30/06/2019

Eau, climat, vivant, paysage : s'engager pour les biens communs

Moulins, forges, étangs et autres ouvrages anciens ont souvent une conscience aigüe du patrimoine et du long terme. Ils ont accompagné les générations dans l'histoire, et leurs enjeux toujours différents. Aujourd'hui, ils doivent se projeter dans le 21e siècle et s'engager dans la protection des biens communs menacés ou perturbés que sont l'eau, le climat, le vivant, le paysage. 



L'eau est un bien jadis abondant mais qui, selon les lieux, devient de plus en plus rare du fait d'un usage intensif par les populations et des évolutions climatiques. Cette eau est aussi polluée par les rejets d'activités humaines.

Le climat se dérègle du fait des émissions excessives de gaz carbonés à effet de serre, et les chercheurs prédisent que les désagréments liés au réchauffement vont devenir de plus en plus importants, au point de dépasser les quelques avantages.

Le vivant affronte une baisse de sa biodiversité, comparée par certains experts au début d'une 6e extinction, en raison de la raréfaction des habitats, de la surexploitation des espèces ou de la pollution des milieux.

Le paysage, enfant des interactions sociétés-milieux, a été un peu partout défiguré par des artificialisations hâtives des sols et par des choix insensibles à l'intérêt d'une évolution lente des mondes vécus.

Ces différents enjeux sont des biens communs : ils n'appartiennent à personne, mais ils résultent de l'action de tous.

Ces biens communs sont en crise et notre époque ("l'Anthropocène") est marquée par une prise de conscience : nous ne pouvons plus agir dans l'ignorance et l'amnésie, nous ne pouvons plus sacrifier partout et toujours la durée au court-termisme et la coopération intelligente à la compétition de tous contre tous.

Les moulins, comme les forges, étangs et d'autres ouvrages hydrauliques hérités de l'histoire, ont un rôle à jouer face à la crise contemporaine des biens communs.

Une politique bien intentionnée mais mal conduite, dite de "continuité écologique" a fâché les ouvrages hydrauliques avec l'action publique en France. Cette politique proposait une doctrine de "renaturation" où l'ouvrage en rivière est simplement vu comme anomalie à faire disparaître. Mais l'expérience et l'évolution des connaissances montrent que cette vision était trop binaire, trop simpliste, aussi trop brutale pour créer l'union nécessaire. Elle a méconnu tout ce que les ouvrages peuvent apporter localement :
  • l'ouvrage hydraulique peut gérer l'eau, recharger la nappe en hiver, héberger du vivant en été, contribuer à réguler et ralentir des crues, freiner des pollutions aiguês et épurer des pollutions diffuses;
  • l'ouvrage hydraulique peut produire de l'énergie peu carbonée et réduire les émissions de gaz à effet de serre, il peut servir de refuge climatique en étiage, il peut aider à rafraîchir des communes;
  • l'ouvrage hydraulique possède aussi des habitats et son usage de l'eau peut être optimisé pour favoriser localement le vivant aquatique, tout en baissant ses impacts sur des espèces migratrices;
  • l'ouvrage hydraulique a bâti le paysage des fonds de vallée, il est intégré dans l'histoire et il contribue aux identités locales.

Moulins, forges, étangs et autres ouvrages ont ainsi la capacité de s'engager pour la défense des biens communs. Ils doivent en avoir la volonté.

Pour y parvenir, il ne faut évidemment pas traiter l'ouvrage hydraulique en anomalie à faire disparaître, mais en partenaire à mobiliser dans une perspective de gestion adaptative de l'eau, de la biodiversité, du climat et du paysage.

Beaucoup de propriétaires et riverains d'ouvrages anciens ont une conscience du long terme, le sentiment de n'être qu'une étape dans une longue chaîne de transmission des biens bâtis. Ils savent que défaire est aisé, mais faire est difficile. Les propriétaires et riverains doivent élargir cette conscience au-delà du patrimoine bâti, tout en continuant à le respecter, l'entretenir et le transmettre.

Il y a souvent eu, dans la séquence 1950-2000, une perte de la culture hydraulique, une perte de la vocation des ouvrages en rivière. Aussi une rupture des expériences vécues avec la nature, et la disparition d'un certain bon sens. Aussi un laisser-aller, où l'on attendait tout de l'Etat sans se prendre en main au niveau de chaque territoire. Mais cette période se referme rapidement. Le monde des moulins et étangs doit se projeter dans les défis de son siècle et il doit aider à les relever. C'est aussi à ce prix que nous formerons des politiques durables et partagées des rivières et de leurs ouvrages hydrauliques.

Illustration : le moulin de Rainville dans l'Orne, au coeur de la mobilisation dans ce département.

27/06/2019

Transition pour le Morvan 2035 : 100 petites centrales hydro-électriques

Le parc naturel régional du Morvan envisage dans sa charte 2020-2035 la relance de 100 petites centrales hydro-électriques, en priorité sur des sites anciens déjà en place, n'impactant pas davantage les milieux assez préservés du territoire. Nous saluons et partageons cette vision, qui est l'option de moindre impact écologique pour développer des ressources locales bas-carbone. Le surcroît d'attention porté aux milieux lentiques (lacs, étangs, mares) nous paraît aussi un angle important pour gérer la biodiversité du Morvan et ses services écosystémiques. 



Le parc naturel du Morvan est en train de se doter d'une nouvelle charte 2020-2035. Conformément à la loi, celle-ci a fait l'objet d'une évaluation environnementale par une autorité indépendante.

Parmi les remarques de l'Autorité environnementale, certaines concernaient les énergies renouvelables : "préciser la trajectoire (évolution des consommations et augmentation de la production) nécessaire pour atteindre l’objectif fixé par la charte d’un «territoire à énergie positive», de décomposer ces objectifs par secteur et par type d’énergie renouvelable et de spécifier les moyens associés à la mise en œuvre de la mesure 23"

Nous sommes heureux de constater que dans sa réponse à l'Autorité environnementale, le PNR du Morvan prévoit (p. 25) :

"Réhabilitation de 100 petites centrales hydroélectriques"

Cet objectif est tout à fait à portée sans créer de nouvel obstacle à la continuité en long ni artificialiser de nouveaux milieux, car le territoire du Morvan contient de nombreux moulins et étangs (ainsi que des barrages sans usage énergétique). Notre association, avec ses consoeurs de la Nièvre et de la Saône-et-Loire, participera à cet objectif en sensibilisant les adhérents propriétaires de moulins à l'importance de relancer l'énergie bas carbone des site anciens, tout en veillant à mettre en place des prises d'eau ichtyocompatibles. On peut aujourd'hui éliminer quasi-totalement la mortalité des poissons en dévalaison, surtout dans les petits sites. C'est évidement un enjeu.

Nous notons également avec satisfaction une reconnaissance de la valeur des milieux lentiques, qui ont été trop souvent les oubliés de la biodiversité, mais qui font l'objet d'un regain d'intérêt par la recherche écologique en France et en Europe (ci-après, reproduction de la p. 67 de l'avis de l'Ae).


"Les eaux dormantes : lacs, étangs et mares

Le Morvan est caractérisé par la présence d’un grand nombre d’étangs (plus de 3450 – source BD Topo IGN). Ils sont tous artificiels et, pour la plupart, créés sur le lit mineur des cours d’eau. Cette catégorie est très large pour ce qui est de la taille des plans d’eau concernés.

Les six grands lacs de barrage ont des surfaces allant de 75 ha à 520 ha. Les étangs sont très majoritairement des plans d’eau de petites tailles (87 % sont inférieurs à 1 ha, 97 % sont inférieurs à 5 ha). Les mares, au nombre de 3018 recensées dans la base du Conservatoire d'Espaces Naturels de Bourgogne, ont, en moyenne, une surface de 150 m2.
L’intérêt écologique des étangs, comme leur impact sur l’écosystème "eau courante", est variable en fonction de leur taille, mais surtout en fonction de la morphologie de la cuvette et de la gestion qui y est pratiquée.

Les masses d’eau contiennent assez peu d’espèces, souvent communes aux eaux courantes déjà vues. On notera la présence de la Renoncule blanche, une renoncule aquatique rarissime en Bourgogne, désormais protégée par l’intégration de sa station dans la RNR des tourbières du Morvan. Au fond de l’eau, rarement découvert, existe aussi l’Isoète des lacs, non revu depuis plusieurs années malgré des recherches.

En s’approchant des bords, toujours dans l’eau, le nombre d’espèces augmente. On trouve dans les ceintures de végétations les plus internes, s’exondant annuellement, des espèces comme le Millepertuis des marais, le Scirpe flottant ou le Flûteau nageant, dont une partie flotte en période de hautes eaux. C’est sur les berges basses, les plus rapidement émergées que le nombre d’espèces rares explose. On retrouve toutes les précédentes et s’ajoutent l’Élatine à six étamines, le Scirpe à nombreuses tiges, le Scirpe à inflorescence ovoïde, l’Illécèbre verticillé, la Littorelle des étangs ou la Boulette d’eau en fonction de la nature du substrat (sol minéral ou organique).

Plus haut, sur les berges émergées longuement, des végétations plus eutrophes s’installent avec le Bident soudé, le Bident radié, l’Ansérine rouge ou la Patience des marais. Mais cette succession d’habitats et d’espèces n’est pas la seule possible dans le Morvan. Si le plan d’eau est à niveau stable au cours de l’année, et encore plus s’il est en contexte tourbeux, les ceintures de végétation sont toutes autres. On trouvera alors en ceinture interne diverses cariçaies et tremblants tourbeux assurant la transition avec les milieux terrestres. Dans ces habitats très particuliers, on trouve la Laîche à deux étamines et la Laîche à fruit barbu, rarissimes tous deux.

Les plans d’eau constituent sans nul doute des reversoirs de nourriture intéressants pour la Loutre, mais leur contribution au maintien de la biodiversité est surtout importante pour les Odonates (la Cordulie arctique ou le Sympétrum noir sur tourbières et étangs tourbeux, la Cordulie à deux taches, le Sympétrum commun, la Grande aeshne sur les queues d’étangs).

Les amphibiens sont bien représentés dans le réseau très dense de mares. Les espèces sont assez communes. Cependant, le Triton crêté est bien représenté dans les mares en système bocager en limite ouest, nord et est du territoire. Il faut également noter qu’une des trois plus importantes populations de Triton marbré de Bourgogne se trouve dans le bassin d’Autun. Enfin, l’Écrevisse à pattes rouge est présente dans quelques étangs, issue de repeuplements."

25/06/2019

Identifier, protéger, gérer les habitats aquatiques et humides du moulin

Les moulins ont des habitats associés à leur fonctionnement: retenue, canaux et rigoles, zones humides annexes. Il y a aussi de nombreux micro-habitats comme par exemple des embâcles en décomposition, des caches racinaires en pied d'arbre, des roselières ou des cariçaies. Les moulins anciens en tête et milieu de bassin se sont parfois partiellement "renaturés" avec le temps, offrant des profils originaux. A l'heure de la crise de la biodiversité, il est important pour les propriétaires de se sensibiliser à l'existence de ces milieux et de réfléchir à leur bonne gestion. Il est aussi possible de profiter de la circulation de l'eau pour créer de nouveaux habitats, comme par exemple des mares en dérivation de bief ou en zone alimentée par la recharge de nappe. Pour qui y prend garde, toute une faune d'insectes, amphibiens, mollusques, crustacés, poissons, oiseaux, mammifères pourra profiter de la présence de l'eau et de la végétation souvent luxuriante de berge, avec d'autant plus de diversité qu'on laissera de la place pour des habitats variés, tantôt permanents tantôt intermittents. Si le moulin se définit d'abord par les besoins de gestion hydraulique, parfois au bénéfice de l'énergie exploitée sur le site, les nouveaux enjeux de la biodiversité peuvent le conduire à développer aussi une gestion écologique et morphologique des eaux qui traversent la propriété. Ainsi, le moulin s'inscrit dans la durée comme un patrimoine vivant... dans tous les sens du mot!


Identifier des espèces n'est pas toujours facile, mais cartographier des habitats est davantage à portée. Cela forme une première étape pour réfléchir à la gestion de son bien. La planche ci-dessous donne quelques exemples d'habitats d'un moulin en tête de bassin du Morvan.


Si votre moulin (ou étang) est situé en Bourgogne Franche-Comté et que vous êtes intéressé par un travail en réseau sur la gestion de la biodiversité au droit des ouvrages hydrauliques, contactez-nous. Avec nos consoeurs de la région, nous commençons à mettre en commun des observations, mutualiser des bonnes pratiques, définir des méthodes d'inventaire, améliorer l'engagement des moulins et étangs pour la protection du vivant.

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Et si votre moulin devenait un refuge LPO pour les oiseaux? 

21/06/2019

Le ministère de l'écologie assène encore aux parlementaires ses dogmes et ses biais sur les moulins et l'hydro-électricité

Interrogé par une sénatrice de la Nièvre sur la nécessité de respecter les moulins comme patrimoine et comme potentiel énergétique, le ministère de l'écologie vient de produire une réponse écrite illustrant à nouveau sa dérive : abus de pouvoir dans la prétention à dire arbitrairement quel projet d'énergie renouvelable serait intéressant ou non, accumulation de caricatures à charge sur les moulins et retenues qui méconnaissent les données récentes de la recherche scientifique comme les observations des citoyens sur le terrain. Aucun mot pour dire que la destruction des sites – soulevant la crainte de la sénatrice et l'exaspération des riverains –– est exclue. La haute administration "eau et biodiversité" qui produit de tels textes ne peut pas prétendre de bonne foi qu'elle cherche une politique de "continuité apaisée" des rivières : elle cherche à freiner ou interdire la relance énergétique des moulins, elle vise à détruire les ouvrages en rivière auxquels elle n'attribue que des défauts, elle est incapable de produire un consensus avec les propriétaires et riverains ulcérés des dérives qui ne sont jamais reconnues. Aussi longtemps que cette haute administration persistera dans une attitude aussi biaisée, agressive et simpliste, la confiance sera rompue entre l'action publique et les ouvrages hydrauliques. En attendant, chaque association poursuivra en justice tout abus de pouvoir visant à détruire un ouvrage autorisé ou à empêcher sa relance énergétique, comme elle informera sans relâche ses élus de la nécessité de réviser en profondeur cette politique conflictuelle et coûteuse. 



Dans sa réponse à la sénatrice de la Nièvre Nadia Sollogoub, le gouvernement rappelle d'abord la place de l'hydro-électricté en France et dans les soutiens de l'Etat :

Ministère de l'écologie : "L'hydroélectricité est la première source de production d'électricité renouvelable, Elle est importante à la fois pour le système électrique national et le développement économique local. Le maintien et le développement de cette ressource, dans le respect des enjeux environnementaux, sont indispensables pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques ambitieux que notre pays s'est fixés. Le potentiel restant est limité par le taux d'équipement important déjà existant et par les enjeux de protection de l'environnement, mais il existe encore une marge de progression et d'optimisation du parc. Dans ce cadre, le Gouvernement soutient donc la réalisation de nouveaux investissements de développement de l'hydroélectricité. (...) La petite hydroélectricité fait par ailleurs l'objet, au même titre que les autres filières renouvelables, d'un soutien au développement via l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat et du complément de rémunération pour l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie hydraulique des lacs, des cours d'eau et des eaux captées gravitairement, ainsi que via des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Les pico-centrales pour les particuliers peuvent bénéficier de ces dispositifs."
Il est utile de rappeler ces dispositifs aux parlementaires, mais un exercice de vérité du ministère de l'écologie serait bienvenu: dans de nombreux cas, les porteurs de projets hydro-électriques sont confrontés à des demandes totalement disproportionnées qui induisent plusieurs années d'instruction administrative du dossier, mais surtout l'équivalent de plusieurs années, parfois plusieurs décennies, de revenus d'exploitation (ou de leur équivalent si c'est un projet d'autoconsommation). C'est insensé car aucune activité ne se lance dans de telles conditions. S'il est logique, nécessaire et assez peu coûteux de demander un passage pour les poissons sur un nouveau projet de construction de barrage (on le prévoit dès la conception du génie civil), il n'y a pas de sens à le demander systématiquement sur des ouvrages anciens en place de longue date, autour desquels le vivant est déjà ré-organisé, et dont beaucoup sont déjà franchissables certaines périodes de l'année en raison de leur très modestes dimensions. Quand des équipements assez simples comme des grilles fines de protection permettent de protéger 98 à 100% des poissons qui passent dans le canal d'amenée (travaux de Tomanova 2018), c'est vers là qu'il faut se diriger. Ainsi que vers le respect du débit minimum biologique et vers des gestions de vannes en période migratoire. Si des dispositifs complexes sont demandés (passes techniques, rivières de contournement), ce ne peut être qu'avec un soutien public massif car on sait depuis la première loi échelle à poissons de 1865 (150 ans de retour d'expérience!) que les coûts sont inabordables pour des particuliers ou des petits exploitants.

Le ministère de l'écologie doit donc faire une instruction formelle sur la petite hydro-électricité aux services instructeurs (DREAL, DDT-M, AFB) en rappelant que les mesures de compensation ou d'accompagnement écologique d'un projet doivent respecter les règles de réalisme économique et de proportionnalité aux impacts. Sans cela, les blocages continueront, aggravés par l'arbitraire de la situation actuelle où un fonctionnaire local peut demander à peu près ce qu'il veut, sans autre limite que son bon plaisir à imaginer toutes sortes d'impact possible à corriger et sans autre recours qu'une longue procédure en justice administrative.

Enfin un rappel : la recherche européenne a montré que la France possède au moins 25000 ouvrages anciens de moulins pouvant être relancés, cela dans tous les territoires et sans travaux de nouveaux barrages sur les rivières (Punys et al 2019). Un petit moulin produit l'équivalent électricité hors chauffage de 1 à 10 foyers, un moulin important de 10 à 100 foyers. Il est totalement contraire aux objectifs de transition bas carbone et de prévention du changement climatique d'entraver le développement de ce potentiel qui se retrouve dans quasiment toutes les communes françaises traversées par une rivière.
Ministère de l'écologie : "L'équipement des seuils existants pour de la petite voire très petite hydroélectricité se doit donc d'être sélectif et de faire l'objet d'une réflexion à l'échelle du cours d'eau sur la proportionnalité des impacts par rapport à la production électrique générée." 
Le ministère de l'écologie commet ici un abus de pouvoir, et il le sait. 

Dans l'arrêt du Conseil d'Etat "moulin du Boeuf" de 2019, il est expressément expliqué par le juge que l'intérêt d'un projet d'énergie renouvelable ne s'apprécie pas selon sa puissance :
"Il résulte de ces dispositions que la valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource constitue l’un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l’eau doivent assurer le respect. Il appartient ainsi à l’autorité administrative compétente, lorsqu’elle autorise au titre de cette police de l’eau des installations ou ouvrages de production d’énergie hydraulique, de concilier ces différents objectifs dont la préservation du patrimoine hydraulique et en particulier des moulins aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage."
Dans la directive européenne énergies renouvelables de 2018, il est expressément dit par le législateur de l'Union que tous les projets doivent être soutenus en Europe y compris l'autoconsommation en petite puissance :
"Les petites installations peuvent largement contribuer à renforcer l'acceptation par le public et à assurer le déploiement de projets en matière d'énergie renouvelable, en particulier au niveau local.""Les États membres peuvent imposer des frais non discriminatoires et proportionnés aux autoconsommateurs d'énergies renouvelables pour l'électricité renouvelable qu'ils ont eux-mêmes produite et qui reste dans leurs locaux, dans l'un ou plusieurs des cas suivants: (...)c) si l'électricité renouvelable produite par les autoconsommateurs est produite dans des installations d'une capacité électrique installée totale supérieure à 30 kW." 
Ce problème dure depuis 10 ans : les plus hauts représentants de l'administration centrale "eau et biodiversité" de l'Etat vont au-delà voire contre ce que dit la loi comme la jurisprudence. On peut supposer que ces propos sont répercutés aux services instructeurs de l'administration déconcentrée, qui vont essayer de donner des avis défavorables à la relance des moulins. On entre encore dans un cycle de blocages et de contentieux, n'ayant rien d'une "continuité apaisée". Qu'y gagne le pays? Qu'y gagne l'intérêt général?


Ministère de l'écologie : "Il faut toutefois souligner que la multiplication de ces installations dans les cours d'eau peut avoir, par effet de cumul, des impacts écologiques. En effet, les seuils fragmentent les cours d'eau, limitent plus ou moins fortement le déplacement des espèces, nécessaire à l'accomplissement de leur cycle de vie et à leur renforcement génétique. Par ailleurs, les seuils ralentissent les eaux qui se réchauffent plus vite l'été, perdent de l'oxygène et créent des habitats de milieux stagnants favorisant des espèces moins exigeantes et moins diversifiées, incompatibles avec le bon état des cours d'eau. Ces retenues peuvent en outre ennoyer des habitats, qu'il faut reconquérir pour restaurer la biodiversité aquatique. Le maintien des seuils existants et de leurs dérivations de débits, et l'ajout d'installations hydroélectriques nouvelles peuvent donc créer des dommages à l'environnement."
Le ministère de l'écologie dit ici toutes les raisons pour lesquelles, selon lui, les seuils en rivière ne devraient pas exister. Mais comment peut-il prétendre de bonne foi qu'il veut une "continuité apaisée" et persister ainsi dans des jugements qui poussent à une seule conclusion : il vaudrait mieux faire disparaître les seuils et autres ouvrages en rivière? Il ne le peut pas, et c'est la raison pour laquelle la "continuité" apaisée" restera un slogan de mauvaise foi tant que le ministère de l'écologie ne changera pas sa doctrine concernant l'avenir des rivières françaises et de leurs ouvrages.

Qu'un ouvrage en rivière ait un impact sur le milieu physique et biologique, c'est une évidence : une rivière aménagée par l'homme depuis quelques millénaires n'est plus une rivière "naturelle" telle qu'elle serait sans l'homme ! On peut dire la même chose des forêts, des prairies, des alpages, des garrigues, des littoraux... et de l'ensemble des milieux physique du pays, qui ne sont plus ce qu'ils étaient jadis.

Pour autant, les ouvrages des rivières n'ont-ils que des impacts négatifs? Non. Ont-ils des impacts graves quand il s'agit d'ouvrages anciens? Non. Est-ce la priorité de la directive cadre européenne 2000 sur la qualité des eaux? Non. Les moulins, étangs et autres ouvrages anciens ont-ils aussi des qualités? Oui... et beaucoup !

Le problème ici est que le ministère de l'écologie écarte un grand nombre de travaux scientifiques qui ne collent pas avec son approche assez dogmatique procédant par généralités et biais de sélection. Pour prendre quelques études sur l'effet des ouvrages (seuils, digues, barrages), des canaux et des plans d'eau artificiels :

  • les barrages sont à conserver et gérer pour le vivant et le débit en adaptation au changement climatique (Beatty et al 2017
  • l'indifférence et l'ignorance sur les écosystèmes aquatiques artificiels conduit à des mauvais choix de conservation biologique (Clifford et Hefferman 2018)
  • les masses d'eau d'origine anthropique servent aussi de refuges à la biodiversité (Chester et Robson 2013
  • un étang augmente la densité de certains invertébrés et la disponibilité d'eau pour le vivant (Four et al 2019)
  • plans d'eau et canaux contribuent fortement à la biodiversité végétale (Bubíková et Hrivnák 2018
  • mares, étangs et plans d'eau doivent être intégrés dans la gestion européenne des bassins hydrographiques en raison de leurs peuplements faune-flore (Hill et al 2018)
  • la biodiversité des poissons d'eau douce provient en partie de la fragmentation des milieux (Tedesco et al 2017)  
  • un effet positif des barrages est observé sur l'abondance et la diversité des poissons depuis 1980 (Kuczynski et al 2018)
  • la biodiversité des étangs piscicoles est d'intérêt en écologie de la conservation (Wezel et al 2014)
  • les canaux servent de corridors biologiques pour la biodiversité (Guivier et al 2019)
  • les petits ouvrages ont des effets comparables aux barrages de castor (Ecke et el 2017)
  • la morphologie des rivières françaises est modifiée depuis déjà 3000 ans et nos choix de gestion l'ignorent (Lepsez et al 2017)
  • les effacements d'ouvrages avantagent certaines espèces mais en pénalisent d'autres et ce n'est pas correctement évalué (Dufour et al 2017)
  • les chantiers de restauration de rivières françaises souffrent d'une faiblesse scientifique, d'une dimension subjective et de résultats incertains (Morandi et al 2014
  • les sciences humaines et sociales ont leur mot à dire sur la valeur des ouvrages hydrauliques et les représentations de la nature (Sneddon et al 2017)
  • la densité des barrages n'est que le 13e facteur d'influence sur les critères DCE de l'eau, très loin derrière les pollutions et usages de sols (Villeneuve et al 2015)
  • les seuils dénitrifient les rivières en zone agricole (Cisowska et Hutchins 2016)
  • les barrages stockent les excès de phosphore (Maavara et al 2016)
  • des retenues d'étangs piscicoles éliminent les pesticides (Gaillard et al 2016
  • les effacements d'étang ont un bilan défavorable pour l'eau et le vivant (Aldomany 2017)
  • les alevinages des pêcheurs influencent davantage la génétique des poissons que les ouvrages hydrauliques (Prunier et al 2018
  • les alevinages historiques des pêcheurs ont modifié davantage le peuplement de certaines rivières que la présence de barrages (Haidvogl et al 2015
  • les saumons peuvent franchir un seuil de moulin... en évitant même les passes à poissons (Newton et al 2017)
  • les ombres et les truites peuvent franchir la plupart des ouvrages de moulins d'une chute inférieure à 1,8 m (Ovidio et al 2007)
  • l'écrevisse à pattes blanches bénéficie de la fragmentation des cours d'eau par les chutes naturelles et artificielles (Manenti et al 2018
  • des truites vivent depuis 200 générations dans un cours d'eau fragmenté (Hansen et al 2014)

Pourquoi ces travaux, et des dizaines d'autres recensés dans nos pages "science, ne sont pas intégrés aujourd'hui dans la réflexion du ministère de l'écologie et dans ses explications aux parlementaires? 

Pourquoi persiste-t-on à dresser un portrait en noir et blanc des ouvrages hydrauliques, alors que la recherche scientifique est bien plus nuancée, surtout à mesure que s'accumulent des données nouvelles et que se pose la question décisive du changement climatique? 

Pourquoi fait on croire que les rivières françaises pourraient ou devraient retrouver une forme qu'elles avaient il y a 2, 5 ou 10 siècles, alors que l'écologie de la conservation reconnaît que les milieux et les espèces changent dans l'histoire, donc que seule compte finalement l'estimation réelle, au cas par cas, de la biodiversité et de la fonctionnalité des milieux, qu'ils soient "naturels" ou "artificiels", d'origine spontanée ou dirigée?

Nous subissons en réalité une écologie administrative, jacobine et simpliste. La direction de l'eau et de la biodiversité n'est ni crédible ni légitime dans sa prétention à détruire les ouvrages anciens au nom de dogmes, elle fait perdre du temps et de l'argent à tous les acteurs, elle néglige des actions bien plus utiles pour la qualité de l'eau, pour le climat et pour la biodiversité : toute la politique publique de la rivière souffre inutilement de ce blocage ministériel.

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Rendez-vous les 27 et 28 juillet 2019 au château de Sully (71) pour nos rencontres annuelles, avec de nombreux échanges autour de ces questions. Ecrivez-nous pour recevoir l'invitation.

19/06/2019

La Norges à Chevigny-Saint-Sauveur: la continuité écologique assèche les lits et désole les riverains, pour 600.000 euros tout de même...


Habitants et élus de Chevigny-Saint-Sauveur sont mécontents : après des travaux ayant coûté 600.000 euros, un des bras de dérivation traversant la commune est devenu un cloaque. Le dogme de la destruction des ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique dans ses oeuvres... mais a-t-on tant d'argent public que nous puissions nous permettre de sacrifier nos rivières et leurs patrimoines à des expériences qui dégradent des cadres de vie? Dans de nombreux villages de Bourgogne, les syndicats ont des projets similaires : ils promettent qu'il y aura de l'eau tout le temps dans les biefs et canaux après travaux... mais ces promesses n'engagent que ceux qui y croient. Cessons ces dérives sans fin! 



Le journal le Bien Public révèle les ratés des aménagements de Chevigny-Saint-Sauveur.

Le système hydraulique de la Norges, de la Rivière-Neuve et de la Goulotte sur la commune de Chevigny-Saint-Sauveur (21) est aménagé de longue date : un ouvrage répartiteur (seuil sur le cours de la Norges) dérivait une part du débit vers la Goulotte, puis de là un autre vers Rivière-Neuve. Plusieurs seuils et vannes sur ces écoulements régulaient les niveaux dans la traversée de la commune.

Entre 2016 et 2018, des travaux ont été menés dans l'objectif notamment de rétablir la continuité écologique, avec des interventions sur ces différents ouvrages de répartition et des plantations de berges (voir arrêté préfectoral du 5 juillet 2016).

Coût : 600 000 euros.

Mais les habitants et les élus sont aujourd'hui mécontents :"La commune n'a pas satisfaction de la finalité des travaux", dit Gérard Dupont, adjoint à l'urbanisme, au journal Le Bien Public.

La rivière la Goulotte n'est plus alimentée 8 mois dans l'année selon l'élu, elle devient complètement envasée et stagnante en divers endroits.

Pour Jacques Berniquet, de l'association Chevgny Environnement, "pour remédier à ça, il faudrait déjà commencer par remettre un barrage dans la Norges en amont de la ferme Père afin de faire entrer plus d'eau dans la Goulotte qui n'est pratiquement alimentée que la Mirande [NDA : un affluent]. Il faudrait aussi remettre le système de vannes juste avant le lavoir."

En 2017, l'agence de l'au était très fière de ce projet et vantait tous les mérites de ce "projet de restauration de la continuité écologique et de valorisation de la Norges et de la Goulotte", comme le montre son site :



Conclusion : on dépense l'argent public pour des résultats qui déplaisent aux citoyens et dégradent leur cadre de vie tout en affectant les écoulements des hydrosystèmes mis en place par l'homme depuis des siècles. Cessons de confier nos rivières aux apprentis sorciers de la continuité écologique, respectons les attentes des riverains et les milieux tels qu'ils ont évolué dans l'histoire.

18/06/2019

JOURNÉES DU PATRIMOINE DE PAYS&DES MOULINS la pointerie de Chamesson et le moulin de Bœuf ouvrent leurs portes

Les 22 et 23 juin 2019 la Pointerie  et le moulin du Bœuf vous accueillent.







Depuis des années la Pointerie, ancienne usine de clou, ancienne forge, est porte close. Pourtant ce week-end, pour les Journées des Moulins nous avons décidé de vous faire découvrir ce lieu d’exception, de vous le raconter le plus possible, de faire tourner l’ancienne turbine qui est toujours en l’état, de vous laisser vous promener dans cet endroit qui commence juste à reprendre vie. Nous serions heureux de vous accueillir à l’entrée, toutes les heures à partir de 14h et jusqu’à 20h pour partir à la découverte de ce lieu chargé d’histoire qui a vu grandir des générations de châtillonnais. Un verre au bord de l’eau est offert à tous les curieux, soyez les bienvenus!



La pointerie
 Chamesson 

Depuis juillet 2013, Marie-Anne et Gilles sont en lutte et cette lutte est emblématique. Il ne s’agit pas seulement de défendre LE moulin du boeuf, mais de défendre la production d’une hydroélectricité « verte » non polluante, préserver les droits d'une exploitation raisonnée des cours d’eau, valoriser le patrimoine, les moulins et ouvrages hydrauliques multicentenaires, et résister à leur destruction programmée



L’image contient peut-être : arbre, maison, plante, plein air, nature et eau
Le Moulin de Boeuf
D901 Bellenod Sur Seine





12/06/2019

La réalité des écosystèmes culturels questionne la cohérence de l'écologie de la restauration (Evans et Davis 2018)

Deux chercheurs en science de l'environnement s'interrogent sur les liens entre la restauration écologique et les "écosystèmes culturels", définis comme les modifications de milieux par l'activité humaine au cours des siècles et millénaires passés. Comme un nombre croissant de collègues, ils expriment le besoin de sortir l'écologie de la référence à un état naturel non modifié par l'homme, qui fait de moins en moins sens au regard des observations et connaissances sur l'ancienneté de la fabrique humaine de la nature telle que nous la voyons aujourd'hui. L'écologie doit-elle dépasser l'amnésie et l'utopie d'une nature atemporelle qui pourrait rester toujours identique à elle-même? Comment la société peut-elle participer à la construction des états de nature qu'elle désire?   



Le contrôle de l'eau dans l'hydraulique maya, site de Palenque, rivière Otulum.

La société pour la restauration écologique (SER, Etats-Unis), groupe de praticiens et théoriciens, a proposé en 2016 un "Standard international pour la pratique de la restauration écologique". Celui-ci donne lieu à d'intéressants débats entre experts, où l'on s'aperçoit que la restauration écologique ne coule pas de sources dans ses méthodes, ses paradigmes et ses finalités.

Nicole M. Evans et Mark A. Davis (université de l'Illinois) observent ainsi que le Standard proposé prend en compte la notion d'écosystème culturel, défini comme "les écosystèmes qui se sont développés sous l'influence conjointe des processus naturels et des organisations imposées par l'homme pour fournir une structure, une composition et une fonctionnalité plus utiles pour l'exploitation humaine".

Mais selon cette définition, font remarquer Evans et Davis, "il semble que tous les écosystèmes sont culturels, de manière plus ou moins prononcée". La SER a tenté d'anticiper la critique en parlant de systèmes qui resteraient dans une fourchette de "variation naturelle". Le Standard de la SER parle aussi des écosystèmes culturels pré-industriels qui "montrent des états très similaires à ceux survenant dans des aires non modifiées". Mais, notent Evans et Davis, "alors que la majeure part de la littérature scientifique démontre que les peuples indigènes de l'âge préindustriel étaient des forces majeures sur leurs écosystèmes (Martinez 2003; Krech 2000; Anderson 2005), le Standard dépeint leurs paysages comme des états non modifiés. Un rapide examen de plusieurs exemples montre pourquoi cette généralisation est une représentation grossière et une simplification excessive des peuples du passé et de leurs impacts".

Parmi les exemples, les auteurs rappellent l'exploitation très large de la forêt amazonienne à l'époque pré-colombienne, l'influence cumulée de l'agriculture européenne depuis l'Antiquité, les changements majeurs ayant accompagné l'arrivée de l'homme en Australie et dans la zone océanique.

Les universitaires mettent en avant plusieurs "implications conceptuelles" de leurs critiques:
"Les états naturels [de référence] ne doivent pas être la base pour déterminer si une activité remplit les conditions requises de restauration écologique, car cela pourrait empêcher la restauration nécessaire dans de nombreux endroits dans le monde"

"Lors du choix des références, l’idée d'une référence "originelle" intacte devrait être remplacée par des manières plus nuancées de considérer des impacts bons, mauvais et neutres de l'homme sur des écosystèmes, non basées sur une division de temporalité pré- et post-industrielle"

"Un point de départ pour marier la restauration culturelle et la restauration naturelle est d'intégrer des considérations sociales, culturelles et politiques à côté des considérations écologiques"

Discussion
La question de la "naturalité" ou de l'"état de référence" des systèmes naturels est un problème en écologie de la restauration. Evans et Davis le pointent ici à travers les usages historiques traditionnels de la nature ou les effets de la colonisation, mais leurs objections sont généralisables : nous ne sommes jamais passés d'un état de nature originelle à un état de nature modifiée par une transition brutale aux causes identifiables et réversibles, mais par un long travail de transformation de l'environnement par toutes les grandes civilisations passées et présentes. La modernité accélère bien sûr le phénomène depuis deux siècles, par la croissance démographique et par les moyens technologiques inédits (d'où la proposition de nommer notre époque géologique "Anthopocène"). Mais si nous pouvons, par conscience environnementale nouvelle, choisir de moins modifier certains milieux (par exemple moins exploiter les forêts, moins barrer les rivières, moins artificialiser les sols, moins émettre de carbone, moins produire de polluants persistants, etc.), nous ne pouvons pas pour autant effacer les usages passés ni cesser complètement d'influer sur la nature au vu des besoins ou des préférences socio-économiques des humains. L'évolution étant non réversible, avec une complexité combinatoire des influences entre facteurs biotiques et abiotiques, nous ne pouvons pas davantage revenir à un état bien défini de conditions passées (que ces conditions soient biologiques, thermiques, hydrologiques ou autres).

Si les écosystèmes sont en réalité des co-créations culturelles, techniques et naturelles, ou des phénomènes fondamentalement hybrides comportant une part de volonté humaine dans leur condition d'existence, que voulons-nous pour leur avenir? Pourrions-nous, par exemple, créer volontairement des configurations nouvelles d'habitats et de biodiversités? Avons-nous, sur les états de la nature, la même liberté que sur les états de la culture? Que devons-nous faire d'habitats anciens ou récents qui ont fini par héberger des faunes et des flores propres, parfois endémiques, parfois exotiques, mais ayant en tout état de cause leurs diversités spécifique, génétique, fonctionnelle?

Ces questions sont d'actualité puisque l'écologie de la restauration est devenue une politique publique, impliquant des dépenses et des contraintes, donc des débats démocratiques sur les finalités et les justifications de l'action. Malheureusement, les connaissances sur l'écologie restent peu diffusées, les réflexions à son sujet moins encore : la discussion est trop souvent réduite à des effets d'annonce, les choix alternatifs ne sont pas exposés ni pensés avec clarté, certaines options sont (indument) présentées par effet d'autorité comme le seul discours légitime au plan scientifique ou épistémologique. Une situation qui doit changer, car elle est défavorable à des choix avisés et informés sur l'avenir commun des sociétés et des milieux. En France, cela passe par une réforme en profondeur de la gouvernance publique de ces questions, aujourd'hui défaillante à produire de l'information, de la participation et de la délibération de qualité.

Référence : Evans NM et Davis MA (2018), What about cultural ecosystems? Opportunities for cultural considerations in the International Standards for the Practice of Ecological Restoration, Restoration Ecology, 26, 4, 612–617.

A lire sur ce thème
Les nouveaux écosystèmes et la construction sociale de la nature (Backstrom et al 2018) 
Restauration de la nature et état de référence: qui décide au juste des objectifs, et comment? (Dufour 2018)
Quelques millénaires de dynamique sédimentaire en héritage (Verstraeten et al 2017) 
Rivières hybrides: quand les gestionnaires ignorent trois millénaires d'influence humaine en Normandie (Lespez et al 2015) 
Une rivière peut-elle avoir un état de référence? Critique des fondements de la DCE 2000 (Bouleau et Pont 2014, 2015) 

10/06/2019

Moulin : la relance d'un fondé en titre n'est pas soumise aux formalités de l'autorisation

A l'occasion d'un contentieux entre deux moulins - le moulin amont s'estimant lésé par la relance du moulin aval -, la cour d'appel de Nancy rejette la demande du plaignant, reconnaît la relance de l'ouvrage fondé en titre à l'aval et rappelle que la procédure de porté à connaissance de la remise en service (article R 214-18-1 code environnement) n'est pas assimilable à une autorisation. L'ouvrage étant déjà autorisé, les tiers ne peuvent exiger des enquêtes publiques, des dossiers d'impact IOTA-ICPE propres aux autorisations ni des consultations de l’autorité environnementale. C'est du bon sens puisque le site est en place, donc le seul changement concerne la relance hydro-électrique dans la chambre d'eau ou le coursier de roue, non une artificialisation supplémentaire du milieu ou un prélèvement différent de l'eau. 



Par arrêté du 2 septembre 2015, le préfet du Jura a autorisé un pétitionnaire à disposer de l’énergie du cours d’eau de la Cuisance afin de remettre en exploitation son moulin et de créer une microcentrale électrique. Un autre moulin situé en amont s'estime lésé par cette décision, et il a requis son annulation au tribunal administratif de Besançon.

La cour d'appel de Nancy vient de statuer et de rejeter la demande du plaignant, reconnaissant la valeur de la remise en service du moulin aval.

Outre un point de fait non établi par le plaignant (rehausse de l'ouvrage par rapport au 18e siècle), on retient les points de droit suivant :

"Le préfet ayant retenu cette hauteur pour fixer la puissance maximale brute hydraulique de l’installation à 68,4 kilowatts, il a pu légalement, sur le fondement du 1° du II de l’article R. 214-18-1 du code de l’environnement précité, reconnaître le droit fondé en titre attaché à l’ouvrage et sa consistance légale. Par conséquent, la remise en exploitation des installations litigieuses ne nécessitait, contrairement à ce que fait valoir M.F..., aucune autorisation

En deuxième lieu, la remise en exploitation des installations litigieuses n’étant pas soumise à autorisation, les moyens tirés de l’absence d’enquête publique, du caractère incomplet du dossier et de l’absence de consultation de l’autorité environnementale ne peuvent qu’être écartés comme inopérants." 

Cela signifie qu'une relance de moulin fondé en titre (avant 1790 en rivière non domaniale, avant 1566 en rivière domaniale) ou fondé sur titre d'une puissance de moins de 150 kW (entre 1790 et 1919) relève de la simple déclaration au préfet et n'est nullement assimilable à une procédure d'autorisation, avec les formalités qu'implique l'autorisation.

Cette décision de la cour propose une lecture logique et attendue du droit. Le préfet peut constater la perte du droit d'eau pour ruine ou pour changement d'affectation, il peut dans des cas de force majeure établis par ses services (risque démontré sur la sécurité et la salubrité) dénoncer l'existence d'un ouvrage, mais il ne peut empêcher une relance d'ouvrage autorisé, ni exiger une nouvelle autorisation alors que l'ouvrage est déjà régulièrement installé dans sa consistance légale, disposant à ce titre du droit d'usage de l'eau. Il en va donc de même pour les tiers, qui ne peuvent invoquer un changement de l'équipement énergétique d'un site déjà autorisé pour exiger des procédures non requises en ce cas.

Source : Cour d'appel administrative de Nancy,  arrêt n°18NC00456, 25 avril 2019

05/06/2019

Silence sur les milliards de la continuité, mensonges en série aux parlementaires, appel à casser encore les seuils: le ministère de l'écologie à la dérive



Avec près d'un an de retard, le ministère de l'écologie répond au sénateur Christophe Priou —l'élu demandait qui va payer les coûts (entre 2 et 4 milliards €) de "restauration de continuité écologique" sur 50 000 km de rivière. Non seulement le ministère de l'écologie ne donne pas l'information demandée - selon le mépris usuel de la haute administration pour le contrôle parlementaire de son action, notamment du bilan coût-efficacité de cette action  - mais il explique encore dans la réponse... qu'il faut effacer les ouvrages ! Ce que ne prévoit ni la loi française ni la loi européenne, et ce qui provoque depuis 10 ans la colère des riverains. Ce n'est pas le seul abus de pouvoir, le seul mensonge ni la seule omission de la réponse du ministère de l'écologie, habitué des falsifications pour justifier des dogmes. Nous y répondons ici point à point. On prétend promouvoir une continuité "apaisée" mais on organise en réalité le retour des enfumages,  des blocages et des contentieux. Que chaque lecteur le fasse savoir à son parlementaire et lui demande de saisir à nouveau le ministre de l'écologie pour qu'il s'explique vraiment. Car François de Rugy ne doit pas avoir la paix tant qu'il persistera à couvrir ainsi les tromperies de  la direction de l'eau et de la biodiversité de son ministère... ou à proférer des absurdités devant la représentation nationale. 




Question écrite n° 06033 de M. Christophe Priou (Loire-Atlantique - Les Républicains), publiée dans le JO Sénat du 05/07/2018 - page 3312:

«M. Christophe Priou attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les problèmes importants posés par la continuité écologique.

En effet, le rapport du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) publié au printemps 2017 a montré que le coût public moyen de chaque chantier est de 100 000 €, auxquels s’ajoute la part due par le propriétaire qui peut être du même niveau.

Le CGEDD note que le coût d’un aménagement de continuité écologique peut être équivalent voire supérieur à celui de la valeur foncière des biens concernés.

Comme un peu plus de 20 000 ouvrages sont classés en rivières à aménagement obligatoire selon le CGEDD, cela signifie un coût public de 2 milliards €, et autant pour les collectivités, particuliers ou exploitants.

Cette réforme étant exigible dans un délai de cinq ans seulement (2022-2023 selon les bassins), il lui demande comment seront supportés des coûts aussi importants, surtout pour des particuliers qui ne peuvent assumer une telle charge d’intérêt général.

Par ailleurs, il lui demande comment sera évalué le rapport coût-bénéfice de cette réforme de continuité écologique.»


Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire, publiée dans le JO Sénat du 23/05/2019 - page 2784 :

«La restauration de la continuité écologique des cours d’eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l’atteinte du bon état des masses d’eau conformément à la directive cadre sur l’eau.
MENSONGE : le coeur de la DCE 2000, c'est la pollution de l'eau. La continuité n'est pas "essentielle" au sens de facteur déterminant de l'écologie aquatique pour l'Union européenne. Elle est seulement mentionnée en annexe V de la directive cadre européenne sur l'eau 2000 comme une condition du "très bon" état écologique des rivières (pas le "bon état", qui est déjà l'objectif n°1), et cette continuité n'est qu'un domaine particulier parmi de très nombreux autres de la morphologie (domaine qui concerne en fait tout le bassin et les usages de ses sols). L'Europe n'a jamais fait du traitement des ouvrages de type moulins, étangs, lacs, canaux une priorité normative ou technique pour la qualité de l'eau, elle reconnait d'ailleurs la réalité écologique, sociale, économique des masses d'eau anthropisées (voir cet article). La recherche scientifique ne dit pas non plus que les discontinuités écologiques en long sont une cause majeure de baisse de qualité du milieu aquatique (voir cette synthèse) et quand on étudie vraiment les différents facteurs à l'oeuvre, on voit que les barrages sont très loin d'avoir un impact dominant (Villeneuve 2015) ni d'avoir un effet très négatif sur la biodiversité totale des poissons d'un bassin (Van Looy 2014). La chute brutale de la biodiversité après 1945 n'est pas associée au premier chef à des problèmes de continuité en long, mais une accélération de l'Anthropocène dont les "30 glorieuses" ont été une traduction en France. Par ailleurs la DCE 2000 demande d'abord le bon état chimique et écologique des eaux. La France est très loin de l'atteindre avec plus moitié des rivières en mauvais état chimique et autant en mauvais état écologique (voir sources). L'argent public dilapidé à casser des moulins, à détruire des barrages et à assécher des étangs est impardonnable alors que nous ne satisfaisons pas l'exigence première et prioritaire d'une eau saine. Ni nos objectifs climat et carbone par ailleurs ; c'est une absurdité de détruire des moulins et des barrages quand on peut produire une énergie bas-carbone dans tous les territoires (voir Punys et al 2019) et que leur réserve d'eau se révélera précieuse avec le changement climatique (voir Beatty et al 2017). 
Cette continuité est essentiellement impactée par les seuils et barrages sur les cours d’eau qui empêchent plus ou moins fortement le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, qui ennoient certains de ces mêmes éléments et stockent les sédiments.
MENSONGE PAR CONFUSION : la continuité latérale (libre divagation de l'eau sur tout son  lit majeur) et non pas longitudinale est considérée dans beaucoup de travaux de recherche comme la composante la plus importante pour la biodiversité des hydrosystèmes : c'est dans les marges, bras morts, zones humides et écotones des interfaces rivières-ripisylves qu'on trouve en effet le maximum d'espèces, et ce sont ces milieux qui se sont le plus appauvris depuis 150 ans. Par ailleurs, la question sédimentaire est complexe, variable selon chaque bassin, et généralement assez peu liée aux seuils, voir ce point de vue d'expert.  La continuité en long concerne pour l'essentiel quelques espèces de poissons grands migrateurs, comme l'anguille ou le saumon. Ces grands migrateurs se trouvaient encore en tête de bassin au 19e siècle, parfois au 20e siècle, ce sont les grands barrages (pas les seuils ici mélangés avec eux à dessein par le ministère), les pollutions, la surpêche (et non les moulins anciens) qui les ont affectés (exemple sur Loire-Bretagne). 
Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d’eau qui rendent obligatoire pour les ouvrages existants en lit mineur d’assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort.

La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que l’hydroélectricité et le patrimoine.

Le comité national de l’eau (CNE) a travaillé pendant plusieurs mois en associant l’ensemble des parties prenantes, dont les représentants des fédérations de moulins, à l’élaboration d’un plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique, consultable sur le site du ministère à l’adresse suivante :
MENSONGE PAR OMISSION : le ministère de l'écologie a ignoré l'essentiel des objections et propositions venant des moulins et riverains. La principale fédération d'associations de moulins (FFAM) ne reconnaît pas la valeur du plan proposé ni de sa circulaire de mise en oeuvre. Notre association indépendante non plus, des dizaines d'associations et collectifs en contact avec nous pas davantage. Nous demandions un plan où l'Etat ré-affirme clairement sa reconnaissance des ouvrages autorisés et son souhait de les préserver, cesse la destruction prioritaire des ouvrages, respecte la loi et ré-affirme donc les principes de "gestion durable et équilibrée de l'eau" à certains acteurs qui les ignorent, les contournent ou les refusent. Rien de cela n'est acté, nous constatons que l'administration centrale persiste dans la manipulation et la provocation, encore dans cette réponse au sénateur. Les conflits vont donc persister, et se durcir : nous n'attendons plus grand chose d'une administration qui n'a cessé de mentir, tromper, répondre à côté, divertir l'attention. Nous conseillons donc à nos adhérents d'aller désormais au contentieux au moindre abus de pouvoir d'un fonctionnaire DDT-M, AFB, agence de l'eau, comme nous irons en tant qu'association au contentieux contre tout programme administratif promouvant une destruction d'ouvrage contraire à la gestion équilibrée et durable de l'eau inscrite dans la loi. 
Celui-ci prévoit notamment un axe dédié à la connaissance des spécificités des moulins, parmi d’autres actions transversales pouvant également les concerner.

Si la recherche de financements est importante, la minimisation des coûts est essentielle.

Le plan national vise donc aussi à rappeler et encourager la mise en œuvre de solutions proportionnées aux enjeux et économiquement réalistes.

Le coût d’un dispositif de franchissement dépend de la hauteur à franchir et des exigences liées aux diverses capacités de nage des espèces à faire circuler.

Il s’agit souvent d’ouvrages de génie civil d’une technicité élevée et par nature coûteux.

C’est pourquoi lorsque l’enjeu de migration est fort (saumon), pour des petits ouvrages à faible rentabilité économique, des solutions d’abaissement de la hauteur du seuil ou de suppression sont effectivement mises en avant.
MENSONGE : le ministère de l'écologie a mis en avant la destruction partout, tout comme les représentants de l'Etat au sein des agences de l'eau. La casse des ouvrages est soutenue par le harcèlement réglementaire des maîtres d'ouvrages doublé d'une aide généreuse à la seule destruction (tout est payé en ce cas seulement). Concernant les saumons cités par le ministère, ils peuvent franchir les seuils anciens de moulin – la recherche scientifique a même montré que parfois, ils franchissent mieux les seuils que les passes à poissons réalisées sur les seuils, un comble (Newton et al 2017) ! Jamais la loi française (LEMA 2006) n'a prévu l'effacement, jamais la directive européenne DCE 2000 n'a prévu l'effacement. C'est un dogme de l'administration française et c'est ce dogme qui explique le blocage complet sur les rivières, le gouvernement étant illégitime dans sa prétention à détruire des propriétés, à faire disparaître des patrimoines, des paysages et des milieux appréciés, à refuser le financement des charges exorbitantes de continuité prévu dans la loi. Par ailleurs, dans les demandes sociales concrètes de continuité, on constate dans la plupart des cas que le lobby des pêcheurs de saumon exige en réalité le maximum de proies pour satisfaire son loisir : cela n'a rien à voir avec l'écologie de conservation, on peut parfaitement sauvegarder l'espèce saumon atlantique en France et en Europe sans tout casser sur chaque rivière pour ses fraies (voir Kareiva et Carranza 2017 pour une analyse critique des choix aux Etats-Unis, confrontés aux mêmes réflexions qu'en France). Cette politique  hexagonale est d'abord au service des intérêts particuliers d'un lobby qui a ses entrées dans les ministères français depuis des décennies, et qui avait déjà réussi à imposer la loi pêche de 1984d'application aussi difficile que la LEMA 2006 sur ce volet migrateur.  Le déni de cette réalité faite perdre sa légitimité aux prétentions "écologiques" des choix actuels de continuité, dont les dépenses sont souvent absurdes et sans cohérence (ce qui n'est pas une fatalité). 
En revanche, dans certains cas où l’enjeu de la migration au droit d’un ouvrage serait plus relatif, des solutions moins coûteuses pourront être suffisantes.

Aucun coût moyen ne peut être appliqué compte tenu de la très grande diversité de solutions possibles.
MENSONGE : il est tout à fait possible de définir un coût moyen, médian et une dispersion en prenant l'ensemble des chantiers réalisés depuis 10 ans sur l'ensemble des bassins. Il serait urgent de mettre accès libre et simple le répertoire de toutes les actions sur ouvrages financées par bassin et rivière, d'avoir la transparence qu'exige l'action publique.  Car c'est justement le rôle des bureaucraties d'être au clair sur les sommes dépensées et d'en rendre compte aux citoyens comme à leurs représentants. Mais le ministère de l'écologie enfume sur les coûts, et il entretient l'opacité sur l'efficacité réelle de ses politiques. Le CGEDD avait obtenu (difficilement) des données partielles des agences de l'eau et le constat fait sur ces chiffres montre bien un coût public moyen de 100 k€ par chantier, auxquels s'ajoutent les coûts privés. Tout cela ne tient pas compte des coûts d'opportunité qu'il y a à détruire des ouvrages au lieu de les équiper pour la transition énergétique. C'est une énorme gabegie pour l'argent public des citoyens. 
Le plan d’action demande à chaque bassin de mettre en place un programme de priorisation, selon des critères d’impacts et d’enjeux écologiques, qui permette de concentrer les moyens humains, financiers et de contrôle de police.

L’objectif est de résorber de la manière la plus pragmatique les retards pris ou prévisibles sur les délais applicables.
AVEU : l'objectif n'est pas du tout de revenir à une continuité réaliste et apaisée, mais de "résorber des retards". On limite les moyens de l'Etat à quelques sites élus, on relègue les autres sites en zone de non-droit (ils sont obligés d'agir par la loi, mais l'Etat ne met pas de moyen sur les instructions, a fortiori les travaux), on persiste dans la pression à casser partout comme solution de première intention. Le plan du gouvernement est une mesure bureaucratique pour des bureaucrates, et un enterrement des critiques de fond contenus dans les rapports CGEDD 2017 et CGEDD 2012. Le ministère ne veut pas reconnaître que son classement de continuité de 2011-2012 est une faillite irréaliste. Et que le choix de la "renaturation" et de la "rivière sauvage", devenu un dogme d'administration centrale de l'écologie, n'a rien à voir avec ce que dit la loi sur les ouvrages et les rivières, ni avec ce qu'attendent les riverains appréciant les agréments des cours d'eau aménagés. 
Cette démarche de priorisation est cohérente avec l’action 39 du plan biodiversité qui vise la restauration de la continuité sur 50 000 kilomètres de cours d’eau d’ici à 2030.

Une instruction aux préfets est en cours de signature pour mettre en œuvre les actions du plan, notamment la concertation accrue entre services de l’État et avec les opérateurs (agence française pour la biodiversité, agences de l’eau), la co-construction avec toutes les parties prenantes et la mise en place rapide de la priorisation des ouvrages existants nécessitant des aménagements. »

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