16/06/2020

"Les experts sont formels"... mais quels experts? Au service de quels pouvoirs, quelles idéologies, quels intérêts?


Aussi incroyable que cela puisse paraître, la politique française de destruction des moulins et étangs a été décidée sans aucune analyse scientifique approfondie de ces patrimoines, leurs usages, leurs milieux, leurs enjeux de riveraineté. Dans un schéma idéal, un pouvoir politique réunit tous les experts d'un sujet, avec les représentants des citoyens concernés, pour prendre des décisions avisées et informées. Si les données manquent, elles font l'objet de programmes scientifiques de recherche. Mais cela ne se passe pas ainsi en France. Des experts administratifs ont prétendu détenir le seul savoir légitime pour faire de la démolition des ouvrages en rivière une politique d'Etat se disant fondée sur "la" science. Or c'est faux, une petite fraction seulement des connaissances a été mobilisée pour appuyer cette politique, avec des biais constants en faveur d'une seule dimension des rivières ayant été érigée en dogme. Comme beaucoup de citoyens, nous perdons confiance dans une parole publique incapable de reconnaître ses préjugés et ses limites. L'organisation de l'expertise, son rapport au décideur et à la société doivent changer: nous vivons en démocratie, pas en expertocratie.  La conséquence est que les associations de riverains et protection des patrimoines menacés doivent désigner et interpeller le pouvoir là où il est réellement: chez ceux qui fabriquent des normes sans passer par le suffrage démocratique.



Comme l'ont fait remarquer de nombreux observateurs en France, la crise du covid-19 a aussi été une crise de l'expertocratie d'Etat. Elle n'avait pas vu venir le risque d'une pandémie malgré des signaux d'alerte avec les variantes de la grippe et les syndromes respiratoires type SRAS ou MERS. Elle a tenu des discours assez contradictoires sur la nécessité de porter le masque pour se protéger, ce qui était évident en Asie depuis longtemps mais n'a été reconnu qu'à reculons en France. Elle a montré une certaine lourdeur et complexité dans la réponse aux événements, conduisant finalement à des solutions plutôt coûteuses et mal vécues. Les traitements de la maladie ont pour leur part donné lieu à des controverses à rebondissement entre scientifiques.

Il est difficile de prévoir et gérer les crises. Et même de gouverner hors des crises. Le problème: loin d'avoir l'humilité de le reconnaître, l'expertocratie administrative française se pique d'une excellence assortie d'une certaine arrogance, répugne à reconnaître ses erreurs et prétend au monopole du savoir légitime en choix publics. Cela ne date pas d'hier, la monarchie avait déjà déjà créé des corps d'experts pour justifier ses choix... dont les eaux et forêts.

Nous rencontrons ce même problème dans la politique de l'eau, menée aux dires d'experts que certains observateurs ont appelé une "hydrocratie". Des savoirs écologiques incomplets ont ici été érigés en dogmes. Des paradigmes ont été choisis sans réel débat et sans recul critique. La question est évidemment importante, car l'écologie définit des politiques publiques appelées à se déployer au cours de ce siècle : de mauvaises bases ne produiront qu'un mauvais édifice. Hier, à l'époque des 30 glorieuses, les mêmes experts d'Etat appuyaient par "la science" des options productivistes et polluantes dont on nous dit qu'elles sont mauvaises. Mais en cas, pourquoi les croire aujourd'hui? Pourquoi ne pas faire l'hypothèse que les préconisations actuelles sont aussi erronées que celles d'hier, quoiqu'encore justifiées par le même argument d'autorité de "la science"?

Un mot d'abord sur l'expertocratie d'Etat. Qu'y a-t-il derrière cette expression un peu abstraite?

En France, une expertocratie administrative peu débattue et peu transparente
La France présente un système politique très centralisé (jacobin) fondé sur l'idée que les ministères, leurs cabinets, leurs directions administratives centrales et leurs antennes territoriales (dans cet ordre hiérarchique) doivent mener la politique du pays dans tous les domaines. Dans cet idéal de gouvernement, les choix ne sont pas réalisés par des compromis empiriques locaux et les enseignements sur les réalités observées — des tests qui se généralisent s'ils sont réussis ou sont abandonnés s'ils échouent —, mais à partir de la définition rationnelle d'un intérêt général par un petit nombre de personnes estimant avoir une vue englobante des réalités. Ces personnes, ce sont les "experts" dont nous parlons (parfois aussi nommés les "sachants" sur ce site).

Les experts construisent un certain discours de la réalité et informent les décideurs par ce discours. En général, les politiques qui ont de nombreux dossiers à traiter et ne peuvent creuser par eux-mêmes chaque sujet s'appuient sur l'expertocratie administrative en France.

Dans la politique des rivières, nous avons un personnel administratif qui se pose ainsi en détenteur du savoir légitime public, opposable aux tiers (élus, usagers, citoyens). Ce point commence à être traité par des chercheurs en sciences humaines et sociales, ainsi qu'en sciences de l'environnement, dont les conclusions sont assez convergentes (lire par exemple les livres de Germaine et Barraud 2017Bravard et Lévêque 2020, les article de Dufour et al 2017Sneddon et al 2017, les thèses de De Coninck 2015Zingreff-Hamed 2018Perrin 2018Drapier 2019)

Les experts prétendant au monopole de la représentation "sachante" de la rivière sont en particulier:
  • des personnels de la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) au ministère de l'écologie et de ses services déconcentrés (DREAL de bassin, DDT-M)
  • des personnels des agences administratives spécialisées (agence de l'eau, OFB office de la biodiversité)
  • des acteurs qui gravitent autour de ce pouvoir administratif, notamment car ce pouvoir étendu en France a la capacité de sélectionner ses interlocuteurs privilégiés, d'attribuer des agréments d'utilité publique et de débloquer des financements pour asseoir ses politiques (par exemple ONG, associations comme la pêche ou la gestion des migrateurs, bureaux d'études privés, syndicats de rivière, mais aussi une partie des dotations de laboratoires de recherche en université, EPST ou EPIC).

Le système français de fabrique des normes par des expertises administratives, cas de la continuité dite écologique des cours d'eau. En bleu, le coeur du système. Il dispose d'un pouvoir réglementaire et financier. Il informe les élus sur des sujets techniques où ces élus n'ont généralement pas de temps ni de compétence à analyser le fond, donc accordent a priori confiance aux conclusions. Mais cette expertocratie en vase clos induit diverses dérives : confusion entre science et croyance, simplification de savoirs pour soutenir des orientations de programmes publics, tendance à l'endogamie intellectuelle, au biais de sélection des données et au biais de conformité collective, résistance au changement si des choix sont contestés, non confrontation aux citoyens qui subissent les conséquences des choix opérés, etc.

Experts et chercheurs: pas le même rôle, mais des passerelles
Si les experts ont une formation scientifique ou universitaire, ce ne sont pas pour autant des chercheurs, qui eux produisent de la connaissance à partir de canons méthodologiques (généralement) plus rigoureux. L'expert se distingue notamment du chercheur car il est en lien direct avec un pouvoir de décision, avec les contraintes de ce pouvoir. L'expert décide à moment donné de la connaissance mobilisable pour l'action, alors que le chercheur considère la connaissance comme non finie, toujours incomplète et en construction.

Il faut noter que des chercheurs participent à l'expertise d'Etat dans le domaine de l'eau. Mais l'expertocratie ne va pas retenir tout ce que dit le chercheur, ni surtout convoquer tous les chercheurs pertinents pour un domaine. Un scientifique est (généralement...) prudent dans ses assertions, et la science s'exprime de plus en plus souvent de manière collégiale, en précisant ses niveaux de certitude et les limites d'application des connaissances. Quand on lit bien les avis de chercheurs s'exprimant es qualités (en engageant leur fiabilité par rapport à leurs pairs et à la société), on observe le plus souvent des mises en garde sur le manque de données, le manque de robustesse de certaines conclusions, le manque de convergence de tous les scientifiques, la nécessité de travaux supplémentaires. Nous avions montré un exemple de tensions sur le cas de la Loue, quand des chercheurs et des experts ont exprimé quelques divergences dans les échanges, notamment dans la tentation des experts de vouloir affirmer des conclusions sans base très solide. Les réserves des chercheurs sont gommées par les nécessités de l'expertocratie au service du politique : il faut trancher en vue de la décision, taire les hésitations, insister sur des points présentés comme des croyances fortes non contradictoires.

Dans un des seuls rapports de synthèse sur l'impact des petits ouvrages (Souchon et Malavoi 2012, Le démantèlement des seuils en rivière, une mesure de restauration en vogue, Onema-Irstea, 96 p. non disponible en ligne à date), on peut lire par exemple (p. 24) :
"Si les impacts des barrages sont relativement bien connus, il existe assez peu d’études et de publications scientifiques concernant les effets des seuils. Un article récent (Cziki et Rhoads, 2010) indique clairement le besoin urgent de recherche scientifique sur les impacts physiques et écologiques de ces petits ouvrages"
Concrètement, cela signifie que la recherche ne peut pas se prononcer : aucun scientifique sérieux ne prétend donner des orientations robustes sur un sujet dont il reconnaît qu'il est très peu étudié. Les auteurs de cette synthèse listent et commentent des travaux qui concernent pour l'essentiel des barrages, et les quelques cas rares de suivis scientifiques sur des seuils ne permettent certainement pas de généraliser. Au demeurant, le même texte conclut (p. 76) sur "la reconnaissance de la spécificité de chaque bassin tant d’un point de vue physique, chimique ou écologique. La complexité des systèmes et la mise en place des méthodes d’analyse diverses se traduisent par des difficultés pour développer des approches génériques."

Pourtant, une note de la DEB du ministère de l'écologie comme plusieurs agences de l'eau dans leurs SDAGE décrètent que l'effacement est forcément la meilleure solution a priori et qu'il doit bénéficier du soutien maximal en argent public. L'expertocratie filtre et retient ce qu'elle a envie de retenir... tout en prétendant qu'elle est neutre, objective, "fondée sur la science".

Enfin, comme l'a observé un chercheur hydro-écologue ayant participé lui-même à des travaux d'expertise, l'écologie n'est pas toujours à l'aise avec les frontières entre la neutralité scientifique d'une démarche de connaissance et des points de vue plus subjectifs sur ce que devrait être la qualité de la nature et des cours d'eau (voir Lévêque 2013). L'écologie de la conservation en particulier se présente à sa fondation comme une science engagée sur son objet (protéger le vivant selon une certaine vision de la nature), ce qui ne favorise pas toujours le recul et la neutralité des méthodes, ou celle des conclusions.

La politique de destruction des ouvrages, exemple de dérive de l'expertocratie
Sur la question des ouvrages hydrauliques, il existe une expertocratie française et européenne. La seconde travaille dans le cadre de la direction générale de l'environnement de la commission européenne et de l'agence européenne de l'environnement (sur les problèmes de construction de la DCE par une expertise très limitée et une logique d'efficience par métrique, voir Loupsans et Gramaglia 2011Bouleau et Pont 2014Bouleau et Deuffic 2016). Nous nous concentrerons ici sur les choix français.

Qu'avons-nous observé depuis les années 2000?

- L'expertocratie d'Etat a choisi un paradigme d'orientation - la rivière comme phénomène naturel, biophysique, devant être lue à travers l'écologie - ce qui l'a privée de la complexité de son objet (la rivière est aussi une construction sociale et historique, un rapport de pouvoirs, on ne peut la réduire à sa naturalité). La même expertocratie pouvait défendre encore une génération plus tôt le paradigme fort différent de la rivière comme ressource exploitable. Un problème est justement que par cohérence de sa politique et de ses services, l'administration d'Etat et ses antennes territoriales cherchent à faire primer une seule vue.

- L'expertocratie d'Etat a pris une orientation normative à effet concret - l'ouvrage hydraulique est mauvais, il doit idéalement disparaître - et elle a incité l'ensemble des instances concernées à prendre cette seule direction. L'organisation en silo des administrations pousse à ces logiques mono-directionnelles, l'expertise des administrations de l'écologie ignorant ce que peuvent dire celles de la culture, par exemple.

- L'expertocratie d'Etat a fondé sa décision sur le choix sélectif de certaines connaissances (en halieutique et en écologie de la conservation surtout), elle a évacué (c'est-à-dire ignoré, minimisé, signalé mais sans en inférer de changement) toutes les autres connaissances qui pouvaient affaiblir son message, de même qu'elle a sous-estimé les réserves de prudence dans la science (par exemple sur les échecs nombreux en restauration morphologique, ce qui aurait dû induire une phase expérimentale plus rigoureuse avant de généraliser).

- L'expertocratie d'Etat a ignoré les objections et critiques venant du terrain, présumées être l'expression d'intérêts particuliers ou de savoirs non légitimes, risquant de mettre en cause le simulacre de consensus nécessaire à la communication publique.

- L'expertocratie d'Etat a tenu des discours à géométrie variable en raison des poids des lobbies avec qui elle est en discussion, opposant aux ouvrages anciens (moulins, étangs) un strict discours naturaliste de retour à une forme antérieure de rivière libre sans humain, mais se gardant d'opposer la même rigueur aux usages qui ont totalement artificialisé et parfois pollué les bassins versants. Cela alors même que cette dimension de bassin versant est reconnue depuis longtemps comme la clé de compréhension des hydrosystèmes et de leurs dynamiques.

- L'expertocratie d'Etat a mis en avant des arguments douteux voire faux (auto-épuration des rivières, par exemple), organisé des omissions volontaires (biodiversité hors poissons migrateurs ou biodiversité des milieux anthropisés, par exemple) et de manière générale négligé le fait qu'il n'existe que très peu de recherche de terrain avec données suffisantes sur les moulins, étangs et autres patrimoines anciens ayant créé des milieux depuis plusieurs siècles.

- L'expertocratie d'Etat a souvent requis le même personnel qui s'occupe du même sujet depuis 10, 20, 30 ans parfois (notamment autour des questions d'halieutisme et de poissons migrateurs), entraînant un conservatisme des croyances de groupe au sein des administrations, un manque de réactivité à l'évolution des sciences et un biais de confirmation interne par défaut d'ouverture sur la société au-delà des interlocuteurs choisis.

- L'expertocratie d'Etat a organisé le financement de tout ce qui pouvait conforter son message, plutôt que financer des contre-expertises ciblées à protocole ouvert et co-construit pour tester si son choix est réellement robuste.

Le résultat de tout cela est que sur les rivières comme un peu partout ailleurs, l'expertocratie s'est coupée de la société sur la question des ouvrages hydrauliques. Elle a divisé et conflictualisé les acteurs (satisfait certaines fractions de la société et braqué d'autres). Elle est devenue inaudible et non crédible car perçue comme un pouvoir biaisé qui défend sa propre logique sans être capable de débats sincères.



L'argument circulaire des "résultats démontrés" et la négation des données que l'on ne veut surtout pas mesurer
On pourrait répondre qu'après tout, cette confiscation de l'expertise d'Etat par une certaine approche disciplinaire correspond à une demande sociale (davantage d'écologie) et à des résultats tangibles. On met alors en avant que le démantèlement des ouvrages hydrauliques mène bel et bien à l'apparition de nouveaux habitats à la place des retenues et au retour local de certaines espèces, dont les poissons migrateurs.

Ce point sur la restauration des migrateurs demande à être vérifié à long terme, car certaines actions menées pendant plusieurs décennies ont des mauvais bilans à date (par exemple le saumon de l'axe Loire-Allier) et les chercheurs ne trouvent pas forcément de signaux clairs sur l'évolution des migrateurs en France depuis 35 ans (voir Legrand et al 2020). Toutes choses égales par ailleurs, effacer une barrière physique à la migration favorise la migration (c'est un truisme), mais rien ne dit que les barrières concernées (surtout celles des ouvrages anciens) soient le premier problème à long terme de ces espèces par rapport au réchauffement, à la pollution, à la surpêche, aux invasives, à l'introgression génétique, à la baisse de la ressource en eau pour le vivant au bénéfice des usages humains de l'eau. L'abondance passée des migrateurs dans la nature du 15e ou du 10e siècle ne peut de toute façon pas être la référence dans la nature du 21e siècle, qui n'a plus les mêmes paramètres physiques, chimiques et biologiques.

Mais le caractère incertain des résultats est presque secondaire. Le problème est surtout que ce raisonnement est circulaire : l'expertise définit ce qu'il faut entendre par un bon résultat, elle fixe les métriques de calcul de ce seul résultat, elle conclut le cas échéant que le résultat est atteint.

Dans le cas des démantèlements d'ouvrage, de nombreuses choses ne sont justement pas mesurées car l'expertocratie a évacué ces mesures (soit de bonne foi par spécialisation disciplinaire, soit de mauvaise foi pour asseoir une autorité politique).

Par exemple, on ne mesure pas aujourd'hui en routine:
  • la biodiversité bêta et gamma à échelle tronçon et bassin (et non site),
  • la perte en espèces lentiques des retenues et en espèces résidentes des biefs (canaux),
  • les espèces animales et végétales autres que les poissons, dont certaines pourtant protégées et menacées,
  • la rétention annuelle totale d'eau du bassin (surface et nappe) avec ou sans ouvrages,
  • la valeur historique et archéologique des sites,
  • l'appréciation paysagère des sites et rivières par les riverains,
  • le bilan carbone des opérations,
  • le bilan chimique des opérations en épuration de polluants et remobilisation de sédiments pollués,
  • la valeur foncière des parcelles riveraines avec ou sans plan d'eau,
  • l'analyse coût-avantage de la même dépense publique pour d'autres postes, par exemple la continuité latérale et création de zones humides au lieu de la continuité longitudinale.
Une partie de ces éléments non mesurés aujourd'hui relève aussi de l'écologie et du rapport des citoyens à la nature vécue. Une autre partie relève des dimensions multiples de l'eau, non réductible à un phénomène biophysique ni à une dévotion naturaliste.

En ne mesurant pas tout cela, on évacue la possibilité d'un débat démocratique sur ces grandeurs inconnues. On choisit de mettre en avant certains non-humains (le saumon, la truite, l'anguille, le libre flot...) en ignorant d'autres non humains vivants (la libellule, le brochet, le crapaud, l'aulne...) ou non vivants (le barrage, la chute, le plan d'eau...). Le choix d'un paradigme naturaliste et spécialisé évacue la société qui, au mieux, ne perturbe pas une nature idéale telle qu'elle devrait être sans humain.

Des chercheurs ont commencé à analyser ces carences des expertises administratives en France (voir par exemple Dufour et al 2017Perrin 2019), mais sans évolution notable des pratiques.

La révision de l'expertise est une urgence pour refonder la confiance dans la parole publique
Nous devons changer en profondeur cette manière de construire les choix publics en France. Non pas qu'il existe une solution magique pour ne jamais se tromper ou pour satisfaire toutes les options :  justement, c'est une erreur fondatrice de l'expertocratie d'Etat, croire qu'il existe une seule vision de la hiérarchie des problèmes, une seule solution définissable a priori et un seul concile d'experts pour déterminer cela.

Pour revenir à une politique des rivières apaisée, et retrouver confiance dans la parole des autorités publiques, il faudra plusieurs conditions.

Une expertise collégiale et multidisciplinaire : on s'enferme à penser que l'écologie est affaire des écologues, l'agriculture des agronomes, l'économie des économistes etc. La réalité est complexe et hybride, l'approche par les savoirs doit l'être aussi. Un ouvrage hydraulique par exemple intéresse l'hydrologue, l'écologue, le limnologue, le sociologue, l'historien, le géographe, l'économiste, le juriste. Et plus encore les complexes d'ouvrages au sein d'un bassin versant. Avant de décider sur l'ouvrage hydraulique, ces savoirs sont requis et organisés si les données manquent. Cela n'a jamais été le cas en France, ou de manière totalement marginale par rapport aux budgets de la seule dimension écologique au sens biophysique.

Une expertise démocratisée et participative : quand on vise des décisions qui changeront la vie des citoyens, on écoute les citoyens, on analyse leurs expériences et leurs idées. Non seulement leurs associations, mais aussi des citoyens tirés au sort qui évitent le biais des acteurs sociaux engagés mais non représentatifs de la réalité sociale. Les bassins versants doivent avoir des assemblées de délibération réellement actives (ayant des enjeux de décision, non de simple enregistrement) et mener des travaux de type "jurys citoyens". La recherche scientifique appliquée dialogue avec la société sur l'objet d'application de cette recherche, en écoutant les objections et en y répondant de manière informée, non par argument d'autorité.

Une expertise non court-termiste : tant que nous serons une logique d'urgence où d'innombrables décisions doivent être prises très vite, sur la base de métriques chiffrées et faciles à cocher, il sera impossible d'avoir un travail serein. On voit ce travers partout : personne ne prend de recul car il faut aller toujours plus vite, les informations produites n'ont pas le temps d'être lues et assimilées, les échanges se réduisent à des positions superficielles, donc souvent conflictuelles. La programmation publique (française comme européenne) doit être plus modeste dans ses ambitions, mais du même coup plus solide et durable dans sa conception.

Une expertise locale et globale : un problème n'a pas qu'une solution, même si cette idée déplaît à la culture d'uniformité de l'administration française (voire parfois des citoyens français). En écologie, c'est assez évident : le vivant est fait de lieux et de liens, tout est contexte, différence et contingence, on doit d'abord étudier les milieux pour comprendre leur état et leur dynamique. Ce n'est pas depuis un centre unique que se prennent toutes les évaluations, mais sur chaque terrain cohérent avec le périmètre des décisions que l'on veut prendre. Pour autant, l'expertise n'est pas un exercice arbitraire: elle a aussi de bonnes pratiques et des méthodologies. Donc les analyses locales doivent avancer en s'informant mutuellement et en enrichissant des référentiels communs.

Une expertise transparente et responsable : enfin, l'expertise ayant acquis un poids considérable dans la décision démocratique des sociétés complexes, elle doit engager aussi sa responsabilité en pleine transparence. L'expert ne peut avoir un pied dans la politique en assumant que son savoir est orienté vers des décisions ayant des conséquences sur l'existence des citoyens et un pied hors de la politique en affirmant qu'il est neutre, indemne de toute préférence, faisant juste un travail de calcul. Il doit donc être non seulement possible, mais même tout à fait courant d'interroger l'expert dans le débat démocratique, en particulier de lui demander des explications sur ses travaux dans des enceintes de délibération publique.

En attendant que ces bonnes pratiques se répandent, les associations des riverains et des ouvrages hydrauliques doivent sensibiliser les élus aux carences démocratiques de l'expertise administrative des rivières et aux contradictions de celle-ci. Il existe en France une remise en question de plus en plus large de la confiscation du pouvoir par une technostructure qui n'est plus capable d'entendre son pays. Hélas, notre expérience sur les rivières appuie ce diagnostic. Ne nous trompons de sujet : ce n'est pas telle politique ou telle autre qui est devenue un problème sur les rivières (et d'autres domaines sans doute), mais le fait que la politique s'est inscrite dans l'expertise elle-même sans que cela fasse l'objet d'information sincère des citoyens et de débat démocratique sur les choix des experts.

11/06/2020

Huit siècles dans la vie d'un ruisseau français (Leblé et Poirot 2019)

Des fouilles et analyses d'archéologie préventive ont permis de mettre en évidence huit siècles d'évolution du fond de vallon autour d'un ruisseau de Tremblay-en-France. Cette recherche montre des variations importantes du lit, des berges, de la nappe et de l'hydraulique de surface, tenant aux occupations humaines successives, mais aussi au changement climatique lors de la phase du Petit Âge glaciaire. De tels travaux rappellent que nos cours d'eau de l'aire européenne sont des co-constructions de l'humain et du non-humain, ce que certains nomment une "socio-nature" ou une "nature hybride". Cela rend assez douteux et simplistes les discours publics actuels sur la "renaturation" de ces cours d'eau - comme s'il existait un seul modèle de nature idéale du passé à retrouver - ou sur l'existence d'un "état de référence" de ces cours d'eau par rapport auquel nous pourrions juger, dans l'absolu, de leurs propriétés physiques et écologiques. 


Photo extraite de Leblé et Poirot 2019, art cit.

Dans les années 2010, une opération d’archéologie préventive est menée au lieu-dit Chemin des Ruisseaux à Tremblay-en-France, dans le département de la Seine-Saint-Denis. Les travaux d'extension d'une entreprise y avaient révélé les vestiges d'une occupation médiévale très dense sur le versant de la vallée.

Geoffrey Leblé et Agata Poirot ont publié une analyse de l'occupation du lieu, en particulier de la morphologie du lit et des berges. L'étude du remplissage sédimentaire a mis en évidence six grandes séquences de dépôts, chacune ayant façonné la topographie et l’identité du fond de vallon. Ce schéma montrent les profils de fond de vallon qui se sont succédés dans le temps :

Extrait de Leblé et Poirot 2019, art cit.


Les six séquences organisent l'histoire du fond de vallon depuis le Moyen Age.

La séquence 1 indique les plus bas niveaux alluviaux, "un environnement de dépôt très humide, mais plus bas de près de deux mètres que la surface actuelle, et daté immédiatement après la principale phase d’occupation du site (Moyen-Âge central)". La sédimentation alluviale se réalise au gré de dépôts argileux qui colmatent le fond de la vallée, sans doute principalement le fait de l’aménagement anthropique. On ne peut exclure une occupation de type moulin ou pêcherie à cette époque.

La séquence 2 est datée par radiocarbone du XVIe au XVIIe siècles, soit pendant le Petit Âge Glaciaire (période froide dans l'Hémisphère Nord, surtout en Europe). Elle est "marquée par une nouvelle dynamique alluviale puisque le méandrage du ruisseau a laissé des traces jusque dans le transect étudié. L’incision observée en coupe n’est pas de nature anthropique comme on l’a cru à première vue, mais bien d’origine naturelle." Les années froides du petit Âge glaciaire européen sont marquées par des hivers très humides, connus pour avoir "profondément et durablement modifié les cours d’eau de plus faible énergie".

La séquence 3 a enregistré un dépôt limoneux en bas et argileux en haut, signalant un environnement hydraulique déconnecté du courant principal. Ce peut être lié aux grandes crues ont affecté le Bassin parisien au cours du XVIIe et du XVIIIe siècle. "Ces épisodes de débordement interviennent préférentiellement lorsque le lit de la rivière est encombré, aussi on peut supposer que l’entretien des berges n’était pas régulier au cours de cette période."

Les séquences 4 à 6 sont marquées surtout par la remontée du niveau de la nappe phréatique.

La séquence 4 a enregistré deux épisodes colluviaux successifs, probablement à peu de temps d’intervalle : "La présence de sédiments très calcaires pourrait être la marque de labours profonds en amont de la pente, ou bien de la mise en place massive du marnage et du chaulage comme en Sarthe au XVIIIe siècle. Au niveau régional, les XVIIIe et XIXe siècles apparaissent comme la période d’érosion la plus importante, liée à l’essor des cultures extensives et aux hivers rigoureux".

Les sédiments de la séquence 5 indiquent quant à eux "une adaptation de la nappe phréatique à la présence d’une importante quantité de sédiments qui encombrent le lit, sous la forme d’une remontée nette de la nappe". Il y a eu alors "un rehaussement significatif du lit mineur du Sausset, et donc un exhaussement de la nappe phréatique". On peut y lire la matérialisation physique du lit majeur sur un versant voué à l’agriculture. La séquence 6 est essentiellement constituée de remblais contemporains.

Les auteurs concluent notamment : "les conséquences du Petit Âge Glaciaire peuvent être facilement appréciées au sein de tels contextes, et la mise en œuvre d’études sédimentaires plus complètes et systématiques pourraient permettre à terme d’évaluer les débits moyens des crues qui ont sévi à cette période. Dans le contexte de déstabilisation climatique rapide que nous connaissons, ces connaissances pourraient être utiles pour l’anticipation des risques au niveau local et régional".

Discussion
Cette étude rappelle que la morphologie des bassins versants et des cours d'eau évolue sans cesse dans le temps, et que l'on ne peut s'abstraire des occupations humaines pour la comprendre. Elle pose d'intéressantes questions quand on applique ses enseignements aux politiques publiques de l'eau menées en France et en Europe.

Comme on le sait, les pouvoirs publics en charge de l'écologie des milieux aquatiques ont adopté en France un paradigme de la "renaturation" ou "restauration de la nature", de manière assez peu débattue, essentiellement sous l'influence d'experts ayant une représentation biophysique de la nature. Mais de quelle "nature" parle-t-on ici, alors que les paramètres d'évolution du ruisseau sont sous influence humaine de longue date (et le restent bien entendu, à diverses échelles de temps et d'espace)? Pareillement, la directive cadre européenne sur l'eau - conçue en comité assez restreint dans les années 1990, avec des experts partageant le même type d'approche biophysique - a affirmé que l'on devait juger un cours d'eau selon un "état de référence" adossé à l'état de milieux très peu ou pas anthropisés. Mais là encore, que signifie cette référence dont l'humain serait exclu ou quasi-exclu? En quoi doit-on s'y référer si les cours d'eau ont une existence sociale autant que physique? De fil en aiguille, quelles réalités biologiques et morphologiques retient-on comme "dans la norme", quelles réalités humaines exclut-on comme "hors de la norme"?

Quand un pouvoir veut s'exercer en minimisant les contradictions, il a parfois recours à un procédé que l'on nomme la naturalisation : laisser entendre qu'une option est "dans la nature des choses", c'est dire qu'on ne peut pas vraiment s'y opposer puisqu'il en est ainsi. L'idéal du cours d'eau naturel agit parfois de la sorte pour ses promoteurs : que leur vision soit la seule vision que l'on puisse avoir puisque telle serait la "vraie" nature du cours d'eau. Nous devons identifier, dénoncer et renverser ce procédé rhétorique partout où il s'exerce : il n'y a jamais que des choix humains. La renaturation en est un, bien sûr, mais parmi d'autres, ni plus ni moins légitime en soi que d'autres. Et loin d'être l'apanage d'experts décidant seuls des règles, de tels choix doivent toujours se justifier démocratiquement, en particulier quand ils impliquent dépenses publiques et contraintes normatives.

Référence : Leblé G., A. Poirot (2019), Rythmes d’évolution d’un fond de vallon du Moyen-Âge à l’époque moderne : étude géoarchéologique de la haute vallée du Sausset (Tremblay-en-France), Géomorphologie : relief, processus, environnement, 25, 1, 69-78.

10/06/2020

Le syndicat des énergies renouvelables appelle à une relance bas-carbone, avec l'énergie des rivières

Dans un dossier venant de paraître et adressé aux décideurs, le syndicat des énergies renouvelables (SER) appelle à la relance énergétique bas-carbone. C'est un marché de 300 milliards d'euros, dont une bonne part est perdue aujourd'hui en importation d'énergie fossile, ce qui est mauvais pour la stabilité du climat comme pour la balance commerciale. Parmi les énergies renouvelables à soutenir : l'énergie de l'eau, présente sur le linéaire exceptionnel de 500 000 km de cours d'eau que compte notre pays. Extraits du document.


Extraits du SER

La crise sanitaire qui frappe la planète depuis plusieurs mois va générer des bouleversements majeurs. L’économie française est violemment impactée et il faudra du temps pour que l’ensemble des indicateurs socio-économiques retrouvent une trajectoire positive. 


Cette situation particulièrement difficile nous donne néanmoins, collectivement, une opportunité inédite : celle d’ancrer les choix économiques, politiques et énergétiques dans la transition énergétique et d’en faire le levier essentiel du redémarrage de l’économie.

Depuis plusieurs semaines, les différentes formes d’énergies renouvelables ont démontré leur très grande résilience sur le plan technique. Leur caractère décentralisé a participé de manière importante à la sécurité d’approvisionnement du pays dans des conditions sanitaires et de sécurité satisfaisantes.

Dans les prochains mois et années, les énergies renouvelables permettront d’apporter des réponses concrètes aux trois objectifs qui doivent orienter le plan de relance : 
favoriser la création d’emplois et de valeur ajoutée dans nos territoires ; 
décarboner notre économie (en particulier dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment et de la mobilité), seule garantie de générer des emplois et des activités durables  ; 
et développer la filière industrielle des énergies renouvelables en France.

Sur la base d’un marché intérieur solide, les entreprises françaises seront, par ailleurs, mieux armées pour l’export sur un marché annuel représentant près de 300 milliards d’euros (...)

Hydro-électricité

Mesure 1
Garantir la pérennité et faciliter le développement du parc hydroélectrique.

  • Donner de la visibilité aux acteurs de la filière sur les modalités et perspectives de mise en concurrence et de prolongation des concessions hydroélectriques ;
  • Lancer des procédures d’octroi par mise en concurrence de nouvelles concessions sur sites vierges ;
  • Réévaluer toute mesure visant ou conduisant à brider les capacités de flexibilité de l’hydroélectricité de façon à les limiter pour faciliter l’insertion des autres énergies renouvelables.
  • Réintroduire la possibilité d’autoriser en procédure simplifiée les activités hydro accessoires d’une activité principale déjà autorisée ;
  • Accélérer la mise en œuvre des rénovations des centrales de moins de 4,5MW en publiant au plus tôt l’arrêté fixant les conditions du complément de rémunération pour ces installations ;
  • Accompagner la mise en œuvre des dispositions de l’article 43 de la loi énergie-climat permettant des augmentations de puissance, sans prolongation de la durée de la concession, pour faire des travaux sur les aménagements hydroélectriques un levier d’entrainement de l’écosystème industriel de PME et ETI de la filière ;
  • Sensibiliser les préfets à l’instruction rapide des projets EnR, en particulier aux lauréats des Appels d’Offres CRE, pour permettre leur construction au plus tôt.

Mesure 2
Mieux concilier hydroélectricité et continuité écologique, dans la droite ligne du plan de politique apaisée de restauration de la continuité écologique.

  • Systématiser les démarches d’analyses coût-efficacité sur les mesures préconisées ;
  • Mettre en œuvre et sécuriser juridiquement la priorisation des mises en conformité des ouvrages ;
  • Étudier les possibilités de révision de classement des cours d’eau, au cas-par-cas et sur la base de critères scientifiques.

Mesure 3
Éviter la caducité des autorisations de travaux régulièrement accordées avant le début des mesures de confinement et permettre leur exécution hors des périodes et délais prescrits, dès la reprise de l’activité et pour une durée supplémentaire d’une année.

Source : SER 2020, Les énergies renouvelables : un levier de la relance économique 

Commentaire
L'association Hydrauxois considère que la priorité doit être donnée à l'équipement des ouvrages en place. Il existe au moins 20 000 moulins pouvant être relancés (voir le travail de recherche de Punys et al 2019) et des milliers de barrages ayant d'autres usages (eau potable, irrigation, navigation, loisirs, régulation de crue), mais pas d'équipement hydro-électrique. Avant d'envisager de nouvelles constructions et artificialisations, c'est d'abord l'équipement de ces sites présents depuis longtemps, ne créant pas de nouveaux impacts sur les riverains ou sur le vivant, qui doit être soutenu. Il serait fort peu écologique de continuer la politique actuelle qui consiste à détruire des ouvrages existants et leurs milieux — dont certains ont acquis de la biodiversité — pour en construire d'autres. C'est aux antipodes de l'esprit de sobriété et de ré-usage qui est censé être à l'oeuvre dans une transition énergétique. De surcroit, les moulins et usines à eau historiques se sont souvent installés dans des lieux les plus propices à l'usage énergétique, comme l'a observé la recherche (voir Edgeworth 2018), donc il serait assez aberrant de ne pas profiter de cette continuité historique.

Un autre besoin est la visibilité des politiques publiques sur le soutien durable à la filière de petite hydro-électricité. Le prix des équipements - qui est un obstacle sur des marchés trop restreints - ne peut baisser que s'il existe une perpective de développement assurée sur un grand nombre de sites, permettant notamment de relancer des lignes de production standardisée de turbines, de roues, de vis ou d'hydroliennes. Les atermoiements des choix publics et la complexité inutile (pour les sites en place) des dossiers nuisent considérablement à ce développement industriel et commercial depuis 10 ans.

02/06/2020

Les parlementaires observent que la continuité écologique des rivières n'est pas apaisée pour les moulins

Trois députés et sénateurs ont posé des questions écrites à Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le sort réservé aux moulins et autres ouvrages hydrauliques. Cette actualité parlementaire suggère que la continuité dite "écologique" n'est toujours pas "apaisée", comme le voulait le plan du gouvernement lancé à la va-vite en 2018. Et pour cause : la haute administration refuse de reconnaître explicitement la valeur des ouvrages en rivière (énergie, patrimoine, économie locale, paysage, rétention d'eau, milieux aquatiques et humides) donc l'absence d'intérêt général à financer sur argent public une politique de destruction, malgré les protestations permanentes de riverains et élus depuis 10 ans. C'est devenu un véritable point noir dans les politiques d'écologie, qui ont besoin d'efficacité et de consensus, non de gabegie et de conflit. A l'heure où le pays traverse une crise sanitaire, économique et sociale, avec besoin de territoires qui valorisent toutes leurs ressources, un changement de doctrine et de méthode s'impose pour dépasser les erreurs des années 2000 et 2010. Mais il n'est toujours pas au rendez-vous. 



Image Ouest-France, DR

Valoriser le patrimoine hydraulique des rivières
Question n° 29774 de M. Pascal Brindeau, député
M. Pascal Brindeau attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la valorisation du patrimoine hydraulique des rivières françaises. Depuis le début de la crise sanitaire, les petites centrales hydroélectriques ont continué à produire de l'énergie bas-carbone, les moulins ont repris ou augmenté la production locale de farine et d'huile face aux difficultés d'approvisionnement, mettant en lumière l'importance des moulins, retenues, barrages, canaux et de tous les ouvrages hydrauliques que comptent les cours d'eau français. Or, depuis des années, le patrimoine hydraulique français est particulièrement menacé et beaucoup d'ouvrages sont détruits par décision des représentants de l'État ou des agences de l'eau, alors même que ces ouvrages sont acteurs de la transition écologique, qu'ils favorisent les circuits courts et la production locale, qu'ils contribuent à retenir et répartir l'eau tout au long de l'année et qu'ils apportent des zones refuges pour le vivant aquatique. La pesanteur administrative et le manque d'autonomie locale semblent aller à l'encontre d'une politique de l'eau qui serve l'intérêt général et la préservation de la biodiversité. Parmi les mesures urgentes à mettre en place pour préserver et valoriser le patrimoine hydraulique des rivières françaises, il semble indispensable de prendre sans attendre un moratoire sur la destruction des ouvrages hydrauliques et de se montrer enfin à l'écoute des associations locales très engagées pour la mise en place de solutions adaptées aux réalités de terrain et aux impératifs environnementaux. Il souhaite donc connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour la préservation et la valorisation du patrimoine hydraulique des rivières françaises.

Démolition d'un patrimoine centenaire et de ses zones humides
Question écrite n° 14382 de M. Jean-Marie Janssens, sénateur
M. Jean-Marie Janssens attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la question de la préservation et de la sauvegarde des moulins à eau. Selon l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l'écoulement nécessaire pour préserver la biodiversité serait empêché par plus de 60 000 obstacles dont les barrages, les moulins à eau et les écluses, mettant en péril la continuité écologique des espèces et des sédiments entre les cours d'eau. Au nom de cette politique de continuité écologique, la destruction de centaines de moulins à eau est ainsi envisagée, synonyme de démolition pure et simple de notre patrimoine français. Dans le département du Loir-et-Cher, un moulin construit il y a près de 400 ans est ainsi menacé de destruction, alors même qu'il n'a jamais suscité la moindre controverse. Cette politique s'avèrerait en réalité désastreuse pour la sauvegarde et la protection des zones humides, véritables viviers de la faune et de la flore dans nos territoires. Ce sont en effet des milliers d'écosystèmes qui se retrouveraient menacés par ces destructions indirectes de milieux sauvages qui entraînent des ruptures d'équilibres naturels. Enfin, ces destructions de moulins entraveraient le développement de la microélectricité, générant pour certains moulins, des ressources économiques et énergétiques importantes. Aujourd'hui, trente-trois associations ont déposé des recours contre les propositions d'arasement, d'effacement, au nom de la continuité écologique. Il souhaite savoir si le Gouvernement entend empêcher la destruction des moulins à eau et faire évoluer la politique de continuité écologique pour la rendre plus respectueuse du patrimoine culturel français et de la biodiversité.

Blocage et manque de bon sens de l'administration
Question écrite n° 15101 de M. Jean Louis Masson, sénateur
M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur le fait que le moulin de Fouligny (Moselle) est un des rares moulins à eau qui continue à fonctionner dans l'est de la France. Depuis plus de cinq siècles, il fournit une farine qui est particulièrement appréciée par les boulangers lorrains. Or le propriétaire de ce moulin doit faire des aménagements et depuis plusieurs années, il se heurte au blocage des services de l'État, lesquels ne veulent pas comprendre qu'un moulin à eau doit se situer en bordure d'une rivière et donc en zone humide. C'est toute la différence avec un moulin à vent, qui lui, doit se trouver en haut d'une colline. Dans la mesure où ce moulin fonctionne depuis plusieurs siècles et que comme tout moulin à eau, il est confronté aux variations de débit de la rivière, il lui demande s'il serait possible de faire preuve d'un peu de bon sens, faute de quoi plusieurs emplois qui existent depuis des siècles et une activité artisanale faisant partie du patrimoine historique seraient amenés à disparaître.