29/10/2022

Pourquoi le gouvernement bloque sur l’hydro-électricité ?

 Ni les médias spécialisés ni les parlementaires eux-mêmes ne comprennent pourquoi le gouvernement a exclu l’hydro-électricité du projet de la loi d’accélération des énergies renouvelables. Ni pourquoi il tente en ce moment même de dissuader d’intégrer l’énergie hydraulique dans les échanges parlementaires. La raison ? Le poids d'une faction radicale et favorable à la démolition des ouvrages hydrauliques au sein de l’appareil administratif en charge de l’écologie.




L’absence de l’hydro-électricité (parmi d’autres sources d’énergie) dans le projet de loi d’accélération de l’énergie renouvelable est déplorée quasi-unanimement. La Coordination Eaux & rivières humaines, le Syndicats des énergies renouvelables et l’Union française de l’électricité l’ont signalé quand ils ont été auditionnés à l’assemblée nationale. Les médias spécialisés parlent d’angle mort

Les parlementaires eux-mêmes constatent la tiédeur voire l’opposition du gouvernement sur le sujet. Même ceux de la majorité présidentielle, qui comprennent mal cette posture. Le gouvernement affirme que ce sujet particulier sera traité «plus tard», «dans une autre loi», car il est «compliqué». Le but de l'actuel projet de loi est d'accélérer et simplifier, mais pour l'hydro-électricité, il s'agirait surtout de retarder et de complexifier. Pendant ce temps-là, les catastrophes climatiques s'accumulent.

Croire le gouvernement sur ses bonnes intentions futures pour l'hydraulique, c’est mal connaître ce qui se joue depuis 10 ans sur la question des ouvrages en rivière et de la fameuse réforme catastrophique de continuité dite écologique. Plus largement ce qui se joue dans la vision technocratique actuelle de l’écologie. Les projets de loi sont préparés par les hauts fonctionnaires. Et les hauts fonctionnaires ont déjà tranché, ils ne veulent pas sérieusement relancer l'hydraulique en France, en particulier sur les dizaines de milliers de sites déjà présents sur les cours d'eau.

Les factions administratives essaient d'imposer leur idéologie et leurs clientèles, sans déranger les grands pollueurs
Le ministère de l’écologie – à travers la direction eau et biodiversité (DEB) de l’administration centrale, ses affiliées (DDT-M, DREAL, agences de l’eau, office de la biodiversité) et ses clientèles (minorités actives de pêcheurs de salmonidés et de naturalistes, syndicats de rivière dépendant des subventions publiques) – s’est lancé dans le projet fou de détruire le maximum d’ouvrages de moulins, forges, étangs, plans d’eau et même parfois de grands barrages EDF comme sur la Sélune (contre l'avis de leurs syndicats, indignés de ce sacrifice à un club de pêcheurs de saumons). Incapables de lutter contre les pollutions et d’atteindre le bon état des eaux, ces bureaucraties détournent l’attention en prétendant que les ouvrages hydrauliques sont la source de tous les maux. Elles ont fait de cet ouvrage un diable : impossible d’accepter des politiques publiques qui reconnaitraient ses usages et inciteraient même à les développer. 

De surcroît, ces bureaucraties n’ont aucune envie d’avoir à gérer des petits producteurs d’énergie sur les rivières : elles préfèrent liquider le maximum de sites, se concentrer sur quelques grands industriels, selon un tropisme français bien connu d’incapacité de l’Etat à travailler à échelle du terrain. Ce n’est pas pour rien non plus que les grands lobbies industriels et agricoles n’ont pas objecté à la destruction des petits sites hydrauliques en zone rurale, peu peuplée et pauvre : la vitrine offerte par cette soi-disant «renaturation» est un alibi très commode pour tout le monde, ses victimes n'ont guère de poids à Paris ni dans les comités de bassin, où de toute façon elles ne sont pas conviées

Mais voilà, les «petits» n’ont pas accepté d’être sacrifiés au nom des arbitrages faits dans les hautes sphères. 

La politique de continuité écologique destructrice est un échec qui a soulevé des centaines de confits sociaux et de contentieux en justice, qui a déjà suscité des jurisprudences adverses au conseil d’Etat et au conseil constitutionnel, qui a déjà été réajustée par plusieurs lois successives, dont celle de 2021 («climat et résilience») ayant été obligée d’interdire purement et simplement la casse des ouvrages – car un certain nombre de fonctionnaires militants étaient incapables de comprendre les avertissements maintes fois lancés par les parlementaires, les cours de justice et même des audits administratifs.

Ne surtout pas relancer les moulins et petites usines hydrauliques, en espérant pouvoir les casser à nouveau demain
Pour l’instant, la direction eau et biodiversité du ministère de l'écologie fait le dos rond, tout comme ses antennes en agences de l’eau et préfectures : elle n’a pas changé un iota de son idéologie, elle espère que de futures lois permettront d’autoriser ses casses, elle laisse pourrir la situation sur les rivières en n'ordonnant pas aux services instructeurs de respecter les nouvelles dispositions. Elle ne veut surtout pas que des lois rendent des usages aux ouvrages de moulins et usines à eau, comme par exemple la loi discutée en ce moment. Là encore c’est un tropisme français : les politiques ne dirigent plus leurs administrations, ces administrations se contentent d’attendre les alternances et ne jugent pas forcément utiles de modifier leurs habitudes, même quand les lois ont changé. 

Nous avons déjà signalé à M. Béchu et à Mme Pannier-Runacher que l’administration dont ils ont la charge est engagée dans une longue dérive, d’abord par surtransposition arbitraire des lois françaises et européennes, puis depuis 3 ans par refus d’appliquer les lois et jurisprudences. Sans réaction des ministres par une directive ou circulaire opposable qui abroge les dispositions réglementaires anciennes devenues illégales et ordonne aux fonctionnaires de l’eau de suivre les orientations nouvelles des législateurs et des cours de justice, nous serons contraints d’avoir recours au contentieux contre le gouvernement.

D’ici là, nous appelons les députés et les sénateurs à ne pas s’en laisser conter : non seulement la France ne détruira pas ses ouvrages hydrauliques au nom d’une vision extrémiste de soi-disant retour à la rivière sauvage, mais elle doit urgemment mobiliser ces ouvrages, tant en prévention du réchauffement climatique (production d’énergie propre) qu’en adaptation à ses effets déjà inévitables (gestion des crues et sécheresses). 

Il faut mettre fin aux gabegies d’argent public qui détruisent un patrimoine utile et apprécié, engager une politique de gestion écologique intelligente (et non de destruction stupide) des ouvrages de rivière, les intégrer dans le nouvel horizon de transition qui vise à retrouver notre souveraineté énergétique sur fond d’économie relocalisée et en circuits courts. Il faut aussi acter que la transition énergétique ne se fera pas uniquement par quelques grands acteurs industriels concentrés : elle devra impliquer la mobilisation des ménages, des entreprises et des collectivités, y compris par des productions locales. 

Trois dossiers à diffuser à vos députés, sénateurs, élus locaux :

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