06/04/2016

La Seine, ses poissons et ses pollutions (Azimi et Rocher 2016)

Depuis 1990, la Seine francilienne a vu une augmentation de sa biodiversité piscicole totale (surtout dans la première partie de la période, stabilité depuis 12 ans), l'apparition d'espèces plus exigeantes en qualité de l'eau et une amélioration de son Indice d'intégrité biotique (IBI). Mais l'analyse des tissus des poissons montre une exposition persistante à certains métaux, aux PCB et aux pesticides. 


Le Siapp est un service public d'assainissement francilien. Ses ingénieurs viennent de publier une étude sur la qualité des eaux de la Seine et le peuplement des poissons.

Sur une période de 23 ans (1990-2013), les populations piscicoles ont été analysées sur 8 stations autour de Paris (Villeneuve-saint-Georges la plus en amont jusqu'à Triel-sur-Seine la plus en aval). L'Index d'intégrité biotique (IBI), qui mesure l'écart entre la population analysée et une population de référence a été analysé. Trois familles de polluants ont été cherchées ans les muscles des poissons (anguilles, gardons, chevesnes) : métaux, PCB et pesticides. Enfin, l'activité hépatique de l'ethoxyresorufine-O-de-éthylase (EROD) a été mesurée sur les chevesnes, cette enzyme étant considérée comme un marqueur généraliste de réponse à l'exposition aux toxiques.

Voici les principaux résultats de ce travail:

  • le nombre moyen d'espèces est passé de 14 à 21 (total 32 sur la période), avec une progression dans le premier tiers de la période, puis une quasi stagnation ensuite (à compter de 1999), ci-dessous évolution des captures ;



  • le nombre d'individus capturés n'a pas eu d'évolution significative (hors une pointe d'ablettes juvéniles en 1996);
  • les assemblages piscicoles ont vu davantage de limnophiles carnivores et de rhéophiles omnivores, avec une modeste apparition de rhéophiles carnivores et un renforcement d'espèces un peu plus exigeantes (grémille, sandre, chabot);
  • les contaminations des poissons au mercure, au zinc, au PCB ont été identifiées (mesure à compter de 2000), sans tendance claire (ci-dessous, contamination au PCB par kg de poids humide à gauche et de tissu gras à droite);


  • l'indice EROD a fluctué entre bon état et très mauvais état, avec notamment des mauvais résultats sur les années les plus récentes (ci-dessous, évolution EROD sur trois stations, plus la protéine est exprimée, plus forte est l'exposition aux toxiques).


Discussion
Les auteurs analysent l'augmentation du nombre d'espèces et l'apparition de poissons plus exigeants comme un signe d'amélioration de la qualité de l'eau, à la suite des investissements consentis sur les stations d'épuration (directive ERU - eaux résiduaires urbaines 1991).

La rivière a un état "bon" au regard de l'IBI. Cependant, il faudrait contrôler la pertinence de l'IBI, indice assez ancien des années 1980, plutôt conseillé sur des petites rivières que sur des fleuves, remplacé par l'IPR au début des années 2000 puis l'IPR+ quelques années plus tard. Comme les poissons exhibent toujours des marqueurs ou des traces d'une exposition aux toxiques, cela signale une faible sensibilité de cet indice à la détérioration chimique de l'eau ou des sédiments. La Seine restant massivement canalisée et ses berges aménagées, il est difficile de prédire une évolution de ses peuplements. L'apparition d'une plus grande biodiversité piscicole est une bonne nouvelle, mais la série est sans doute trop courte pour déceler avec quelque certitude des évolutions durables.

La persistance des PCB dans les analyses, malgré leur interdiction depuis 1987, indique qu'il sera long de liquider l'héritage des pollutions passées. Il est dommage que les pointes récentes de marqueurs d'exposition aux toxiques ne reçoivent pas d'explication claire.

Référence : Azimi S, V Rocher (2016), Influence of the water quality improvement on fish population in the Seine River (Paris, France) over the 19902013 period, Science of the Total Environment, 542, 955964

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