26/08/2021

Ecrivez au préfet pour informer de l'illégalité des destructions de moulins et autres ouvrages

 

Notre association propose ci-dessous à toutes ses consoeurs un modèle de lettre aux préfets de département, qui résume les avancées récentes de la loi et de la jurisprudence sur la continuité écologique. Il est illégal de détruire l'usage actuel ou potentiel d'un ouvrage, il est illégal d'imposer la continuité à un ouvrage producteur ou en projet de production, il est illégal de refuser par principe une construction ou reconstruction d'ouvrage en rivière : aucun agent public ni privé ne doit donc inciter à ces actes ni les commettre, à peine de contentieux pénal et/ou administratif. C'est aux préfets de restaurer désormais la parole de l'Etat et l'autorité de la loi face à des dérives qui ont tant nui à la vie des rivières et des riverains.



Comme le savent les associations, il ne faut pas attendre que la direction eau et biodiversité du ministère de l'écologie produise des circulaires d'application de la loi : depuis 6 ans, cette direction ne produit au mieux que des circulaires ou décrets pour contourner la lettre et l'esprit des lois, ce qui lui vaut des condamnations régulières au conseil d'Etat. 

Les associations, les collectifs et les syndicats d'ouvrages doivent donc informer eux-mêmes le préfet de département de l'évolution de la loi et de la jurisprudence. Mais aussi et surtout, vous l'aurez compris, de leur vigilance à faire désormais appliquer cette loi et cette jurisprudence partout, face aux abus de pouvoir et aux erreurs d'appréciation devenus monnaie courante. La lettre ci-après est un modèle en ce sens, elle est adaptée à toute la France. Vous pouvez bien sûr la personnaliser en ajoutant des cas concrets du département, notamment ceux où des destructions étaient planifiées. Mais vous veillerez à conserver tous les arguments de droit, que le préfet transmettra à son service juridique.

Monsieur le Préfet / Madame la Préfète, 

La mise en oeuvre de la continuité écologique s'est révélée problématique depuis la parution des classements des rivières en 2012-2013. Les parlementaires ont déjà dû l'amender à quatre reprises dans le passé récent, en raison des plaintes nombreuses des propriétaires et riverains d'ouvrages hydrauliques, ainsi que des décisions de justice défavorables à certaines interprétations du ministère de l'écologie. 

Une cinquième réforme législative d'importance vient d'être engagée et elle est opposable depuis le 23 août 2021.

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n°2021-1104) publiée au JORF le 22 août 2021, a en effet précisé le cadre de l’action publique en réécrivant l’article L 214-17 code environnement. Voici sa principale évolution :

I. Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin :
2) Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie. S’agissant plus particulièrement des moulins à eau, l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages.

En outre, deux décisions importantes du conseil d'Etat en 2021 ont censuré le ministère de l'écologie et donc l'interprétation administrative des lois ou décrets.

Le 31 mai 2021 (arrêt CE n°433043), le Conseil d’Etat a statué que la loi de 2017 ayant créé l’art L.214-18-1 code de l'environnement exempte les moulins à eau équipés pour produire de l’électricité de continuité en liste 2 ou ayant l’intention de produire, cela sans que le projet doive être antérieur à la loi et sans égard pour un classement plus ancien de la rivière, ce que l’administration refusait d’admettre.

Le 15 février 2021 (arrêts CE n° 435026, 435036, 435060, 435182, 438369), le Conseil d’Etat a annulé la redéfinition de l’obstacle à la continuité écologique dans un décret ministériel du 30 août 2019, car cette définition nouvelle ne correspondait pas à la loi, qui autorise à construire ou reconstruire des ouvrages en rivières classées liste 1 (par extension, à toute rivière moins protégée).

Pour récapituler ces 3 évolutions récentes :
  • les agents publics (ou leurs délégataires privés) ne peuvent plus détruire ni inciter à détruire l'usage actuel ou potentiel d'un ouvrage hydraulique autorisé dans la mise en oeuvre de la continuité écologique en rivière classé liste 2 au titre du L 214-17 code environnement,
  • les agents publics ne peuvent plus imposer des mesures de mise en conformité à la continuité écologique à des maîtres d'ouvrage présentant un projet de relance énergétique ou ayant déjà une production énergétique,
  • les agents publics ne peuvent plus s'opposer par principe à la construction ou reconstruction d'un ouvrage hydraulique en rivière.
En outre, et conformément à la disposition inchangée de la loi de 2006 pour les rivières classées liste 2, tout chantier de continuité écologique représentant une charge spéciale et exorbitante doit faire l'objet d'une indemnisation, que vos services doivent indiquer au maître d'ouvrage privé en coordination avec ceux des agences de l'eau ou de tout autre financeur public. 

Nous vous demandons en conséquence :
  • d'une part de réviser les arbitrages en cours d'études et travaux sur des ouvrages hydrauliques du département susceptible d'être désormais illégaux en l'état puisqu'ils préconisent la destruction de sites,
  • d'autre part d'informer de ces dispositions les services instructeurs de votre préfecture, mais aussi les acteurs publics et privés que vous coordonnez dans le cadre de la gestion des rivières (agence de l'eau, office français de la biodiversité, syndicats de bassin, fédérations ayant un agrément public sur la gestion des milieux aquatiques, services eau et environnement des collectivités, bureaux d'études et entreprises de travaux répondant à des marchés publics). 
Faute d’une parole publique claire et ferme de l'Etat sur les nouvelles dispositions du droit concernant la continuité écologique, et donc dans l’hypothèse d’une poursuite des orientations litigieuses observées jusqu'à présent, des contentieux de nature pénale et administrative seraient engagés contre tout acteur qui commettrait des actes illégaux ou inciterait à les commettre au titre de la mise en oeuvre de la continuité écologique.

Nous vous remercions par avance de la prise en compte par vos services de ces évolutions légales et jurisprudentielles, plus généralement du rappel de l'autorité de la loi. Nous sommes à disposition des acteurs publics s’ils souhaitent travailler en concertation aux meilleures solutions pour les ouvrages hydrauliques du département.

(politesse)

24/08/2021

La destruction d'ouvrages en rivières classées continuité écologique est désormais illégale

 La loi Climat et résilience vient de paraître au journal officiel. Elle est opposable dès le lendemain de sa parution. Sur les rivières classées "continuité écologique" au titre de l'article L 214-17 du code de l'environnement, cette loi proscrit désormais la destruction des ouvrages de moulin et, plus généralement, la remise en cause d'un usage actuel ou potentiel d'ouvrage hydraulique. Les acteurs publics ou privés qui persisteraient à inciter, planifier ou exécuter la destruction d'ouvrage hydraulique dans ce contexte sont donc dans l'illégalité et susceptibles d'être dénoncés à la justice. Les préfets doivent acter cette évolution de la loi et en informer au plus vite les acteurs, afin de trouver des solutions positives et constructives pour la continuité écologique, plus généralement pour la bonne gestion des ouvrages au service des objectifs d'intérêt général. 




La loi dite "Climat et résilience" (n°2021-1104 du 22 août 2021) vient de paraître au Journal officiel de la République française. Elle entre donc en vigueur dès le lendemain de sa publication et est alors opposable.

Par son article 49, la loi modifie l'article L 214-17 du code de l'environnement précisant la mise en oeuvre de la continuité écologique sur les rivières classées à cette fin. Elle interdit expressément des destructions d'ouvrages de moulin, mais aussi de manière plus générale la remise en cause dans les solutions de continuité de l'usage actuel ou potentiel d'un site hydraulique.

Voici comment s'énonce désormais l'obligation de continuité écologique :

I. Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin :
2) Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie. S’agissant plus particulièrement des moulins à eau, l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages.

Les services d'un syndicat de rivière, d'une préfecture, d'une agence de l'eau, de l'office français de la biodiversité, des collectivités territoriales sont donc désormais dans l'illégalité si, au titre de l'article L 214-17 du code de l'environnement, ils incitent, planifient ou exécutent la destruction d'ouvrage hydraulique. Il en va de même pour les acteurs privés (bureaux d'études, entreprises de BTP) en cas d'informations trompeuses aux maîtres d'ouvrage ou de chantiers illégaux. 

Les solutions envisageables pour la continuité écologique sont les gestions de vanne, les passes rustiques ou techniques, les rivières de contournement, le maintien en l'état s'il n'existe pas d'espèces migratrices sur la rivière, si l'ouvrage est partiellement franchissable ou s'il ne pose pas de problème à la continuité sédimentaire, ce qui est le cas général pour les sites les plus modestes et anciens. Ces solutions doivent en tout état de cause respecter la consistance légale autorisée par le droit d'eau ou le règlement d'eau, c'est-à-dire les conditions de hauteur et de débit de la chute et du bief en l'état du génie civil hydraulique. Cela proscrit par exemple des assèchements quasi complets de sites et de retenues par ouverture quasi-permanente de vannes, ou par rivière de contournement qui prendrait davantage que le débit réservé, ou débit minimum biologique. 

Notre association voit son interprétation de la loi de nouveau validée
Notre association avec d'autres affirmait depuis de nombreuses années que le texte et l'esprit de la loi sur l'eau de 2006 et de la loi de trame verte et bleue de 2009 ne prévoyaient nullement la destruction des ouvrages de moulins, d'étangs et de plans d'eau, de leurs usages et de leurs milieux. La chose est désormais précisée sans contestation possible par les députés et sénateurs. Elle l'a été aussi par plusieurs décisions récentes et importantes du conseil d'Etat qui ont censuré le ministère de l'écologie. La dérive d'un certain nombre de membres de l'administration ayant agi comme promoteurs dogmatiques et militants de la "rivière sauvage" doit désormais trouver son épilogue. Qu'il existe dans certains zones désertées par les humains de longue date des rivières à forte naturalité et qu'on souhaite les protéger comme telles est compréhensible ; mais que l'on dépense l'argent public et que l'on exerce des pressions inacceptables pour des chantiers de restauration forcée d'une soi-disant nature sauvage ne l'est plus. La loi et la jurisprudence sont désormais claires. 

Au-delà, il s'agit de projeter le rôle de l'ouvrage et de la rivière aménagée dans le 21 siècle. La France doit affronter de nombreux défis : éliminer le carbone de son mix énergétique (qui est à 70% fossile) et donc produire une énergie bas-carbone localement, gérer l'eau dans un contexte de sécheresses et crues risquant de venir plus intenses, relocaliser son économie et revivifier ses territoires. Tout cela passe par une gestion intelligente des ouvrages hydrauliques en place. Les propriétaires privés comme les acteurs publics doivent en être convaincus, et travailler à concrétiser ces évolutions d'intérêt général

Nous allons publier un modèle de lettre aux préfets pour les associations : il est en effet indispensable que tous les acteurs relaient la loi et soient vigilants sur son application, afin que cessent partout les mauvaises pratiques.

18/08/2021

Rencontre annuelle du 28 Aout à Chamesson

 


Dernière semaine pour vous inscrire aux repas de notre rencontre annuelle du 28 août 2021, à Chamesson-sur-Seine (21). Sur Hello Asso : https://www.helloasso.com/.../8es-rencontres-hydrauliques...


17/08/2021

Cycle de l'eau et changement climatique, ce que dit le 6e rapport du GIEC

 Le groupe 1 des chercheurs du GIEC, rassemblant les physiciens et modélisateurs du climat, vient de publier son 6e rapport sur le changement climatique. Nous traduisons ici le résumé des connaissances concernant le cycle de l'eau. La prise en compte de l'évolution climatique – pour prévenir le réchauffement et pour s'adapter à ses effets déjà non-évitables – est en train de devenir un impératif des politiques publiques. Ce qui aura des conséquences sur la gestion des rivières, comme nous l'exposerons dans un autre article.



Le résumé des travaux du GIEC, paru en ce mois d'août 2021, est produit par les chercheurs et approuvé par les Etats, ce qui lui donne un poids à la fois politique et scientifique. Le rapport montre que les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ont élevé les températures d’environ 1,1 °C depuis la période 1850-1900 et conclut que la température mondiale, en moyenne sur les 20 prochaines années, devrait atteindre ou franchir le seuil de 1,5 °C. 

En l'absence d'une politique drastique de réduction des émissions carbone, le réchauffement moyen au cours du siècle pourrait atteindre 4°C, avec des valeurs plus importantes pour les terres qui se réchauffent plus vite que les océans. Au-delà des moyennes, ces valeurs indiquent une plus haute fréquence ou intensité de phénomènes extrêmes qui sont liés à un surcroît d'énergie et d'eau dans le système atmosphérique (vagues de chaleur, tempêtes et cyclones, pluies extrêmes, etc.). De tels épisodes ont des coûts matériels, économiques et humains pour les populations qui les subissent, en particulier les plus fragiles. 

La température modifie le cycle de l'eau, qui a une dimension critique pour les sociétés humaines et pour les milieux naturels. Nous publions ci-dessous les extraits du résumé technique du rapport GIEC concernant ce cycle. 


Extrait du résumé technique du 6e rapport du GIEC, 2021
(version encore sujette à ajustements de détail avant publication définitive)

Un réchauffement plus important des terres modifie les principales caractéristiques du cycle de l'eau. Le taux de changement des précipitations moyennes et du ruissellement, et leur variabilité, augmentent avec le réchauffement climatique. La majorité de la superficie des terres a connu une diminution de l'eau disponible pendant les saisons sèches en raison de l'augmentation globale de l'évapotranspiration (degré de confiance moyen). La superficie des terres affectées par l'augmentation de la fréquence et de la gravité des sécheresses s'étendra avec l'augmentation du réchauffement climatique (degré de confiance élevé). Il est peu probable que l'augmentation de l'efficacité de l'utilisation de l'eau par les plantes due à une concentration plus élevée de CO2 dans l'atmosphère atténue les sécheresses agricoles et écologiques extrêmes dans des conditions caractérisées par une humidité limitée du sol et une demande d'évaporation atmosphérique accrue.

La couverture neigeuse printanière de l'hémisphère Nord a diminué depuis au moins 1978 (degré de confiance très élevé), et il y a une forte confiance que les tendances de la perte de couverture neigeuse remontent à 1950. Il est très probable que l'influence humaine ait contribué à ces réductions. Le début plus précoce de la fonte des neiges a contribué à des changements saisonniers du débit (degré de confiance élevé). Une nouvelle diminution de l'étendue de la couverture neigeuse saisonnière de l'hémisphère nord est pratiquement certaine dans le cadre d'un nouveau réchauffement climatique.

La fréquence et l'intensité des événements de fortes précipitations ont augmenté dans la majorité des régions terrestres avec une bonne couverture d'observation depuis 1950 (degré de confiance élevé). L'influence humaine est probablement le principal moteur de ce changement. Il est extrêmement probable que sur la plupart des continents, les fortes précipitations deviendront plus fréquentes et plus intenses avec un réchauffement climatique supplémentaire. L'augmentation prévue des fortes précipitations extrêmes se traduit par une augmentation de la fréquence et de l'ampleur des crues pluviales (degré de confiance élevé).

La probabilité d'événements extrêmes composés a probablement augmenté en raison du changement climatique induit par l'homme Les vagues de chaleur et les sécheresses simultanées sont devenues plus fréquentes au cours du siècle dernier, et cette tendance se poursuivra avec un réchauffement global plus élevé (degré de confiance élevé). La probabilité d'inondations composites (onde de tempête, précipitations extrêmes et/ou débit fluvial) a augmenté dans certains endroits et continuera d'augmenter en raison à la fois de l'élévation du niveau de la mer et de l'augmentation des fortes précipitations, y compris les changements d'intensité des précipitations associés aux cyclones tropicaux ( grande confiance).

Au cours du siècle dernier, il y a eu un déplacement vers les pôles et vers le haut de la répartition de nombreuses espèces terrestres (degré de confiance très élevé) ainsi que des augmentations du renouvellement des espèces dans de nombreux écosystèmes (degré de confiance élevé). Il existe un degré de confiance élevé dans le fait que la répartition géographique des zones climatiques a changé dans de nombreuses régions du monde au cours du dernier demi-siècle. Le raport spécial sur le changement climatique dans les terres (SRCCL) a conclu que le réchauffement continu exacerbera les processus de désertification (degré de confiance moyen) et les écosystèmes deviendront de plus en plus exposés à des climats au-delà de ceux auxquels ils sont actuellement adaptés (degré de confiance élevé). On a une confiance moyenne dans le fait que le changement climatique augmentera les perturbations par (par exemple) les incendies et la mortalité des arbres dans plusieurs écosystèmes. Des augmentations sont prévues de la sécheresse, de l'aridité et des incendies dans certaines régions (degré de confiance élevé). Il existe une faible confiance dans l'ampleur de ces changements, mais la probabilité de franchir des seuils régionaux incertains (p. La réponse des cycles biogéochimiques à la perturbation anthropique peut être abrupte à l'échelle régionale et irréversible à l'échelle de la décennie au siècle (degré de confiance élevé).

Cycle de l'eau

Le changement climatique d'origine humaine a entraîné des changements détectables dans le cycle mondial de l'eau depuis le milieu du XXe siècle (degré de confiance élevé), et il devrait provoquer d'autres changements substantiels à l'échelle mondiale et régionale (degré de confiance élevé). Les précipitations terrestres mondiales ont probablement augmenté depuis 1950, avec une augmentation plus rapide depuis les années 1980 (degré de confiance moyen). La vapeur d'eau atmosphérique a augmenté dans toute la troposphère depuis au moins les années 1980 (probablement). Les précipitations terrestres annuelles mondiales augmenteront au cours du 21e siècle à mesure que la température de surface mondiale augmentera (degré de confiance élevé). L'influence humaine a été détectée dans les modèles d'amplification de salinité de surface et de précipitation minus évaporation (P-E) au-dessus de l'océan (degré de confiance élevé). La gravité des événements très humides et très secs augmente dans un climat qui se réchauffe (degré de confiance élevé), mais les changements dans les schémas de circulation atmosphérique affectent où et à quelle fréquence ces extrêmes se produisent. La variabilité du cycle de l'eau et les extrêmes connexes devraient augmenter plus rapidement que les changements moyens dans la plupart des régions du monde et dans tous les scénarios d'émission (degré de confiance élevé). Au cours du 21e siècle, la superficie totale des terres sujettes à la sécheresse augmentera et les sécheresses deviendront plus fréquentes et plus graves (degré de confiance élevé). Les changements projetés à court terme dans les précipitations sont incertains principalement en raison de la variabilité interne, de l'incertitude du modèle et de l'incertitude des forçages causés par les aérosols naturels et anthropiques (degré de confiance moyen). Au cours du 21e siècle et au-delà, des changements brusques d'origine humaine dans le cycle de l'eau ne peuvent être exclus (degré de confiance moyen).

Il existe un degré de confiance élevé dans le fait que le cycle mondial de l'eau s'est intensifié depuis au moins 1980, ce qui s'exprime, par exemple, par l'augmentation des flux d'humidité atmosphérique et l'amplification des précipitations moins les schémas d'évaporation. Les précipitations terrestres mondiales ont probablement augmenté depuis 1950, avec une augmentation plus rapide depuis les années 1980 (degré de confiance moyen) et une contribution humaine probable aux modèles de changement, en particulier pour les augmentations des précipitations à haute latitude dans l'hémisphère nord. Les augmentations des précipitations moyennes mondiales sont déterminées par une réponse robuste à la température de surface mondiale (très probablement 2 à 3 % par °C) qui est en partie compensée par des ajustements atmosphériques rapides au réchauffement atmosphérique par les gaz à effet de serre (GES) et les aérosols. L'effet global des aérosols anthropiques est de réduire les précipitations mondiales par des effets de refroidissement radiatif de surface (degré de confiance élevé). Pendant une grande partie du 20e siècle, des effets opposés des GES et des aérosols sur les précipitations ont été observés pour certaines moussons régionales (degré de confiance élevé). Les précipitations annuelles mondiales au-dessus des terres devraient augmenter en moyenne de 2,4 % (plage probable de -0,2 % à 4,7 %) selon le scénario SSP1-1,9, de 4,6 % (plage probable de 1,5 % à 8,3 %) selon le scénario SSP2-4.5 et de 8,3 % (0,9 % à 12,9 % de la fourchette probable) selon le scénario SSP5-8,5 d'ici 2081-2100 par rapport à 1995-2014. Les différences inter-modèles et la variabilité interne contribuent à une gamme substantielle de projections de changements du cycle de l'eau à grande échelle et régionaux (degré de confiance élevé). La survenue d'éruptions volcaniques peut altérer le cycle de l'eau pendant plusieurs années (degré de confiance élevé). Les modèles projetés de changement des précipitations présentent des différences régionales substantielles et un contraste saisonnier à mesure que la température de surface mondiale augmente au cours du 21e siècle.

La teneur totale en vapeur d'eau de la colonne atmosphérique mondiale a très probablement augmenté depuis les années 1980, et il est probable que l'influence humaine ait contribué à l'humidification de la haute troposphère tropicale. L'humidité spécifique près de la surface a augmenté au-dessus de l'océan (probablement) et des terres (très probable) depuis au moins les années 1970, avec une influence humaine détectable (degré de confiance moyen). L'influence humaine a été détectée dans les modèles de salinité de surface amplifiée et de précipitations moins l'évaporation (P-E) au-dessus de l'océan (degré de confiance élevé). Il est pratiquement certain que l'évaporation augmentera au-dessus de l'océan, et très probablement que l'évapotranspiration augmentera au-dessus des terres, avec des variations régionales sous le réchauffement futur de la surface. Il y a une forte confiance que les augmentations prévues de la quantité et de l'intensité des précipitations seront associées à une augmentation du ruissellement dans les hautes latitudes du nord. En réponse aux changements de la cryosphère, il y a eu des changements dans la saisonnalité du débit, y compris une occurrence plus précoce du débit de pointe dans les bassins versants des hautes latitudes et des montagnes (degré de confiance élevé). Le ruissellement projeté est généralement diminué par les contributions des petits glaciers en raison de la perte de masse des glaciers, tandis que le ruissellement des glaciers plus grands augmentera généralement avec l'augmentation des niveaux de réchauffement planétaire jusqu'à ce que leur masse s'épuise (degré de confiance élevé).

Le réchauffement des terres entraîne une augmentation de la demande d'évaporation atmosphérique et de la gravité des épisodes de sécheresse (degré de confiance élevé). Un réchauffement plus important sur terre que sur l'océan modifie les schémas de circulation atmosphérique et réduit l'humidité relative continentale près de la surface, ce qui contribue à l'assèchement régional (degré de confiance élevé). Une diminution très probable de l'humidité relative s'est produite sur une grande partie de la surface terrestre mondiale depuis 2000. Les augmentations prévues de l'évapotranspiration en raison de la demande croissante en eau réduiront l'humidité du sol dans la région méditerranéenne, le sud-ouest de l'Amérique du Nord, l'Afrique du Sud, le sud-ouest de l'Amérique du Sud et le sud-ouest Australie (confiance élevée). Certaines régions tropicales devraient également connaître une aridité accrue, notamment le bassin amazonien et l'Amérique centrale (degré de confiance élevé). La superficie totale des terres sujette à une fréquence et à une gravité croissantes de la sécheresse s'étendra (degré de confiance élevé), et en Méditerranée, dans le sud-ouest de l'Amérique du Sud et dans l'ouest de l'Amérique du Nord, l'aridification future dépassera de loin l'ampleur du changement observé au cours du dernier millénaire (degré de confiance élevé).

Le changement d'affectation des terres et l'extraction d'eau pour l'irrigation ont influencé les réponses locales et régionales dans le cycle de l'eau (degré de confiance élevé). La déforestation à grande échelle diminue probablement l'évapotranspiration et les précipitations, et augmente le ruissellement dans les régions déboisées par rapport aux effets régionaux du changement climatique (degré de confiance moyen). L'urbanisation augmente les précipitations locales (confiance moyenne) et l'intensité du ruissellement (confiance élevée). L'augmentation de l'intensité des précipitations a amélioré la recharge des eaux souterraines, notamment dans les régions tropicales (degré de confiance moyen). Il y a une forte confiance que l'épuisement des eaux souterraines s'est produit depuis au moins le début du 21e siècle, en conséquence des prélèvements d'eau souterraine pour l'irrigation dans les zones agricoles des régions arides.

Source : GIEC / IPPC (2021), Sixth Assessment Report on Climat Change, Technical Summary

14/08/2021

Le Conseil constitutionnel valide la loi Climat, dont ses dispositions "continuité écologique"

 



Plusieurs lobbies ont tenté jusqu'au bout de censurer les nouvelles dispositions sur la continuité écologique contenues dans la loi Climat. Ils ont échoué. Le programme de destruction du patrimoine des rivières françaises sera bientôt illégal. Face au dérèglement climatique reconnu par tous comme l'urgence n°1, la gestion de tous les ouvrages va devenir une priorité, tant pour prévenir les émissions carbone que pour atténuer les sécheresses et les crues résultant du réchauffement.



Le Conseil constitutionnel avait été saisi par 60 députés d'un recours en annulation contre la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite "loi Climat". Dans sa décision du 13 août 2021, le Conseil rejette le recours comme trop général. Par ailleurs, dans l'examen des articles par autosaisine, le Conseil en censure 14 comme sans rapport direct à la loi ("cavaliers législatifs" interdits par l'article 38 de la constitution). Les autres dispositions, et notamment l'article 49bis qui interdit la destruction des moulins, sont conservées et jugées conformes à la constitution. Plus rien ne s'oppose donc à la publication de la loi Climat au journal officiel, ce qui la rendra immédiatement opposable. Nous y reviendrons en détail quand ce sera le cas.

Le recours des 60 députés a été accompagné de "contributions extérieures", comme c'est l'usage. Ces saisines par des tiers visent à appuyer la demande de censure de la loi. 

Dans le cas présent, on observe 3 contributions demandant la censure de l'article 49bis sur la continuité écologique :
  • France Nature Environnement (FNE)
  • Fédération nationale de la pêche (FNPF)
  • André Berne (ancien directeur territorial agence de l'eau Seine-Normandie)
Pêcheurs de salmonidés ou intégristes de la nature sauvage, les lobbies de casseurs auront donc tenté jusqu'au bout de poursuivre leur programme de destruction massive du patrimoine des rivières françaises. En vain. 

Cette décision du Conseil constitutionnel vient après plusieurs autres du conseil d'Etat : toutes indiquent que les casseurs sont désormais hors-la-loi et que le retour à la rivière sauvage n'est ni l'esprit ni la lettre du code de l'environnement. Les propriétaires et riverains d'ouvrages comme leurs associations de protection doivent maintenant veiller à ce que les fonctionnaires centraux et territoriaux appliquent ces dispositions, mais aussi rappellent à l'ordre les lobbies s'égarant dans une dérive extrémiste. 

Source : Conseil constitutionnel, décision n° 2021-825 DC, 13 août 2021

01/08/2021

Barbara Pompili encourage-t-elle encore son administration à ignorer la loi?

 



La loi Climat et résilience, adoptée le 20 juillet 2021 par le Parlement mais pas encore parue au Journal officiel, ordonne notamment de cesser la destruction des moulins à eau comme option de continuité écologique. Au détour d'une déclaration au site Actu Environnement, la ministre de l'écologie Barbara Pompili laisse entendre que, par une sorte de rétorsion, son administration demandera en conséquence aux propriétaires de payer tous les frais d'aménagement. Mais ce n'est pas ce que dit la loi. Va-t-on encore continuer longtemps ce combat d'arrière-garde et ces méthodes arbitraires de l'exécutif? 



Le site spécialisé Actu Environnement revient sur les échanges parlementaires autour de la loi Climat et résilience concernant les moulins, la petite hydroélectricité et la continuité des cours d'eau. Cette loi est votée mais elle n'est pas encore publiée au Journal officiel et des recours devant le Conseil constitutionnel ont été déposés. Nous commenterons le texte de cette loi quand elle sera définitive, notamment les dispositions concernant les ouvrages hydrauliques. 

Ce qui nous interpelle aujourd'hui est la réaction de la ministre de l'écologie au vote de ces dispositions sur les moulins. 

Barbari Pompili a déclaré : "Les mesures qui ont été votées à l'Assemblée nationale ne prévoient aucun moyen pour faire les travaux qui s'imposent, en cas de régression environnementale avérée sur un cours d'eau et cela même si personne ne conteste leur nécessité. Les propriétaires devront donc les faire à leurs frais. La médiation est essentielle sur ce point, car certains sujets nécessitent que tous les acteurs puissent échanger".

Ce propos est confus et contraire aux dispositions de la loi.

D'abord, il n'y a aucune "régression environnementale" dans l'existence des moulins et des étangs qui sont là depuis des siècles et qui sont autorisés par la loi en vertu de leur droit d'eau ou de leur règlement d'eau. Le régime écologique des rivières européennes inclut l'ensemble de l'héritage de ces rivières : cessons le contresens qui oppose la nature à la culture, le non-humain à l'humain, le futur au passé. Au plan juridique, la notion de régression environnementale signifie que l'on va à l'encontre des dispositions du code de l'environnement. Or, les lois françaises sur l'environnement assurent la promotion de l'hydro-électricité, le stockage local de l'eau, la préservation des milieux aquatiques et humides, la protection des patrimoines paysagers et historiques : détruire un ouvrage est davantage une régression environnementale que le gérer, et c'est au demeurant l'objet de divers contentieux portés par les associations.

Ensuite, les première lois sur les passes à poissons datent de 1865, elles ont été réitérées en 1919, en 1984, en 2006. Cette expérience sur plus de 150 ans a montré que le financement des travaux de continuité est le premier obstacle. Voilà pourquoi la loi sur l'eau de 2006 a tiré acte de ce blocage et a prévu dans ses dispositions : "Les obligations résultant du I du présent article n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante." En d'autres termes, si l'on demande non pas des mesures simples comme la gestion de vannes mais des mesures plus complexes comme des passes à poissons ou rivières de contournement, cette charge publique excède les capacités d'un particulier ou d'un petit exploitant, donc elle ouvre droit à indemnité. C'est à l'Etat d'organiser cette indemnisation et c'est la vocation naturelle des agences de bassin, qui sont des établissements publics en charge de financer les politiques publiques de l'eau. Hélas, par pur dogmatisme, les agences veulent financer au maximum la casse des ouvrages (ce qui sera illégal dans certains cas une fois la loi parue) mais au minimum leur aménagement. Il est impossible d'avoir une continuité apaisée tant que l'Etat ne flèche pas l'indemnisation des travaux, par les agences de l'eau ou par d'autres voies. 

Enfin, aussi bien la loi (réécrite en 2021 pour être précisée) que la jurisprudence récente du conseil d'Etat reconnaissent qu'un moulin ayant un projet de production hydro-électrique est exempté de continuité écologique. Le gestionnaire public a donc plutôt intérêt à proposer des projets de continuité entièrement financés (dans la consistance légale des sites) s'il veut inciter les propriétiares à agir sur le franchissement des poissons. Sans quoi il ne se passera rien du tout et on vérifiera de nouveau l'adage selon lequel "le mieux est l'ennemi du bien". 

Pour résumer :
  • la destruction d'ouvrages hydrauliques est un choix régressif qui sera désormais interdit par la loi dans certains cas,
  • la loi a toujours demandé l'aménagement des ouvrages et prévu l'indemnisation publique des travaux de continuité lorsqu'ils sont conséquents,
  • la ministre de l'écologie doit inciter son administration à accélérer son changement culturel sur le destin des ouvrages en rivière au lieu de mener des combats d'arrière-garde ou d'entretenir la confusion et le conflit dont plus personne ne veut,
  • les politiques publiques d'écologie doivent affronter les défis majeurs de notre temps - pollutions et surexploitations locales de l'eau, changement climatique dangereux, risques des sécheresses et crues, disparition des milieux aquatiques et humides, relocalisation durable de circuits économiques - et les ouvrages bien gérés ont un rôle positif à jouer dans ces objectifs