29/01/2016

Amendements à l'article L-214-17 CE: la continuité écologique commence timidement à se réformer


Le Sénat vient d'adopter dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité deux amendements à l'article L 214-17 du Code de l'Environnement. Ces amendements ont pour objet d'une part de privilégier l'aménagement à l'effacement chaque fois qu'une analyse coût-avantage en démontre l'intérêt ; d'autre part d'accorder un délai supplémentaire de trois ans pour les propriétaire ayant engagé les premières démarches de mise en conformité. Nous les reproduisons ci-dessous en même temps que les prises de parole de Ségolène Royal, où la Ministre de l'Ecologie confirme son souhait clair de "mettre un terme aux destructions de petits ouvrages et de moulins". La Ministre annonce également sa volonté de saisir les agences de l'eau afin d'envisager un régime différent de financement. L'Assemblée nationale doit encore voter le texte définitif de la loi. 

Premier amendement : « Dans le cadre de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau visée à l’article L. 211-1, ces règles visent la conciliation du rétablissement de la continuité écologique avec les différents usages de l’eau, en particulier le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable. À cette fin, elles privilégient les mesures d’aménagement ou de gestion des ouvrages à chaque fois que le bilan entre les coûts et les avantages desdites mesures en comparaison d’une mesure d’effacement le justifie. »

Mme Ségolène Royal, ministre. La discussion porte sur le juste équilibre entre la restauration de la continuité écologique sur les cours d’eau classés, d’une part, et l’utilisation des ouvrages existants, le coût d’arasement de ces ouvrages et les conséquences de leur suppression, d’autre part.

Les technologies ont évolué. Nous en avions débattu ici lors de l’examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. En particulier, la problématique de la disparition des moulins, ce patrimoine français, avait été évoquée.

À la suite du débat parlementaire, j’ai donné instruction aux préfets de mettre un terme aux destructions de petits ouvrages et de moulins, dans l’attente d’un examen plus approfondi de la situation.

Il est effectivement apparu qu’il était parfaitement possible de concilier, en recourant à des techniques nouvelles, la restauration de la continuité écologique, notamment au bénéfice des poissons, et le maintien de l’activité de petite hydroélectricité.

Dans cette perspective, j’ai publié un cahier des charges dans le cadre de l’appel d’offres pour la petite hydroélectricité, visant à concilier la production d’énergie renouvelable et la protection des milieux aquatiques, ainsi qu’un projet de charte sur l’utilisation des moulins.

Deuxièmement, une instruction a été adressée à tous les préfets pour mettre un terme aux destructions de moulins et de petits barrages et remettre à plat les dossiers, afin d’identifier les sites où il a été possible de concilier l’utilisation des petits ouvrages de production d’hydroélectricité et la restauration des continuités écologiques.

Troisièmement, j’ai confié au Conseil général de l’environnement et du développement durable une mission sur les sites conflictuels. En effet, certaines destructions d’ouvrage, du fait de leur coût exorbitant, n’ont pu être réalisées ou l’ont été avec des conséquences encore plus destructrices pour l’environnement que le maintien des installations.

Quatrièmement, l’action des syndicats de rivière est encouragée dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

Enfin, les subventions de l’agence de l’eau sont mobilisées. Elles peuvent représenter de 30 % à 80 % des objectifs.



Second amendement : «Lorsque les travaux permettant la réalisation des obligations découlant du 2° du I n’ont pu être effectués dans le délai de cinq ans susvisé, mais que le dossier relatif aux propositions d’aménagement ou de changement de modalités de gestion de l’ouvrage a été déposé auprès des services de police de l’eau, le propriétaire ou à défaut l’exploitant de l’ouvrage dispose d’un délai supplémentaire de trois années pour les réaliser.»

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement émet un avis de sagesse bienveillante… Le dispositif de ces amendements prévoyant explicitement que seuls les propriétaires ou exploitants ayant effectivement déposé leur dossier auprès de l’autorité administrative pourront bénéficier d’un délai supplémentaire, les autres ne pourront s’en prévaloir.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, de nouvelles techniques sont disponibles. Ainsi, dans ma région, j’ai fait réaliser l’aménagement d’un petit barrage qui devait être arasé : une solution permettant de concilier restauration de la continuité écologique et production d’hydroélectricité a été trouvée. Ce petit barrage produit aujourd'hui l’électricité nécessaire à une commune de 5 000 habitants. Il convient d’identifier et de diffuser les bonnes pratiques. À cet égard, j’ai demandé aux préfets de mettre fin aux arasements, notamment à la destruction des moulins, et de prendre en considération les nouvelles techniques.

Le problème étant avant tout d’ordre financier, je vais réfléchir à une réforme des subventions des agences de l’eau, afin que les propriétaires soient fortement incités à effectuer les travaux dans un délai assez bref, en recourant à des solutions permettant de trouver un juste équilibre entre le maintien des ouvrages et de leur fonction agricole ou énergétique et la restauration de la continuité écologique. Je suis convaincue que, dans la plupart des cas, des solutions de conciliation peuvent être trouvées, pour peu que l’on mette en place les moyens financiers d’accompagnement nécessaires. Je vais saisir les agences de l’eau à ce sujet.

Nos commentaires
Ces amendements comme les commentaires de Mme la Ministre vont dans la bonne direction, à savoir une évolution de la réforme de continuité écologique dans le sens d'un plus grand respect des ouvrages hydrauliques. C'est donc un désaveu supplémentaire des choix administratifs autoritaires et agressifs effectués depuis le Parce 2009 et la classement 2012-2013. Par souci de cohérence, il serait souhaitable que les discussions sur la mise en oeuvre de la continuité écologique ne se poursuivent pas avec les mêmes hauts fonctionnaires de la Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Ecologie, fonctionnaires aujourd'hui désavoués pour leurs partis-pris, et pour les troubles considérables que ces préjugés ont suscité et suscitent encore au bord des rivières.

On exprimera toutefois des réserves importantes sur ces amendements:
  • il est dommage que le terme "effacement" ait été introduit dans le Code dont il était absent jusqu'à présent. Députés et sénateurs n'avaient jamais demandé d'araser ou déraser les ouvrages hydrauliques en 2006 (loi sur l'eau et les milieux aquatiques) comme en 2009 (loi de Grenelle);
  • l'analyse-coût-avantage (ACA) doit impérativement faire l'objet d'une concertation et d'une "normalisation" pour sa mise en oeuvre. Nous voyons en effet couramment passer des supposées ACA qui surévaluent les bénéfices écologiques et sous-évaluent les divers avantages des ouvrages (potentiel énergétique, réserve d'eau, soutien de nappe, paysage, patrimoine, culture, etc.). Tous les services matériels et immatériels rendus par les ouvrages doivent être intégrés dans l'ACA, de même que la valeur foncière du droit d'eau (sa compensation en cas d'altération ou suppresion) et le potentiel de production énergétique. Nous allons travailler à une grille d'analyse réaliste et équilibrée, et nous encourageons les parties prenantes du débat national à en exiger la construction collective, pour éviter l'arbitraire des services instructeurs (comme des bureaux d'études privés dont chacun sait qu'ils tendent à conclure dans le sens souhaité par leur principal financeur public — les Agences de l'eau);
  • le délai de trois ans est bienvenu pour certains maîtres d'ouvrage engagés dans le processus de mise en conformité, mais notre position reste celle d'un moratoire. En effet, nombre de travaux même préparatoires ne sont pas engagés sur la mise en conformité des ouvrages, en raison du nombre irréaliste d'ouvrages classés et du blocage lié à la volonté prioritaire d'effacer, ou d'imposer des dispositifs hors de prix à faible subvention, décourageant les maîtres d'ouvrages de s'engager ; l'administration ne satisfait toujours pas à son obligation (inscrite dans la loi) de proposer des règles motivées de gestion et équipement; les problèmes de fond (absence de justification écologique sérieuse, absence de financement public des aménagements à coûts exorbitants) se poseront dans 3 ans comme ils se posent aujourd'hui. 
La continuité écologique n'a pas besoin de mesurettes symboliques, mais d'une évolution substantielle de sa gouvernance, de ses méthodes, de ses financements.

Illustration : extrait d'un clip de propagande Onema-Agence de l'eau, où les ouvrages hydrauliques sont réduits indistinctement à des altérations morphologiques et piscicoles. Tant que l'on n'aura pas un diagnostic scientifique du poids réel des petits ouvrages sur la qualité des milieux et tant que les différentes dimensions de ces ouvrages (paysage, patrimoine, culture, énergie) ne seront pas assumées comme relevant elles aussi d'un intérêt général à préserver, la mise en oeuvre de la continuité écologique sera conflictuelle.

23/01/2016

Mission parlementaire Dubois-Vigier: trop en retrait par rapport aux problèmes de la continuité écologique

Les députés Françoise Dubois et Jean-Pierre Vigier viennent de présenter leur rapport de mission parlementaire sur les continuités écologiques aquatiques. Ce document contient certains éléments positifs, comme la demande à l'Etat de chiffrer les coûts réels de la continuité écologique ou la proposition de prioriser les enjeux sur les rivières avec présence attestée de grands migrateurs. Mais le rapport est dans l'ensemble en retrait par rapport aux problèmes rencontrés sur le terrain, notamment les coûts exorbitants pour les particuliers et les petites exploitations comme le refus de la majorité des propriétaires de détruire leurs ouvrages face à des enjeux environnementaux très modestes. De même, la politique de continuité écologique ne peut pas continuer sans un audit scientifique de ses méthodes et de ses résultats. Nous ferons savoir aux élus que cette absence d'écoute persistante sur les problèmes de fond entrave toute mise en oeuvre apaisée de la réforme. 


Voici tout d'abord la liste des orientations et propositions du rapport présenté par les deux élus.
Orientation n°1 : définir les priorités sur les grands cours d’eau migrateurs 
– Introduire un niveau de priorité supplémentaire au sein de la liste 2, réservé aux cours d’eau sur lesquels sont présents les grands migrateurs.
– Garantir un financement intégral des travaux de restauration des continuités écologiques aquatiques sur les cours d’eau classés « grands migrateurs ».
– Baisser la fiscalité sur les aménagements favorables à la continuité écologique. 
Orientation n°2 : Coordonner la gouvernance locale 
– Généraliser l’élaboration de SAGE à l’ensemble des cours d’eau.
– Généraliser la constitution des établissements publics d’aménagements et de gestion de l’eau (EPAGE) essentiels à l’élaboration et à la mise en œuvre partenariale avec les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) de la politique de l’eau dans les bassins. 
Orientation n°3 : Renforcer la protection des poissons migrateurs
– Mettre en place une politique de gestion des prédateurs compatible avec la présence des migrateurs, en particulier le silure.
–Mettre en place une politique de gestion de la pêche (amateur et professionnelle) compatible avec la protection et la valorisation des populations de migrateurs, qui limite les méthodes susceptibles d’entraîner des captures accidentelles.
– Renforcer les opérations de contrôle de la pêche sur les cours d’eau où sont présents des poissons migrateurs.
– Garantir un niveau de qualité de l’eau dans les zones de reproduction compatible avec les exigences biologiques des espèces de migrateurs visées.
– Améliorer la compréhension des effets de l’anthropisation des cours d’eau sur les poissons migrateurs afin de garantir une restauration durable de leurs populations.
– Soutenir les programmes de recherche destinés à améliorer l’efficacité des passes à poissons et à réduire les coûts d’installation et d’entretien.
– Permettre aux investissements d’avenir de financer des actions destinées à protéger la biodiversité, notamment dans le domaine de la recherche et du développement. 
Orientation n°4 : Mieux communiquer sur le sujet des continuités écologiques aquatiques 
– Lorsqu’une opération d’aménagement ou d’effacement est envisagée, diffuser une fiche pédagogique rappelant les retombées positives attendues de l’opération.
– Sensibiliser les élus locaux aux enjeux liés à la restauration des continuités écologiques aquatiques afin de donner une impulsion nouvelle à cette politique publique.
– Accroître le soutien financier aux associations impliquées dans la sensibilisation des publics scolaires aux enjeux de la continuité écologique aquatique. 
Orientation n°5 : Garantir un meilleur accompagnement des propriétaires d’ouvrages 
– Permettre aux notaires d’informer les acheteurs de moulins de leurs devoirs en matière d’entretien de l’ouvrage.
– Créer, au sein des directions départementales des territoires, une unité capable, sur demande, d’entretenir les ouvrages en lieu et place des propriétaires. 
Orientation n°6 : Acquérir l’information indispensable à la planification des opérations d’aménagements et se donner les moyens de les réaliser 
– Créer une base de données recensant l’ensemble des travaux de restauration des continuités écologiques aquatiques menés en France et évaluant leur coût. Cette base de données pourrait être gérée par les agences de l’eau. Outre son caractère informatif, elle renforcerait le partage d’expériences.
– Estimer le coût global des travaux de restauration des continuités écologiques nécessaires pour atteindre les objectifs en matière d’atteinte du bon état écologique des eaux.

Points positifs
  • Le rapport Dubois-Vigier reconnaît certains dysfonctionnements de la politique de l'eau, en particulier l'incapacité de l'administration à chiffrer le coût de la réforme et à en garantir le financement. Qu'on en soit à ce niveau de carence d'information dix ans après la Lema 2006, six ans après le Parce 2009 et quatre ans après le classement des rivières aurait pu être jugé plus sévèrement. 
  • Il est acté qu'avec 15.000 ouvrages à aménager en liste 2 et seulement 600 ouvrages aménagés par an en métropole, le délai de 2017 ne peut être tenu. Il faudrait un rythme six fois plus rapide pour arriver au résultat attendu. On en est très loin, d'autant que seuls les ouvrages les plus "simples" ont été aménagés à ce jour (accord du maître d'ouvrage et des riverains, financement disponible pour la solution retenue).
  • La volonté de recentrer la continuité écologique sur les axes grands migrateurs nous paraît une bonne chose. Les élus sont réalistes et demandent à l'avance que ce recentrage se fasse sur des cours d'eau où la présence des poissons est avérée (et non potentielle, comme le défendent souvent les services instructeurs). Mais il faut que la création d'une nouvelle liste prioritaire grands migrateurs se traduise par un déclassement des listes 2 non prioritaires (où, par exemple, l'aménagement pourrait devenir volontaire et non obligatoire).
  • L'action sur les notaires (transfert de droit d'eau, information des devoirs des propriétaires) est nécessaire, le CGEDD l'avait préconisé en 2012 déjà... sans effet, comme la plupart des recommandations jamais suivies par le Ministère. 
  • Il est appréciable que l'impact de la pêche commence à être reconnu, même si nous sommes loin de la demande d'une vraie analyse scientifique de ses effets passés et présents (demande déjà formulée en réunion à la Direction de l'eau et de la biodiversité, mais non reprise par le Ministère et l'Onema, probablement en raison du poids du lobby FNPF dans la politique de l'eau).
  • Il est également opportun que les élus rappellent le caractère non-automatique des effacements et demandent des efforts accrus pour des dispositifs de franchissement plus efficaces et moins coûteux.

Points négatifs
  • Le rapport reprend de manière non critique bien des éléments sur la continuité écologique n'ayant qu'une base scientifique faible, et un certain nombre d'idées reçues. Par exemple, il est encore prétendu que les barrages nuisent à l'auto-épuration des cours d'eau, ce qui est contredit par de nombreuses recherches. Quand va donc cesser la langue de bois de certains fonctionnaires et gestionnaires?
  • Plus généralement, le rapport évite la question centrale de l'analyse coût-avantage de l'ensemble de la réforme (pas seulement de tel ou tel projet local), notamment la faible probabilité que les démantèlements de masse changent l'état écologique et chimique des rivières au sens de la DCE 2000. Là aussi, on aurait pu espérer des attentes parlementaires nettement plus fermes sur l'impératif de rationalité, d'efficience et de transparence des politiques publiques.
  • Il est tout à fait paradoxal de souhaiter la défragmentation des cours d'eau et de craindre l'impact des espèces invasives (l'effacement pose problème de ce point de vue, comme nous l'avons montré). 
  • Certains coûts avancés (par exemple le coût annuel d'entretien des passes à poissons selon une étude LOGRAMI-Lyonnaise des eaux) sont disproportionnés pour les petits aménagements et donnent une image déformée de la réalité. 
  • Le problème économique est très euphémisé : les solutions non destructives de continuité sont inabordables pour les petits ouvrages particuliers, qui forment plus de 80% des cibles du classement des rivières. Le problème reste entier, et le refus des effacements (seule solution efficacement subventionnée) n'est pas acté comme une réponse sociale forte aux choix centralisés et autoritaires du Ministère ou des Agences de l'eau.
  • Il est totalement irréaliste de vouloir confier aux DDT-M (services instructeurs de l'administration déconcentrée) une mission de maîtrise d'ouvrage a fortiori de maîtrise d'oeuvre par délégation.
  • La position des représentants des riverains, des moulins et des ouvrages hydrauliques est soit passée sous silence, soit caricaturée. Nous n'acceptons pas le slogan vide selon lequel la réforme souffre d'un problème de compréhension et de pédagogie : la continuité écologique est fort bien comprise, et elle n'est pas acceptée pour ce qu'elle est, en particulier quand elle s'adresse à l'hydraulique ancienne et modeste des moulins à eau.
  • Le rapport oublie largement tous les aspects négatifs de la continuité écologique sur le patrimoine, sur le paysage, sur le potentiel énergétique, sur les usages locaux des ouvrages et sur la valeur foncière des propriétés affectées. Et inversement, il néglige les services rendus par les écosystèmes aménagés. Autant dire qu'il laisse de côté la plupart des motifs d'opposition sur le terrain.
Au final, on voit que les points négatifs sont plus nombreux et plus importants que les points positifs. Les élus ont fait un seul déplacement de terrain (en Sarthe) pour rencontrer des moulins et, de toute évidence, ils n'ont pas assez enquêté sur les problèmes rencontrés par les propriétaires et riverains (nous leur avions proposé une audition et une visite, ils n'ont pas donné suite). Pourtant, ces problèmes sont désormais abondemment couverts par les médias, comme ils sont reconnus par certaines Agences de l'eau. Ils sont proclamés par les 1000 élus et 250 institutions soutenant le moratoire sur le classement des rivières, soit 120.000 personnes déjà représentées au bord des cours d'eau classés. La réforme de continuité écologique est inapplicable en l'état : ce qui aurait dû être le principal message de la mission Dubois-Vigier reste inaudible dans leur rapport.

Illustration : ouvrage fondé en titre sur l'Ignon. Les moulins et petites usines à eau sont largement majoritaires sur les rivières classées en liste 2, sans nécessairement d'enjeu migrateur immédiat et sans impact sédimentaire notable. Rappelons que l'essentiel de la littérature scientifique sur la continuité écologique concerne l'impact des grands barrages, et non de la petite hydraulique.

17/01/2016

Effacement de Nod-sur-Seine: simple déclaration et pas d'enquête publique malgré 500 m de rivière modifiés


L'effacement du barrage de Nod-sur-Seine (voir ici et ici) fait partie des opérations à peu près inutiles dont sont friands les syndicats de rivière (ici le Sicec) et l'administration (DDT, Onema, Agence de l'eau). La qualité piscicole de la Seine au droit du tronçon (mesurée par IPR) est bonne ou excellente dans les relevés disponibles, ce qui ne montrait pas d'urgence particulière à intervenir au motif d'améliorer ce compartiment. Et l'ouvrage offrait des profils intéressants, notamment une profonde fosse de dissipation aujourd'hui recouverte des sédiments remobilisés. A notre grande surprise, le syndicat a procédé à une simple déclaration pour cette opération, alors que plus de 500 m de profil de rivière sont changés. Nous attendons de l'administration une explication. Le syndicat n'a quant à lui jamais répondu à nos courriers...

A l'occasion d'une réunion de concertation chez un adhérent ayant des problèmes de niveau légal de retenue, M. le Sous-Préfet de Montbard nous avait garanti la totale impartialité de l'Etat sur le dossier des ouvrages hydrauliques. Nous lui avions alors signalé que nous ne doutions pas de cette impartialité, mais que nous nous permettrions de la mettre à l'épreuve prochainement. C'est chose faite avec une demande d'information envoyée le 17 novembre 2015, et à ce jour sans réponse.

Nous avons exposé les faits comme il est reporté ci-dessous. Le principal problème : cette destruction d'ouvrage ayant modifié le biotope local et le profil de la rivière sur plus de 100 m (ainsi que les frayères) n'a fait l'objet que d'une déclaration simple, pas d'une autorisation. Donc pas d'enquête publique. Petite destruction de complaisance entre amis qui partagent la même idéologie?  Nous attendons que la Préfecture se positionne clairement sur ce dossier, d'autant que plusieurs autres effacements sont programmés en 2016 par le Sicec, avec dans certains cas de fortes interrogations de riverains sur l'avenir des écoulements.

Dans ce cas de Nod-sur-Seine, nous n'avons pas non plus trouvé trace de l'arrêté préfectoral abrogeant le droit d'eau ou le règlement d'eau, d'analyse chimique des sédiments renvoyés à l'aval de la rivière, d'estimation des espèces invasives, de bilan des nutriments avant/après ni bien sûr d'objectifs de résultat. Les mêmes gestionnaires et fonctionnaires affirmant que les ouvrages ont des impacts font comme si les effacements des ouvrages n'en avaient pas, alors que ces opérations sur lit mineur modifient un équilibre local établi de longue date. Le cas de Nod-sur-Seine a tout d'un chantier à la sauvette qui permet de baisser artificiellement les charges des opérations d'effacement pour prétendre ensuite qu'elles sont en moyenne moins coûteuses à la collectivité que les aménagements (ou le statu quo quand l'ouvrage n'est manifestement pas un problème grave pour les milieux.)

Les faits
A l’automne 2014 a été envoyée à la DDT 21 par le SICEC une déclaration relative aux travaux d’effacement de l’ouvrage Floriet à Nod-sur-Seine : cf récépissé dossier n° 21-2014-00110.

Il est fait état d’un régime de « déclaration » au titre de l’article R 214-1 C Env. 3.1.2.0 : « Installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3,1,4,0 ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau sur une longueur de cours d'eau inférieure à 100 m. Le lit mineur d'un cours d'eau est l'espace recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant débordement. »

Nous contestons que l’effacement de l’ouvrage Floriet à Nod-sur-Seine implique une modification du lit mineur sur moins de 100 m, tant au regard des résultats visibles du chantier survenu depuis qu’au regard des mécanismes de l’hydrodynamique fluviale appliqués au cas analysé.

Notre demande
Nous demandons au SICEC une copie du dossier de déclaration (pour comprendre le calcul et la modélisation effectués) et le cas échéant une copie du contrôle DDT ou Onema ayant validé l’instruction.

Nous souhaitons si besoin (pour ce cas, pour les effacements programmés et pour nos adhérents) que la DDT précise la notion de « profil en long » et les méthodes de calcul de ce profil dans un dossier loi sur l’eau.

Nos observations
L’influence d’un ouvrage sur le profil en long concerne aussi bien la ligne d’eau et d’énergie que le substrat de la rivière. Cette influence regarde la zone amont et la zone aval. La suppression d’un ouvrage provoque un abaissement de la ligne d’eau,  un phénomène d’érosion régressive avec réactivation de l’érosion latérale amont et un phénomène de sur-alluvionnement aval, associé à la reprise du transport de charge solide (JR Malavoi et D Salgues, Arasement et dérasement de seuil, Onema et Cemagref 2011).

Une influence de moins de 100 mètres sur le profil en long (fond, berge, ligne d’eau) est rarissime pour un ouvrage hydraulique sur les rivières du Châtillonais, dont les pentes sont relativement faibles (le plus souvent entre 0,2 et 0,8%, cf profil IGN et données in SICEC – FDAAPPMA 21, Etude des peuplements macrobenthique et piscicoles de la Seine et de ses affluents au regard de la qualité physique et chimique de l'hydrosystème, 2011).

A titre d’exemple, un ouvrage de seulement 40 cm sur une rivière de pente 0,5% a une influence de l’ordre de 100 m sur le linéaire de la rivière (env. 80 m amont en remous liquide et solide, env. 20 m aval en déficit sédimentaire).


Illustration n°1 : ouvrage avant effacement
L’examen de l’ouvrage Floriet avant effacement (ci-dessus) montre que les vannes de l’ouvrage avaient été retirées, mais que le seuil et radier résiduels représentaient une hauteur que l’on peut estimer visuellement supérieure à 1 m par rapport à la ligne d’eau. Le seuil était de type poids avec une face aval en pente, la chute visible sur l’image étant la partie basse du seuil (on voit la partie haute sous le bajoyer).

Il a été rapporté en réunion du comité syndical (octobre 2015) que la chute résiduelle avait suffi à creuser une fosse de 5 m à l’aval, ce qui indique la persistance d’une activité érosive au niveau du site (pas de comblement de la fosse). Il a été projeté à l’occasion de la même réunion un profil en long, mais nous n’en disposons pas.


Illustration n°2 : berge exondée à l’amont de l’ancien ouvrage, estimation de la hauteur de ligne d’eau due au seuil
Après effacement de l’ouvrage et visite sur site, les strates exondées de la berge sont interprétables en raison de l’absence de crue depuis les travaux. Au niveau de l’ancien seuil, env. 20 m à l’amont, on observe une hauteur d’env. 1,43 m en eau au-dessus du niveau du lit exhaussé (env 1,95 m au-dessus de la ligne d’eau actuelle en étiage, au moment de la photographie, ligne d’eau non représentée sur l’illustration).

Cette observation est cohérente avec l’illustration n°1 et confirme que l’ouvrage résiduel n’était pas une chaussée de quelques centimètres ou dizaines de centimètres.

Au regard de la pente de la Seine en sortie de Nod-sur-Seine, on peut estimer que l’ouvrage avait une influence amont de l’ordre de 500 m et une influence aval de l’ordre de 100 m.


Illustration n°3 : persistance des exondations de berge et atterrissements de remous solide à plus de 300 m de l’ouvrage
Cette image montre les bords de la rivière à une distance d’environ 330 m de l’ancien ouvrage, au niveau du méandre le plus marqué de la rivière sur la zone, cf localisation sur carte IGN. On observe sur chacune des rives des anciens niveaux exondés sans reprise végétative et des systèmes racinaires à nu. On observe également en substrat des atterrissements en amas à granulométrie grossière (sables, graviers) caractéristiques du remous solide des ouvrages hydrauliques.

Cela confirme l’estimation réalisée précédemment : la zone d’influence de l’ouvrage excède très largement les 100 m, donc l’effacement impacte le profil en long sur une distance elle aussi supérieur à 100 m. La partie aval n’est pas examinée ici.  

Conclusion
La DDT doit préciser le régime des travaux en rivière influençant le profil en long ou en travers. Il est nécessaire pour nous de comprendre comment l’estimation de moins de 100 m d’impact sur le profil en long a été calculée par le SICEC et validée par la DDT.

C’est important au regard du chantier de Nod-sur-Seine, même si celui-ci est désormais réalisé, mais aussi au regard des autres projets d’effacement inclus dans la DIG de juin 2015 ou de ceux votés en comité syndical SICEC d’octobre 2015.

En effet, un régime d’autorisation (et non de déclaration) implique une étude d’impact sur l’environnement (protection des milieux) et sur la sécurité (droit des tiers), ainsi qu’une enquête publique. Or, la plupart des ouvrages de Seine amont ont une influence qui dépasse les 100 m de linéaire et qui justifie cette procédure: au demeurant, cela explique l’intervention du syndicat sur ces sites, faute de quoi ils seraient négligeables et sans objet réel de restauration de continuité comme de recréation d’habitats.

Les associations Hydrauxois et Arpohc préparent à l’intention du SICEC, de la DDT 21, de la DR9 Onema et de l’Agence de l’eau S-N un guide juridique et technique relatif à l’ensemble des points de contrôle afférents à tous les projets d’effacement. Ces projets sont très loin d’être neutres et, au-delà de l’objectif initial de restauration de continuité longitudinale, ils peuvent présenter des effets adverses sur les milieux et sur les droits des tiers. Ces incidences sont à estimer et, si besoin, à corriger.

Nous attendons d’être davantage associés à ces projets, en conformité avec le souci de concertation et d’impartialité exprimé par les autorités préfectorales, ainsi qu’avec le niveau d’ambition du financeur (Agence de l’eau) souhaitant que les travaux subventionnés par l’argent public soient irréprochables.

Enfin, il se peut que le SICEC, les services instructeurs de l’Etat et nos associations n’aient pas la même définition de ce qu’est un profil en long. Si le malentendu provient de là, c’est tout aussi important de le savoir car nos adhérents peuvent avoir des projets modifiant la rivière et il est indispensable pour eux de comprendre précisément ce qui relève de la déclaration ou de l’autorisation.

08/01/2016

Ségolène Royal acte les problèmes liés au classement des rivières

Nous venons de recevoir copie d’une lettre écrite par Mme Ségolène Royal aux préfets en date du 9 décembre 2015. Ce courrier est la première réponse aux nombreuses interpellations du Ministère de l'Ecologie par les élus et les associations. Deux annonces principales: la demande aux préfets de ne pas insister sur les chantiers de continuité écologique présentant des problèmes ; une nouvelle mission du CGEDD pour identifier les blocages. Le ton général de la lettre témoigne néanmoins du décalage persistant entre le Ministère de l'Ecologie et le terrain. Les aberrations de la continuité écologique sont encore présentées comme des "incompréhensions" des citoyens. La mobilisation va donc se renforcer dans les prochains mois, afin de montrer au CGEDD et au Ministère où se situent les vraies incompréhensions sur le dossier.




Constat : «des interpellations récurrentes et parfois vives que m’adressent des élus locaux ou des propriétaires privés montrent que, dans certains cas, cette politique génère encore trop d’incompréhensions qu’il convient de corriger. C’est en particulier le cas pour les moulins»

Nous apprécions que les interpellations de Madame la Ministre aient des effets et qu’elles aient été entendues. Les récentes et nombreuses questions des élus ont suscité cette recommandation aux Préfets. Cependant, compte tenu des problèmes posés par les réformes de continuité écologique, cette bonne intention ne dissipe pas nos craintes sur le fond.

Nous ne souscrivons pas au terme «incompréhensions». Il faut sortir de ce serpent de mer vieux de presque 10 ans du Ministère et des Agences de l’eau selon lequel il y aurait un déficit de compréhension, qui pourrait être compensée par de la pédagogie et de l’information. Pour être plus direct, il faut arrêter de prendre les gens pour des idiots ou des moutons, adopter un minimum de recul et admettre que si tant de gens interpellent une ministre, c'est probablement parce que les choix de l'administration placée sous sa tutelle posent de vrais problèmes, des problèmes non solubles dans une "incompréhension" mais plutôt situés dans la nature même de la réforme concernée.

Nous avons parfaitement compris la réforme de continuité écologique, les sites Hydrauxois et OCE comptent parmi ceux qui publient le plus en France aujourd'hui sur cette question, tant au plan juridique, technique et scientifique qu'au plan des retours d'expérience et analyses de terrain, et ces pages ont déjà été lues et partagées des dizaines de milliers de fois.

Nous souhaitons que le Ministère comprenne parfaitement que
  • nous n’acceptons pas les "choix" intenables que cette réforme nous offre : soit la destruction, soit des aménagements à des coûts exorbitants pour le particulier et des milliards d’euros à terme pour les finances publiques; 
  • nous n’acceptons pas ces travaux lourds aux résultats environnementaux très modestes sur les milieux, parfois même négatifs, et des résultats qui ne sont presque jamais estimés sous forme d'objectifs chiffrés de réussite ; 
  • nous n’acceptons pas la remise en cause du 3e patrimoine de France qui est un témoignage exceptionnel de l'histoire de nos rivières et de nos vallées;
  • nous  n’acceptons pas la destruction d'un formidable potentiel pour des petites productions énergétiques renouvelables, décentralisées et propres ; 
  • nous n’acceptons pas une mise en œuvre administrative essentiellement alimentée par certains lobbies connus pour leur stigmatisation des ouvrages en rivière (FNE, FNPF) sans écoute réelle des autres parties prenantes ;
  • nous n’acceptons pas le déni de tous les services rendus (actuels ou potentiels) des ouvrages, qui pourraient être un vecteur de redynamisation des territoires ruraux ;
  • nous n’acceptons pas l'inégalité de traitement entre les petits ouvrages privés indument désignés comme des problèmes graves et les grands ouvrages publics opportunément épargnés du classement alors qu'ils sont les plus impactants ;
  • nous n’acceptons pas cette certitude affichée sur les diagnostics, qui ne tient jamais compte des échecs ni des échéances reportées (le ‟bon état 2015” est déjà lointain) et qui ne s’appuie ni sur des mesures complètes, ni sur des connaissances robustes.
Donc non, Mme la Ministre, l'hostilité des riverains à la continuité écologique ne provient pas d'une supposée incompréhension vis-à-vis de la réforme, mais au contraire d'une analyse lucide de son manque de préparation, de motivation et de concertation. Aussi longtemps que ces faits seront niés par la Direction de l'eau et de la biodiversité, le dossier s'enlisera dans le conflit.

Mission CGEDD «en complément de la première mission menée par le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en 2012, j’ai demandé à nouveau à ce conseil de faire un état des lieux précis et une analyse de l’ensemble des blocages et des sites conflictuels, liés en particulier à des moulins, afin de faire des propositions pour faciliter le consensus autour de la mise en conformité des seuils et barrages en rivière»

Mme la Ministre devrait savoir que sur les 11 premières recommandations du CGEDD en 2012,la seule (à charge) qui a été réellement suivie d’effet est le classement des rivières (l’origine du problème), et que les 10 autres sont soit à peine ébauchées (3) soit totalement à l’abandon (7) (voir cette synthèse). La Direction de l’eau et de la biodiversité affiche une attitude méprisante, elle ne donne aucune suite aux recommandations qui lui sont faites, elle n’a montré en trois ans aucune volonté d’intégrer les moulins dans les instances de délibération, de développer des grilles multicritères d’évaluation des ouvrages, d’analyser le potentiel de la petite hydroélectricité, etc.

La première chose que le CGEDD devrait logiquement faire, ce serait de renseigner Mme la Ministre sur le fait qu’elle préconise en 2016 un nouveau rapport pour des problèmes déjà clairement posés en 2012… et n’ayant reçu aucune solution ni début d’exécution de la part de la DEB ni de l’Onema ni des Agences de l’eau. Cette inertie administrative est la meilleure démonstration que le dialogue est impossible, comme il l'était déjà lors du Parce 2009, pour la simple raison qu'un certain nombre de hauts fonctionnaires DEB, DREAL de bassin, Onema en charge du dossier de la continuité écologique ont comme horizon la destruction du maximum d'ouvrages, et pour y pousser les propriétaires l'imposition de règles totalement exorbitantes dans leur coût et leur délai, sans aucune intention de prendre en compte à leur juste valeur les autres dimensions des ouvrages : histoire, culture, patrimoine, énergie, usages.

Cette écologie-là est clairement punitive, destructive, excessive. Jamais on ne demanderait à une autre partie prenante de la rivière les dépenses, les sacrifices et les efforts que l'on demande aux propriétaires de moulins, étangs et retenues: ce traitement discriminatoire doit cesser.

Mais qu’à cela ne tienne, puisque Mme la Ministre en appelle au CGEDD: nous nous prêterons au jeu de ce nouveau rapport, d’autant qu’au cours des trois dernières années des dizaines d’opérations ont montré les problèmes concrets de mise en œuvre, l’absence dramatique de suivi, la déficience d’analyse coût-bénéfice, la surdité aux objections des riverains et des usagers, les devis à centaines de milliers d'euros... Dans le même temps, des dizaines de travaux scientifiques ont souligné la fragilité de l’arrière-plan des connaissances de la continuité écologique et sa faible place dans nos obligations DCE 2000. Autant de facteurs qui doivent induire une révision drastique du classement des rivières et à un changement d'orientation complet des politiques de continuité : ce sera la position que nos défendrons dans un rapport en préparation à l'intention du CGEDD, et nos lecteurs savent que les arguments en ce sens ne manquent pas.



Options en rivière : «supprimer entièrement les seuils n’est pas la seule solution puisque de nombreuses autres alternatives ont pu être mises en œuvre : passes à poissons, abaissement de la hauteur du seuil, suppression partielle pour maintenir un écoulement d’eau dans le bief du moulin, ou encore gestion coordonnée des vannages»

Du point de vue du droit d’eau, arasement, dérasement, suppression partielle, brèche, etc. ont le même effet de changer la consistance légale et, dans la majorité des cas, d’empêcher la reprise d’une activité énergétique. De même, ces solutions conduisent en général à ne pas avoir un tirant d'eau assuré dans le bief en été, donc à produire des effets de marnage néfastes au bâti, au paysage et au bien-être des occupants.

Ces «alternatives» ne sont donc pas considérées comme valables par les propriétaires attachés au respect de leurs droits et à l’intégrité de leur bien. Ne sont envisageables que trois options :
  • inaction car le seuil ne pose pas de réel problème aux milieux (ce qui est fort souvent le cas) ; 
  • ouverture de vannes mais dans le respect de la consistance légale, sans nuire aux usages ni au droit des tiers (donc ouverture limitée à certaines phases crues-migrations, et non pas permanente des mois entiers ce qui vide la retenue et le bief) ; 
  • passes à poissons ou autre dispositifs de franchissement dans la limite d'équipement des 10% de module propre au débit minimum biologique, et à condition que ces dispositifs connus pour être très coûteux soient largement subventionnés. 
Rappelons par ailleurs qu’à ce jour, l’Etat n’est pas capable de donner :
  • le nombre total des obstacles à l’écoulement devant être aménagés (à tout le moins étudiés) en rivières classées L2, 
  • le nombre total des ouvrages aménagés / encore à aménager, 
  • la répartition exacte des solutions choisies sur les chantiers réalisés (dérasement, arasement, dispositifs de franchissement, ouverture de vanne).  
Nous demanderons au Ministère (par questions d'élus) et au CGEDD que ces données de base soient déjà rendues publiques ; elles sont le préalable à toute discussion sur la nature et l'ampleur du problème posé par le classement des rivières.

Un simple catalogue non chiffré de quelques actions locales sera donc jugé irrecevable, car bien trop vague et sans information réelle sur la situation actuelle. Il conviendra que la base de données des ouvrages déjà aménagés en rivières L2 précise le coût total de l’opération et le montant des subventions publiques. Sans cette rigueur et cette transparence, il n’est pas possible de débattre de la réforme. La moindre des choses est de tenir le tableau de bord des politiques publiques afin de permettre un vrai débat démocratique sur la réalité, et non des effets de communication sur une représentation partielle de cette réalité.

Enfin dans ce courrier, Mme Ségolène Royal appelle les Préfets et les services à rassembler des exemples d’opérations « réussies ». Cette notion de réussite n’est actuellement adossée à aucun critère scientifique : nous ne manquerons pas rappeler au CGEDD que la réussite de la continuité écologique se prouve par des chiffres et des résultats sur les critères de qualité DCE 2000, au lieu d’exhiber des images naïves, des power-points sommaires et des compte-rendu auto-référents confinant à la propagande (voir le mauvais exemple du recueil d’expériences de l’Onema). Nous attendons de vrais indicateurs pour qualifier des travaux «réussis» : non seulement des indicateurs écologiques mesurés, mais aussi une analyse des services rendus par les écosystèmes avant / après sans oublier aucune dimension, naturelle, culturelle, sociale, économique.

Sursis pour les moulins à difficulté : «Dans l’immédiat, sans attendre les résultats de cette mission, je vous demande de ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas»

Il s’agit à nos yeux de la seule avancée réelle de ce courrier, et d’une trêve que certains propriétaires, assaillis par les DDT et les syndicats de rivières, harcelés, épuisés, vont certainement apprécier. Ils pourront envisager de mettre leur ouvrage en conformité plus sereinement que sous la baïonnette d’un PV de l’Onema, dans le spectre d’une mise en demeure de la DDT ou sous la pression d'accepter l'analyse d'un bureau d'étude qui, immanquablement, conclura à la prétendue gravité de l'impact comme à la prétendue nécessité de dépenses exorbitantes.

Nous demandons bien sûr à toutes nos consoeurs associatives d'envoyer copie de ce courrier à leurs adhérents, d'en envoyer une copie commentée aux services instructeurs (DDT, Onema, Agence de l'eau) et de signaler toute persistance de pression indue en vue de pousser à l'effacement ou à la ruine, afin que les élus et le Ministère en soient immédiatement informés.

En conclusion : mobilisation générale 2016 !
L'année 2016, dernière année pleine avant les premières échéances réglementaires du classement des rivières, va être décisive pour l'avenir des moulins et des réformes de continuité écologique. Nous appelons nos lecteurs et le réseau national des fédérations, associations et syndicats aux actions suivantes:
  • continuer le recueil des signatures pour le moratoire sur le classement de rivièrestout au long des 6-9 mois de la mission du CGEDD, le maintien d'une pression démocratique ayant déjà porté ses fruits et  étant indispensable au plan local comme au plan national,
  • compiler dans les meilleurs délais, pour cette mission du CGEDD, les exemples passés de pressions sur les ouvrages et d'opérations somptuaires en rivières sans précaution environnementale et patrimoniale (voir le modèle de nostémoignages, vous pouvez nous envoyer copie des documents et informations),
  • signaler toute pression sur ouvrage refusant les solutions imposées de continuité  par courrier recommandé au Préfet et à la Ministre, car si la demande de Mme Royal est claire, ce n'est pas pour autant que chaque service DDT-M ou Onema ou Agence de l'eau cessera certaines habitudes ayant détérioré la situation depuis plusieurs années.