intérêt reconnu. Mais parfois, cette solution est imposée malgré les protestations des riverains et les réticences du propriétaire, ce dernier acceptant par peur de la sanction. Une telle pression n'est pas digne d'une bonne gestion de la rivière, et elle ne rend pas service à la cause de l'écologie en la rendant synonyme de mesure impopulaire, décidée à l'avance et imposée sans réelle alternative.

De nombreux maîtres d'ouvrage accueillent favorablement l'idée d'assurer une meilleure continuité écologique (gestion des vannes, passes à poissons, rivières de contournement), mais les solutions les plus simples leur sont généralement refusées par l'administration, et les autres ont des coûts exorbitants qui ne sont pas ou très mal financés par l'Agence de l'eau.

Nous comptons donc sur votre pleine vigilance pour que, dans l'esprit du courrier joint aux services de la préfecture et dans l'esprit des lois que vous avez récemment votées, la continuité écologique se déroule désormais dans un climat apaisé, avec des solutions raisonnables, proportionnées et surtout solvabilisées.

Nous apprécierions que vous souteniez notre démarche auprès de Madame le Préfète / Monsieur le Préfet en lui exprimant à votre tour cette nécessité d'un dialogue environnemental approfondi et d'une recherche de solutions concertées. 

[politesse]

01/03/2017

Cartographie des cours d'eau: qui a intérêt à entretenir le flou?

Le magazine Reporterre a consacré un long article à la cartographie des cours d'eau, présentée de manière assez univoque et tendancieuse comme une stratégie des agriculteurs pour avoir le droit de polluer librement. En fait, cette cartographie est la fille naturelle de la complexité et de la sévérité réglementaires dans le domaine de l'eau: sur tout sujet (pas seulement l'environnement), plus on élargit le champ du contrôle par les règles administratives, plus on soulève des problèmes d'exécution ou d'interprétation, plus on doit re-préciser le détail des règles ou de leurs exceptions. Bienvenue dans le monde merveilleux des bureaucraties où les codes doublent de volume tous les dix ans ! Davantage que la pollution, la question de la cartographie a été liée au curage, à l'entretien et au risque inondation, avec des conflits autour de la distinction fossé-cours d'eau et de l'intermittence de l'écoulement. Il y a plus de 500.000 km de rûs, ruisseaux, rivières et fleuves en France, la plupart en territoires ruraux avec un dense chevelu de tête de bassin, cela sans compter les fossés, drains et autres ravines. Donc ceux qui jettent la pierre aux agriculteurs sont les bienvenus pour proposer une solution économiquement viable d'entretien de cet immense réseau, et une solution juridiquement responsable quand un problème survient en cas de défaillance de cet entretien. Les têtes de bassin sont des lieux qui peuvent être riches en biodiversité. Leur préservation morphologique et chimique est donc d'intérêt sur le principe, mais ce sont également des surfaces considérables, représentant un vrai problème de réalisme dans leur gestion.  



Le magazine Reporterre publie un article en deux volets (ici et ici) sur la cartographie des cours d'eau. Cette démarche est présentée comme une action de la FNSEA visant à "en faire déclasser le maximum" et à "échapper aux règles sur la lutte contre la pollution". Par ailleurs, des associations environnementalistes se plaignent de ne pas avoir été entendues en Préfecture. Si c'est le cas, elles ont bien entendu raison de s'en plaindre. Et elles ne sont pas seules, puisque les associations de moulin n'ont pas été spontanément invitées par les préfectures à la concertation, alors qu'elles sont concernées par le statut des canaux et biefs. Le dialogue environnemental est comme toujours restreint: pas assez de moyens et de personnels en rapport à l'abondance des normes adoptées, des objectifs ambitieux et souvent irréalistes fixés par les politiques, il faut donc aller vite au lieu de prendre le temps d'argumenter, exposer ses accords ou désaccords, chercher des solutions raisonnables.

Le magazine écrit à propos de la définition des cours d'eau : "La fameuse instruction du 3 juin 2015 retient trois critères cumulatifs : la présence et permanence d’un lit naturel à l’origine, un débit suffisant une majeure partie de l’année, et l’alimentation par une source. Une définition « très restrictive », selon nombre d’experts, mais qui figure désormais dans la loi biodiversité. À la demande de la FNSEA : «Nous voulions que les choses soient claires, et cet article de la loi n’a presque pas été retouché : il y a eu un consensus», indique M. Thirouin. C’est donc sur ces critères désormais officiels que s’appuient les chambres d’agriculture et nombre de DDT."

Ce propos de Reporterre est inexact. Ce n'est pas la FNSEA ni la circulaire de 2015 qui a inventé ces critères repris dans la loi biodiversité, mais le Conseil d'Etat dans son arrêt du 21 octobre 2011. Que l'administration suive la décision de la plus haute cour de justice administrative paraît assez logique : l'aurait-elle ignorée que les contentieux auraient fleuri et auraient de toute façon été perdus par l'Etat (ou des ONG environnementalistes) si l'écoulement concerné n'avait pas les attributs posés par cette jurisprudence récente. De surcroît, on ne sait pas qui sont au juste les nombreux "experts" jugeant que la définition d'un cours d'eau naturel par une source, un écoulement et une origine non humaine serait quelque chose de particulièrement restrictif. Une expertise est légitime quand elle est définie et argumentée ; ici, on se demande ce qui manque au droit comme attribut essentiel d'un cours d'eau. Cela peut difficilement être la présence du vivant, car un grand nombre de milieux artificiels (ornières, fossés routiers, bassins de rétention et décantation, etc.) sont colonisés par des espèces opportunistes, ce qui n'amène pas à demander pour autant des protections particulières.

Mais surtout, l'article de Reporterre ne donne pas l'ensemble de l'arrière-plan de cette cartographie :

  • le renforcement des dispositions réglementaires depuis les lois de 1992, 2004, 2006 sur l'eau a rendu de plus en plus complexe la moindre intervention en rivière, pour laquelle il faut déposer soit une déclaration motivée soit une demande d'autorisation en préfecture (régime IOTA, installations, ouvrages, travaux et activités),
  • beaucoup d'agriculteurs estiment qu'ils n'ont pas la possibilité de suivre de telles complications procédurières alors que le curage des fossés et des rûs obéit généralement à des logiques d'urgences (risque inondation d'un chemin, d'une route, d'une propriété par des dépôts d'embâcles et atterrissements) ou à des effets d'opportunités (curage ou faucardage réalisé quand on a le temps et la machine à disposition, sans planifier à l'avance ni attendre qu'un agent de l'AFB-Onema vienne examiner la faune et la flore pour donner son avis),
  • les choses se sont localement envenimées quand des agriculteurs (ou des maires) et des agents de l'Etat se sont trouvés en désaccord sur la définition d'un fossé (intervention libre) ou d'un cours d'eau (intervention a minima déclarée, parfois avec dossier complet d'autorisation). Il y a eu des procès – certes rares, mais avec un fort retentissement local – et de manière générale une accentuation des contrôles et des antagonismes (exemples à Sainte-FlorenceLapradeSaint-Pourçain-sur-SiouleSalency, etc.),
  • ces distinctions entre fossé et cours d'eau ne sont donc pas toujours claires, de même que les distinctions entre actions en cours d'eau appelant précaution particulière et celles qui sont moins problématiques (voir cette fiche de l'Onema aujourd'hui AFB, d'où il ressort qu'avant d'agir il faudrait vérifier à chaque fois si des poissons ou des amphibiens ne sont pas présents, si un dépôt de 20 cm n'est pas créé car ce serait un obstacle à la continuité, si enlever un atterrissement relève ou non d'une modification du gabarit du lit, etc.)
  • par ailleurs et en tête de bassin versant, les naissances de petits cours d'eau se confondent parfois avec des zones humides aux frontières mal définies, et au regard de la tendance actuelle à imposer de fortes contraintes sur certains types de milieux, les propriétaires n'ont nulle envie de se retrouver du jour au lendemain en responsabilité d'un conservatoire d'espace naturel intouchable (surtout sans compensation pour les contraintes créées).


Aujourd'hui, un moyen d'échapper à ces incertitudes, complications et sources de conflit est donc la solution du classement en "cours d'eau" et "non cours d'eau". Ce qui peut paraître radical ou simpliste, mais il faut cependant rappeler plusieurs choses :
  • cours d'eau ou non cours d'eau ne sont pas pour le moment des catégories à valeur réglementaire opposable, simplement des indications de la manière dont l'administration instruira a priori des dossiers (la nuance est cependant un peu hypocrite, un adhérent de notre association est par exemple en pré-contentieux pour un étang qui est alimenté par un soi-disant cours d'eau devenu bel et bien opposable, écoulement pour lequel il faudrait faire de la continuité écologique malgré l'assec 6 mois dans l'année et l'absence manifeste de migrateurs)
  • le processus est itératif et les catégories sont réputées révisables, donc l'Etat n'a pas fermé la porte à une concertation dans le temps
  • on ne sait pas au juste (l'article de Reporterre n'apporte aucune précision factuelle validée) combien de présumés cours d'eau auraient été déclassés comme non cours d'eau. On croit comprendre que certains voudraient tout classer et tout contrôler, d'autre rien classer et rien contrôler, ce qui laisse probablement une marge de manoeuvre entre les deux pour chercher un juste milieu. A condition d'y être disposé et de ne pas refuser d'avance toute concession au nom de postures intégristes...
Les chevelus de tête de bassin sont des lieux qui peuvent être riches en biodiversité. Leur préservation morphologique et chimique est donc d'intérêt sur le principe, l'analyse motivée au cas par cas des potentialités biologiques étant cependant nécessaire. Mais ce sont également des surfaces considérables et cela représente donc un vrai problème.

Une solution cohérente pourrait être que l'Etat (ou une collectivité territoriale ou des associations à agrément public) décide de protéger ces espaces, de faire l'acquisition du foncier agricole / forestier nécessaire et d'en assumer la gestion conformément au souhait de haute qualité environnementale. Mais ce serait évidemment un gigantesque coût économique vu le nombre d'écoulements concernés, et une source inépuisable de contentieux dès que des écoulements débordent chez les riverains pour cause de non-entretien. Il apparaît que des zonages de protection comme les Natura 2000 ont déjà une gestion très défaillante (voir cet article), cela rend assez peu crédible l'hypothèse d'une soudaine avalanche de moyens humains et financiers pour faire les choses correctement et durablement en sanctuarisant la gestion des têtes de bassin. On est donc finalement assez soulagé que cette gestion revienne aux propriétaires privés, le plus souvent agriculteurs ou forestiers. Mais dans ce cas, on ne voit guère comment on échapperait à la demande des principaux intéressés: une définition précise de ce qu'est un cours d'eau et ce qui ne l'est pas, de ce qui est autorisé et non autorisé, afin de ne plus subir l'incertitude réglementaire et le risque judiciaire.

Illustrations : en haut, quoique réduit à des flaques éparses, cet écoulement de bas de thalweg à Montigny (21) est considéré comme un cours d'eau par la préfecture, qui réclame à un propriétaire d'étang de quelques centaines d'ares en aval d'assurer la continuité écologique et le débit minimum biologique à toute saison. La cartographie est née de ce genre de demandes absurdes ou disproportionnées. Ci-dessous, modélisation d'un chevelu de tête de bassin (source Territ'eau - Agro-transfert Bretagne, droits réservés).